Aziz Akhannouch consent à certains assouplissements concernant les retraites après les scénarios antérieurs de relèvement d'âge et de cotisations    Elecciones Legislativas 2026: Akhannouch acusa a ciertas partes de «instrumentalizar» una decisión real    Holding Générale d'Education s'empare de La Prairie    Morocco PM hails «unprecedented cohesion» within coalition parties despite disagreements    Ahead of 2026 elections, Akhannouch denounces exploitation of royal decision    Services marchands non financiers : 41% des patrons anticipent une hausse de l'activité    Tourisme, Artisanat… Le Maroc met en avant ses atouts en Chine    Pour "Le Figaro", le groupe OCP est devenu, sous Mostafa Terrab, un mastodonte qui multiplie les engagements et les mises de fonds sur plusieurs secteurs névralgiques    Lecce explique l'exclusion de Youssef Maleh de la Serie A    Rabat : Réunion du Comité permanent de la sécurité routière    Discussions Chine-USA: une rencontre Xi-Trump toujours dans les limbes    Le chef de gouvernement préside la Commission interministérielle sur la reconstruction des zones sinistrées d'Al Haouz    Ayyoub Bouaddi, nouvelle cible du Paris Saint-Germain    Eliesse Ben Seghir déjà dans le rythme de la Bundesliga    Le Maroc met en avant les connectivités atlantiques au Forum Crans Montana du 1er au 4 octobre lors de la 40e session    Revue de presse de ce jeudi 11 septembre 2025    CIFTIS : LA COOPERATION TOURISTIQUE À L'HONNEUR Des participants internationaux partagent leurs analyses et explorent les opportunités offertes par l'initiative de gouvernance globale    Casablanca, capitale de la donnée et de l'IA le temps d'un sommet Visa    Fatourati Collect, la nouvelle arme des entreprises contre les retards de paiement    38 % de fraudes détectées, basculement AMO-CNSS en préparation et nouvelle gouvernance prudentielle : la FMA dresse le compte de ses activités    La jeunesse marocaine déserte les urnes, affronte les fractures territoriales et rêve d'une nouvelle élite politique à la veille des législatives de 2026, selon la Fondation Friedrich-Naumann    L'université Al Akhawayn et l'université Prince Mohammad Bin Fahd créent à Ifrane une chaire consacrée aux applications de l'intelligence artificielle    Qualifs CDM 2026 (Afrique) : Résultats (mardi) et classement avant la J9 (octobre    El Jadida : El Bouari s'enquiert des préparatifs de la 16ème édition du Salon du Cheval    Prépa CDMU17 : Les Lionceaux terminent deuxièmes en Espagne    Maroc : Les chiffres officiels du cheptel frappent à la porte du Parlement    La répression des voix dissidentes et l'instrumentalisation des « réfugiés » à Tindouf dénoncées devant le CDH    Zuma à Rabat : L'Afrique du sud envisage de convoquer le chargé d'affaires marocain    France : Sébastien Lecornu nommé Premier ministre    Les vols de drones russes en Pologne, Varsovie dénonce un coup planifié    Législatives 2026 : Akhannouch accuse des parties d' «instrumentaliser» une décision royale    Maroc : Akhannouch attribue les «tirs amis» de ses alliés à des agendas partisans    Reconstruction d'Al-Haouz : Aziz Akhannouch préside une réunion de la Commission interministérielle    Pour ses 20 ans, le festival Arabesques de Montpellier honore le Maroc    Rétro-Verso : Quand Mohammed III propulsa Casablanca vers la grandeur    La Fondation Dr. Leila Meziane érige un pont culturel entre le Maroc et l'Espagne    Parution: À travers les siècles « L'Histoire est un aller simple »    Hommage : Mustapha Baqbou, gardien du temple et rockstar de la transe    Netanyahu demande au Qatar d'expulser ou de juger les "terroristes" sur