Liberté de la presse : Le Maroc gagne 15 places au classement RSF    Le 16ème Sommet de l'OCI se tiendra en 2026 à Bakou    Grève des collectivités territoriales : Le ministère de l'Intérieur tente d'apaiser les tensions    Banjul: le Maroc et l'ICESCO signent une annexe amendant l'accord de siège    OLA Energy s'associe à ExxonMobil pour la production locale de lubrifiants    Ventes de ciment : évolutions disparates selon les segments    Maroc : le déficit commercial s'allège de 14,6% à fin mars 2024    Beauté et bien-être : le salon international Cosmetista de retour pour sa 7e édition    Véhicules hybrides et connectés : Lynk & Co débarque au Maroc    Mohcine Jazouli poursuit son roadshow international aux Etats-Unis    Présidentielle en Mauritanie: Le parti au pouvoir adopte la candidature de Mohamed El Ghazouani    Soutien à Israël: 88 élus démocrates font pression sur Joe Biden    Le Président Xi Jinping tient avec le Président français Emmanuel Macron et la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen une réunion des dirigeants Chine-France-Union européenne    Comment le Maroc va devenir un hub de la construction de drones pour l'Afrique    Le bilan des réalisations de l'Agence Bayt Mal Al-Qods dépasse 13,8 millions de dollars pour la période 2019-2024    Le Président Poutine ordonne des manœuvres nucléaires aux confins de l'Ukraine    Championnat d'Espagne : En-Nesyri continue sur sa lancée    L'administration de la prison locale « Aïn Sebaa 1 » réfute les allégations de « tentative de liquidation physique » d'un détenu    Températures prévues pour le mardi 07 mai 2024    Tanger: Ouverture d'une enquête pour déterminer les circonstances d'une tentative de trafic de cocaïne    Une étudiante de l'Université Al Akhawayn marque l'histoire avec un record au Major field test    MMFC 2024 : la Fondation BMCI soutient l'innovation cinématographique à Casablanca    Les musées de France ne connaissent pas la crise dans leur histoire d'amour avec le public    Deux films marocains en compétition au Festival du film africain de Tarifa-Tanger    Sortie, cinéma, exposition, festival… 10 choses à faire ce mois-ci    CV, c'est vous ! EP-69. Zineb Bouzoubaa, la danse au service des femmes    Maroc-Azerbaïdjan : signature d'un accord d'exemption de visas    Mahdi Elamrani Jamal : « CMB continuera à développer son cœur de métier »    Le temps qu'il fera ce lundi 6 mai 2024    Port de Tarfaya: Hausse de 51% des débarquements de pêche    TCR World Tour Marrakech 2024 : Le pilote chinois Kingwa Ma remporte la 11ème édition    L'attitude de Cristiano Ronaldo fait encore mouche en Arabie Saoudite    Liga : Brahim Diaz s'exprime sur le sacre du Real Madrid    Abde Ezzalzouli aurait tenté de convaincre Lamine Yamal de choisir le Maroc    Eredivisie : Ismael Saibari et le PSV Eindhoven champions à deux journées de la fin    Les températures attendues ce dimanche 5 mai 2024    Les couleurs du ciel de ce dimanche 5 mai au Maroc    Banjul : Le Sommet de l'OCI salue le rôle de SM le Roi dans le soutien à la cause palestinienne et la protection des sacralités islamiques à Al Qods    Banjul. Le Sommet de l'OCI salue le rôle de SM le Roi Mohammed VI dans le soutien à la cause palestinienne    Coupe du monde de futsal (Ouzbékistan-2024): Le tirage au sort prévu le 26 mai    Le Burkina Faso réitère son soutien à l'Initiative royale de la Façade Atlantique    Le Maroc et l'Azerbaïdjan signent un accord d'exemption mutuelle de visa    Tennis : Aya El Aouni, en vedette à Antalya !    Vague de chaleur de mardi à vendredi dans plusieurs provinces du Royaume    MAGAZINE : Abdallah El Hariri, peintre à pinceaux tirés    Cinéma : Descente d'El Maanouni à New York    Musique : A Jazzablanca, Dulfer quitte Prince pour Ennaira    La Libye réaffirme son rejet d'une union maghrébine sans le Maroc    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Histoire : Les récits de voyages, un héritage de Paul Bowles devenu tangérois
Publié dans Yabiladi le 03 - 07 - 2018

Si le séjour de 52 ans entrepris par Paul Bowles à Tanger commença par hasard, il renseigna sur plusieurs aspects culturels et politiques de la citadelle, puis globalement du Maroc du XXe siècle. Les dimensions autobiographiques n'y manquaient pas, malgré les discrétions de leur auteur.
