Le Maroc a franchi une nouvelle étape dans la consolidation de son Etat social avec l'annonce par le chef du gouvernement, M. Aziz Akhannouch, lors de la séance mensuelle consacrée aux politiques publiques à la Chambre des Conseillers, de la première revalorisation des montants de l'aide sociale directe. Effective dès la fin du mois de novembre 2025, cette augmentation qui intervient sans impacter le prix subventionné du gaz butane, vise à renforcer directement le pouvoir d'achat des ménages les plus vulnérables. Concrètement, les allocations familiales ont été revues à la hausse de manière substantielle. Désormais, chaque famille recevra 250 dirhams pour chacun des trois premiers enfants scolarisés ou âgés de moins de six ans, contre 200 dirhams auparavant. Pour les enfants non scolarisés parmi les trois premiers, le montant passe de 150 à 175 dirhams. Une attention particulière a été accordée aux enfants orphelins de père, scolarisés et âgés de moins de six ans, qui bénéficieront d'une allocation renforcée de 375 dirhams par enfant pour les trois premiers. De plus, le gouvernement a instauré un montant plancher, garantissant qu'aucune famille éligible ne percevra moins de 500 dirhams par mois, quelle que soit sa composition. Cette mesure témoigne d'une volonté de créer un filet de sécurité sociale robuste, couvrant déjà plus de quatre millions de familles, soit environ 12 millions de citoyens, dont cinq millions d'enfants et 1,5 million de personnes âgées de plus de 60 ans. Le gouvernement a également annoncé son intention d'étendre ce dispositif aux enfants orphelins ou abandonnés hébergés dans des établissements de protection sociale, afin de leur garantir des opportunités d'insertion une fois devenus majeurs. Lire aussi : Aide sociale directe : vers plus d'équité Cette initiative n'est pas une action conjoncturelle, mais la concrétisation d'une Vision stratégique portée au plus haut niveau de l'Etat. Lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans un Discours historique en juillet 2020, en pleine crise sanitaire liée au Covid-19, la généralisation de la protection sociale a pour objectif de refonder le pacte social marocain. Le projet vise, à l'horizon 2025, à étendre l'Assurance Maladie Obligatoire à 22 millions de nouveaux bénéficiaires, à généraliser les allocations familiales, à élargir l'accès à la retraite et à mettre en place une indemnité pour perte d'emploi. Pour ce faire, un budget colossal de 51 milliards de dirhams a été mobilisé pour les seules aides sociales directes, auquel s'ajoutent six milliards de dirhams destinés à la mise à niveau des infrastructures de santé. Cependant, cette transformation profonde ne va pas sans défis majeurs. Le principal obstacle réside dans la capacité du système de santé à absorber l'afflux massif de nouveaux assurés. Le Maroc fait face à une pénurie critique de personnel médical, avec seulement 7 médecins pour 10 000 habitants, bien en deçà des standards internationaux, selon un rapport de la Cour des comptes de 2023. La Commission Spéciale sur le Modèle de Développement a estimé qu'il faudrait former 54 000 médecins et plus de 100 000 infirmiers pour combler ce déficit et garantir un système de santé de qualité accessible à tous. La réforme des infrastructures et de la gouvernance du secteur de la santé, bien que planifiée, accuse un certain retard, faisant peser le risque d'une saturation du système et d'un report de la demande vers le secteur privé, ce qui pourrait compromettre l'équilibre financier de l'ensemble du dispositif.