INTERVIEW En cette saison printanière, les «procès» pour prosélytisme pleuvent: une nouvelle plainte vient d'être déposée visant l'établissement scolaire George Washington Academy de Casablanca. En même temps, Mohamed Darif, politologue, sort un ouvrage (en français) intitulé «Monarchie marocaine et acteurs religieux» aux Editions Afrique Orient. Il a répondu à nos questions. - Yabiladi : Qu'est ce qui vous a poussé à titrer votre dernier ouvrage «Monarchie marocaine et acteurs religieux» ? - Mohamed Darif : Tout traitement de la gestion de la chose religieuse par la Monarchie ne peut se faire qu'en relation avec les différents acteurs religieux du pays. Au Maroc, le champ religieux est composé de trois courants : le Soufisme, l'Islamisme et le Salafisme, au sein desquels des blocs existent, cohabitent et s'affrontent. La stratégie religieuse du Roi Mohammed VI vise à laïciser l'Islam avec comme instrument son titre de Commandeur des croyants qui permet une «étatisation» de l'Islam. Pour la Monarchie, il s'agit de mettre la religion au service de l'Etat. D'où la monopolisation de l'interprétation du discours religieux par le Roi Mohammed VI. Son objectif affiché est clair : protéger et garantir l'unité religieuse des marocains. - Par définition, la laïcité, n'est-ce pas la séparation des pouvoirs ? - Je ne parle pas de la dimension laïque mais laïcisante. Il faut savoir qu'au Maroc, les acteurs religieux n'interfèrent pas dans le champ politique et que les politiques font de même sur le terrain religieux. En soi, c'est déjà une approche laïque. Seul la personne du Roi peut interférer sur les deux domaines. On peut donc dire que nous sommes dans un système semi laïque. Le statut de Commandeur des croyants est fondé sur une logique laïcisante et la religion, à savoir l'Islam, est utilisé pour renforcer les fondations de l'Etat Nation. - Depuis plusieurs semaines au Maroc, on assiste à une série de procès pour prosélytisme, qu'est-ce que cela vous inspire ? - Selon moi, il s'agit de l'application de la loi en vigueur et le rôle du ministère de l'Intérieur est de veille au respect et à l'application des lois. Dans ce cas précis, le 2ème paragraphe de l'article n°120 du code pénal est clair. S'il ne fait pas référence au prosélytisme, il n'en reste pas moins qu'il comporte des sanctions à l'encontre de toute personne qui exploite les besoins des gens, qui utilise les établissements scolaires, les établissements de santé, les asiles et les orphelinats pour tenter de convertir des individus de confession musulmane. Aucune loi n'interdit le prosélytisme ! Le Royaume ne reconnaît que les trois religions révélés, l'Islam, le Christianisme et le Judaïsme, et la liberté religieuse repose sur la liberté de croyance et la liberté de culte.