Lancé pour concurrencer le complexe portuaire de Tanger-Med, le projet du port algérien d'El Hamdania connaît un virage stratégique inattendu. Alger aurait renoncé à confier sa construction à la Chine. Une décision aux fortes implications géopolitiques, sur fond de rivalité régionale et d'enjeux autour du Sahara occidental. L'Algérie aurait renoncé à confier à la Chine la construction du grand port d'El Hamdania, un projet lancé en 2015 sous le règne d'Abdelaziz Bouteflika pour rivaliser avec Tanger-Med, révèle le quotidien français L'Opinion. Cette information émane du journaliste ayant interviewé le président Abdelmadjid Tebboune début février. Avec la Chine écartée, la société française CMA-CGM apparaît comme un candidat potentiel pour reprendre le projet. L'Opinion rappelle que le président Tebboune a reçu, le 2 juin, le PDG de CMA-CGM, le milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé, également propriétaire de BFMTV. Ce revirement, qui consiste à délaisser la deuxième puissance économique mondiale au profit de la France, serait-il une stratégie de l'Algérie pour inciter la Chine à ne pas soutenir le plan marocain d'autonomie pour le Sahara occidental ? En effet, la question du Sahara reste centrale dans la politique étrangère algérienne. Deux mois avant que le Royaume-Uni n'exprime officiellement, le 1er juin, son soutien à l'initiative marocaine d'autonomie, le gouvernement algérien avait signé à Londres des accords et des mémorandums d'entente avec des entreprises britanniques, pour un montant d'un milliard de dollars. Pékin éconduit Concernant le Sahara, Pékin soutient une solution politique acceptée par toutes les parties. «La Chine apprécie la prorogation actuelle du mandat de la MINURSO, tout en souhaitant que les futures prolongations tiennent compte de la situation sur le terrain et des positions de toutes les parties, afin d'atteindre un consensus souhaitable», avait déclaré une diplomate chinoise lors de la séance suivant le vote, en octobre 2023, de la résolution 2654. Cette position a été réitérée par la Chine lors du vote, le 31 octobre 2024, en faveur de la résolution 2756. Lors de sa visite au Maroc le 21 novembre 2024, le président chinois a réaffirmé au prince héritier Moulay El Hassan les liens entre les deux pays. Xi Jinping a annoncé que la Chine est prête à continuer de travailler avec le Maroc pour se soutenir mutuellement sur les questions concernant leurs intérêts fondamentaux respectifs et pour favoriser un plus grand développement du partenariat stratégique sino-marocain. Il est à noter que CMA-CGM ne construit pas de ports, mais gère des terminaux pour le déchargement des marchandises. Le groupe français est fortement implanté au Maroc, grand rival de l'Algérie, notamment dans le projet de Nador-Ouest. CMA CGM et Marsa Maroc se sont associés dans une coentreprise pour équiper et exploiter la moitié du terminal à conteneurs de Nador West Med, avait indiqué le groupe français dans un communiqué publié le 29 octobre 2024. La veille, Rodolphe Saadé signait à Rabat, lors d'une cérémonie officielle présidée par le roi Mohammed VI et Emmanuel Macron, un protocole d'accord stratégique avec Fouad Brini, président de Tanger-Med.