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«Vols de temps», les chroniques de Mohamed Lotfi sur ses Souverains anonymes au 28e SIEL [Interview]
Publié dans Yabiladi le 08 - 06 - 2023

Le journaliste, animateur, cinéaste et écrivain maroco-québécois Mohamed Lotfi a présenté son opus «Vols de temps» (éd. Leméac), dans le cadre du 28e Salon international de l'édition et du livre (SIEL), qui se tient du 1er au 11 juin 2023 à Rabat. Cet ouvrage a été publié pour fêter les trente ans de l'émission Souverains anonymes, distinguée par le Prix du Québec en 2020. L'auteur l'a écrit en plusieurs temps et sur des années, proposant ainsi une immersion au cœur de son programme inédit ayant démocratisé la question de la réhabilitation des détenus à travers l'art.
«Vols de temps» est votre ouvrage consacré aux Souverains anonymes et que vous présentez au SIEL, où le Québec est l'invité d'honneur. Qu'est-ce qu'on y trouve ?
Dans ce livre, on trouve beaucoup d'amour. L'amour de personnes qui ont été en détention et de ceux qui leur ont rendu visite. C'est donc une expérience de rencontres que j'ai décidé de raconter, à l'occasion du trentième anniversaire de Souverains anonymes. J'ai voulu à la fois mettre en avant ce programme et faire parvenir des idées, par le biais de la littérature, étant donné que je parle ici d'un médium qui diffuse la parole des détenus, leurs créations, leurs musiques et leurs chants.
A travers ce livre, j'ai souhaité faire un cadeau à ces personnes, en tant que chroniqueur – je ne dirais pas que je suis écrivain, mais plutôt quelqu'un qui écrit et qui a beaucoup écrit sur les détenus –. J'ai voulu leur dire comment j'ai perçu toute cette expérience de rencontres qu'est Souverains anonymes. J'ai puisé dans mes archives, dans mes chroniques et j'ai choisi plusieurs textes qui rejoignent l'idée de voler du temps au temps. J'ai aussi écrit de nouveau textes spécialement pour le livre, puisque certains anciens écrits existants m'ont inspiré de nouveaux. Bien entendu, il y a eu un travail de réécriture et d'édition, car j'ai souhaité veiller à bien choisir le moindre petit mot.
Je me suis permis de voler du temps au temps pour me consacrer à cette expérience d'écriture. Pour moi, qui écris depuis toujours, j'ai découvert qu'écrire un livre n'était pas la même chose que cet exercice quasi-quotidien auquel je suis habitué. Il faut prendre son temps, écouter des conseils, se faire relire et corriger. La moitié du livre est constituée de nouveaux textes, car l'inspiration a été foisonnante grâce à l'éveil de la mémoire, insufflée par les écrits que j'ai gardés au fur et à mesure des années.
Il y a donc dans ce livre l'amour de ceux que l'on a enfermés, qui se sont enfermés eux-mêmes, et le but est de libérer leur parole. Il n'y a pas un chapitre où je ne reprends pas la réplique, le poème, les chants les mots d'un détenu ou d'un ex-détenu, tel un messager. Ils sont nombreux à avoir désormais quitté la prison.
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La symbolique de trente ans est importante, elle représente une génération que vous documentez dans ce livre, à votre manière. Mais comment Souverains anonymes a commencé ?
Souverains anonymes a bien commencé un jour. J'ai l'impression d'avoir été un Souverain anonyme bien plus tôt. C'est la suite d'une démarche journalistique. Etant donné que je me considère comme un journaliste engagé, ce n'est pas l'exercice en lui-même qui m'intéresse, mais la rencontre qu'il me permet avec l'autre. De temps en temps, je les rapporte par la voie d'un journal, d'une radio, par le cinéma à travers mes courts-métrages, par la peinture… Au milieu de tout cela, Souverains anonymes a été l'expérience la plus durable qui a catalysé ma démarche première, à savoir d'aller là où les autres ne vont pas.
Evidemment, la prison est l'endroit idéal pour cela, au regard d'un journaliste, d'un écrivain ou d'un artiste. C'est pour cela d'ailleurs que j'ai souvent invité des personnes de ces milieux-là, comme pour les appeler à venir avec moi dans cette découverte, vivre cette expérience dans le partage. Il aurait été égoïste de ma part de faire cavalier seul avec des détenus que j'appelle les Souverains. Inviter des artistes sensibles et capables de descendre de leur piédestal, le temps de l'expérience, a été un moment fort à chaque fois. J'y ai invité également des syndicalistes, des écrivains et des associatifs et les Souverains m'ont invité à leur univers.