son sol    Le Maroc prépare une rencontre amicale face à l'Ouzbékistan en octobre à Tanger    Ballon d'or 2025 : Mbappé refuse de départager Hakimi et Dembélé    France : Sébastien Lecornu promet des « ruptures » pour sortir de l'impasse politique    Fès-Meknès : accélération du déploiement des "Ecoles pionnières"    Religion. Les jeunes marocains moins moins pratiquants    GERD : L'Ethiopie inaugure le plus grand barrage d'Afrique    Maroc : Le PJD et Al Adl wal Ihsane condamnent la frappe israélienne sur le Qatar    Musique : décès du maître gnaoua Mustapha Baqbou    Un élève rend hommage à son professeur après 22 ans : une Omra en guise de gratitude    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Rachid Benzine : «Un texte religieux n'est vivant que s'il est capable d'en produire de nouveaux»
Publié dans Yabiladi le 17 - 10 - 2017

Dans «Des mille et une façons d'être juif ou musulman» (Editions Seuil, octobre 2017), l'islamologue Rachid Benzine et la rabbin française Delphine Horvilleur s'épanchent sur la pluralité de l'islam et du judaïsme et mettent en avant la multiplicité des pratiques religieuses, convaincus qu'il n'y a pas «qu'une seule manière» de vivre sa religion. Le politologue et enseignant franco-marocain revient pour Yabiladi sur son nouveau livre. Interview.
Comment l'idée de ce livre est-elle venue ?
Il y a aujourd'hui une tendance dans les religions, qu'il s'agisse de l'islam ou du judaïsme, qui prétendent être la seule manière de vivre ces religions. Toutes les autres formes de l'islam ou du judaïsme sont ainsi disqualifiées. Ce mouvement religieux prétend être la vérité, fidèle à la tradition. Ce qui nous lie avec Delphine Horvilleur, c'est le rapport à soi dans nos textes religieux et nos traditions. Quand on étudie l'histoire, on se rend compte qu'il y a plus de mille et une manières d'être musulman, et que beaucoup de mouvements qui ont la prétention d'être authentiques sont en vérité des mouvements issus d'une construction sociale historique récente. Au sein même de ce qu'ils appellent «tradition», il y a eu dans l'histoire plusieurs manières d'être musulman. Il n'y a pas une manière qui serait plus authentique que d'autres.
Pourquoi avoir choisi d'écrire ce livre avec une rabbin ?
Tout d'abord parce qu'on se connaît depuis quelques années avec Delphine Horvilleur et qu'on partage les mêmes questions. On est toujours préoccupés par l'histoire de nos traditions, notamment l'approche historico-critique de nos textes. On partage aussi la question de la transmission intergénérationnelle. La question des femmes est également un élément très important dans nos lectures. Delphine et moi partons du principe que ça ne sert à rien d'aller chercher le féminisme dans nos textes car ils sont pétris de normes patriarcales qui sont nées dans une société patriarcale, ou de projeter sur eux nos conceptions modernes de l'égalité hommes-femmes.
C'est une chose de reconnaître des normes patriarcales dans un texte, c'en est une autre de pouvoir lire aujourd'hui les textes avec notre conception de l'égalité. La vraie question, c'est de savoir si l'islam et le judaïsme continuent à être des religions misogynes au XXIe siècle. Se demander si le texte du Coran est misogyne ou pas… Le Coran est le fruit de son histoire, il est né dans une société patriarcale ; il est donc normal que la notion de patriarcat soit au cœur des textes coraniques. Jusque dans les années 1950 en France, la question de l'égalité entre hommes et femmes se posait encore.
Vous insistez sur la nécessité de questionner la religion et de comprendre celle de l'autre. Pourquoi ?
Tout d'abord, pour qu'une religion puisse être vivante, et pour que des textes sacrés soient vivants, il faut qu'ils continuent à être interprétés et réinterprétés. Il faut produire de nouveaux sens ; il ne suffit pas de répéter ce qu'ont dit les anciens. Un véritable héritier, c'est quelqu'un qui est dans ce que Jacques Derrida appelle «une fidélité infidèle», c'est-à-dire qu'il faut être fidèle vis-à-vis de notre héritage, mais en même temps il faut lui être infidèle. Autrement dit, il faut prendre l'héritage et l'emmener ailleurs, le subvertir, le déranger pour qu'il puisse produire du nouveau. Un héritier, c'est quelqu'un qui fait du nouveau avec de l'ancien. Les religions sont comme les langues : votre langue ne peut pas lire la totalité d'une réalité, c'est pourquoi il faut essayer de comprendre la langue de l'autre, visiter la maison de l'autre. On peut partir du principe qu'un musulman peut essayer d'étudier la religion comme il étudierait une langue, notamment la religion juive, et vice versa.
Comment remettre en question les textes religieux sans les détourner de leur sens premier ? Sans, peut-être, bousculer les croyants…
Il n'y a pas de tradition religieuse sans questionnement, sans doute. D'ailleurs, il n'y a pas de croyance sans doute ; ça va ensemble. Ces textes-là, avant de nous parler à nous, ont parlé à des gens qui ne sont pas nous. Par exemple, le Coran s'adresse à des Arabes du VIIe siècle. Or, nous ne sommes pas des Arabes du VIIe siècle. Il s'adresse à une société qui n'est pas la nôtre. La société du Coran, c'est une société de l'urgence, de l'économie, de la survie… La manière dont les hommes imaginaient le monde n'est absolument pas la même que la nôtre. En tant que lecteurs du XXIe siècle, vous devez prendre en considération ces choses-là, essayer de retrouver ce qu'elles ont pu signifier pour les gens à qui ces textes ont été adressés la première fois, et ce qu'ils peuvent signifier pour vous aujourd'hui. Ce que les textes pourront nous dire sera complètement différent de ce qu'ils ont pu dire aux anciens. C'est le propre de tous les grands textes. Un texte n'est vivant que s'il est capable d'en produire de nouveaux. Les textes religieux sont «enceinte» : ils sont comme une femme enceinte de nouveaux sens. On ne peut donc pas simplement reproduire le sens que nous ont donné les anciens. Ça, c'est la castration du texte ; ce n'est plus un texte vivant.
Vous déplorez que juifs et musulmans sont réduits à leur confession religieuse. Est-ce la société, les médias peut-être, qui les enferme dans leur confession religieuse, ou s'y enferment-ils eux-mêmes ?
C'est une dynamique réciproque. Vous avez par exemple un nationalisme identitaire en France qui enferme les gens dans leur identité, et, de l'autre côté, un confessionnalisme fondamentaliste religieux. En fait, ce sont deux dynamiques qui fonctionnent ensemble, l'une alimentant l'autre. Elles sont complémentaires, s'autoalimentent. Dans les sociétés, vous avez un certain nombre de personnes qui veulent réduire les gens à leur islamité - «ils ne sont que musulmans» - et vous avez, à l'intérieur du religieux, le fondamentalisme religieux musulman qui va vous dire «l'islam dit que», que pour être un bon musulman ou un bon juif, il faut faire ceci ou cela. C'est l'islam salafiste qui, à travers la multiplication des normes alimentaires et vestimentaires, participe à la polarisation de la société. Pour moi, ce sont vraiment les deux dynamiques qui fonctionnent ensemble, plutôt que des causes à effet.
Faut-il voir dans la réduction des individus à leur confession religieuse l'un des facteurs de mouvements identitaires et fondamentalistes ?
La religion repose sur trois pôles : éthique, cognitif, c'est-à-dire l'ensemble des rites, des connaissances et des mythes qui fondent une religieux, et identitaire. Or actuellement, c'est l'aspect identitaire qui fonctionne le mieux dans le religieux. Pourquoi ? Parce que le religieux devient un refuge identitaire. Dans l'islam, cela passe par l'alimentaire et le vestimentaire. On voit bien la manière dont le marché néolibéral s'accommode très bien des fondamentalistes parce qu'il vient répondre à leurs besoins de normes. Le phénomène du hallal participe aussi au fondamentalisme : le marché répond à des besoins et renforce la norme religieuse des mouvements fondamentalistes.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.