Avant la prison, j'ai exploré plusieurs zones de la ville, où les sans-abris m'ont ainsi amené en dedans. Pour les suivre dans leur vie, j'ai voulu aller les voir aussi derrière les murs des prisons. Au commencement, j'avais perdu de vue un sans-abri en particulier. On m'a dit qu'il avait été arrêté et j'ai dû aller le chercher en prison, car c'était avec lui que je voulais initialement enregistrer une émission, pour savoir comment il supportait de se trouver enfermé tout d'un coup, lui qui est habitué aux grands espaces.
Mohamed Lotfi au 25e anniversaire de Souverains anonymes / Ph. Mohamed Lotfi
C'est ma question de départ, qui m'a amené, 33 ans plus tard, à me la poser toujours, alors que ce sans-abri ne fait plus partie de ce monde. J'ai décidé d'élargir le programme aux autres prisonniers. De là, je me suis posé la question : «comment un détenu peut utiliser l'art, la culture et la création, pour en faire un outil d'évasion et de liberté, peut-être même un moyen de réhabilitation ?». Je raconte tout cela dans le livre, qui documente des choses que l'on n'a pas entendues dans les émissions.
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Peut-on dire que c'est une forme de journal intime des Souverains anonymes que vous avez écrit avec plusieurs années de décalage ?
Il y a de l'intime, en effet, dans ce livre, qui commence d'ailleurs par les mots des détenus. Je n'ai pas trouvé plus intime que cela. Il y est dit : «Ce soir, je fermerai les yeux dans ma cellule pour vous revoir de vive mémoire. Ce soir dans ma tête, il n'y aura pas de nuage gris, ni de lune blême. Il n'y aura plus de murs café-crème. Ce soir, ma cellule sera une scène avec des éclairages d'été, des décors de printemps et un rideau d'eau pour laver ma haine. Sur ma scène il n'y aura pas de portes, ni de fenêtres, non plus la question être ou ne pas être. Ce soir, je fermerai es yeux sans comprendre ce qui m'arrive. Il n'y a rien à comprendre au bonheur quand il arrive. Ce soir, demain soir et pour toujours, je garderai de votre passage parmi nous, brave et belle femme, du rose pour mon âme.»
J'ai écrit tout cela à partir d'une phrase qu'un ex-détenu ma confiée, après une belle rencontre avec les actrices d'une série télévisée extrêmement populaire au Québec à l'époque, «Chambre en ville». Les détenus ont vu les héroïnes de leur série préférée, dont beaucoup d'acteurs sont devenus très connus depuis. Donc il y a de l'intime que je ressens, mais aussi celui des détenus, comme il y a également des coups de gueule, des indignations, des critiques. Ce sont des chroniques écrites sur plusieurs années et la critique la plus importante qu'on en retient est universelle, pouvant se rapporter au Québec comme au Maroc ou ailleurs.
Je fustige ici le degré d'indifférence que les opinions publiques dans le monde entier cultivent et développent à l'égard de l'univers carcéral, particulièrement concernant la réhabilitation des personnes détenues. Il y a de quoi être indigné, parce que c'est le dernier des soucis de beaucoup. On s'intéresse à des problématiques de santé, d'éducation, mais on a l'impression que la prison ne concerne pas les autres, alors qu'elle concerne tout le monde car elle questionne les causes profondes des failles de nos sociétés. Ce sont, à mon sens, des critiques qui s'imposent, que j'expose sans concession, avec ma plume acérée.
Mohamed Lotfi lors du 25e anniversaire de son émission Souverains anonymes, recevant la médaille de l'Assemblée nationale de Christine St-Pierre alors ministre de la Culture.
L'émission Souverains anonymes a eu un grand succès. Où est-ce qu'elle est accessible ?
L'émission est désormais disponible librement sur Internet. Elle est diffusée aussi sur une radio qui l'a toujours relayée, CIBL, et qui fait partie du patrimoine radiophonique communautaire du Québec. J'ai mis en ligne l'émission pendant la période du confinement dû à la crise sanitaire. Faute d'accès direct aux détenus, à cause du risque de Covid-19, j'ai souhaité garder le lien avec eux à travers a radio, d'autant qu'ils étaient doublement confinés, par rapport à nous. Ainsi, ils ont pu écouter Souverains anonymes à travers la radio.
Le programme a longtemps été diffusé sur une trentaine de radios communautaires. Sur Radio Canada, comme j'ai fait beaucoup de reportages, 20% à 30% parmi eux ont été justement des segments en versions de reportages plus courts sur des sujets précis, plus amplement développés dans Souverains anonymes. Radio Canada a été la chaîne qui a donné le plus la parole aux détenus et cela a été une belle expérience.
Depuis trois ans et après le trentième anniversaire, j'ai prévu d'arrêter, mais cela a été difficile à envisager, du jour au lendemain. Je suis retourné donc en prison en proposant un format plus simple, avec des ateliers de théâtre et des invitations moins régulières. La dernière a été avec une professeure de yoga et j'inviterai, bientôt, un chanteur d'origine marocaine ayant participé à The Voice (La Voix au Québec).


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