Il fut connu que Paul Bowles s'installa à Tanger dans une période charnière de l'ancienne Zone internationale et d'un pays en lutte pour son indépendance. Dans ce contexte de changements politiques profonds, le musicologue américain prit le temps de se fondre dans le quotidien des populations locales en mutation. Comme une manière de mieux connaître l'autre pour se découvrir soi-même et laisser son empreinte dans ce monde.
Ainsi, Paul Bowles choisit de vivre au Maroc pour documenter de nouvelles musiques, ou encore pour découvrir des horizons de vie autres que les codes asphyxiants du puritanisme américain. Jane Auer (1917 – 1973), son épouse depuis 1938, fut moins évoquée par les récits s'intéressant à l'écrivain. Il n'en reste pas moins que son apport artistique aux travaux de Paul Bowles étaitlà, malgré une vie de couple fort mouvementée.
(G. à d.) Oliver Smith, Jane et Paul Bowles à New York, le 23 mai 1947 / Ph. Irving Penn (1917 - 2009)
Récit d'une solitude volontaire
Au fil des ans, la relation entre Paul Bowles et Jane devint purement platonique, surtout depuis 1947, lorsque l'écrivain acheta une maison à la Casbah, décida de la partager avec le producteur de théâtre Oliver Smith (1918 – 1994) et convia Jane à «venir y vivre» uniquement. Depuis, les deux nouveaux locataires de Sidi Bouknadel ne partageaient plus que les moments de travail, au cours desquels ils traduisaient ensemble des ouvrages et rédigeaient des manuscrits à quatre mains.
Dix ans plus tard, Jane Auer fut victime d'une attaque cérébrale qui l'empêcha de continuer à écrire. Elle sombra dans l'alcoolisme et mourut en 1973, dans une clinique psychiatrique à Malaga. Malgré le décès de son épouse, Paul Bowles tint à rester à Tanger tout en gardant en lui une profonde mélancolie.
Dans ses romans, il ne rapportait pas souvent des éléments autobiographiques détaillés, mais il le faisait indirectement à travers des personnages, ou en poussant la réflexion sur certaines situations vécues, notamment celles que la vie de Jane lui avaient enseignées sur les situations humaines qu'ils avaient traversées ensemble.
Paul Bowles avait accompagné sa partenaire de vie jusqu'à la mort, et la nature de leur relation eut une forte influence sur ses productions littéraires. De sa vie avec Jane, Paul Bowles fit une œuvre traitant d'une manière singulière les questions liées à la solitude, au voyage et à l'éternité.
Paul Bowles dans la région du Tafilalet en 1963 / Photo parue dans Travels, collected writings (p. 82)
Plus qu'une simple virée dans l'espace-temps ou un carnet de mémoires basé sur les premières observations d'un «étranger» dans un nouvel environnement, le voyage fut pour Paul Bowles un processus fait d'inconfort et de solitude absolue. D'ailleurs, il le décrivit déjà en 1963 dans 'Leurs mains sont bleues', un récit consacré à ses tournées au Maroc, en Turquie et en Amérique latine :
«C'est une sensation unique, qui n'a rien à voir avec le sentiment d'être seul, car il présuppose une mémoire (…) Il ne reste que votre respiration et les battements de votre cœur. Un processus de réintégration de soi étrange commence en vous et il n'a rien d'agréable. Vous avez le choix entre le combattre et tenir à rester la personne que vous avez toujours été, ou lui laisser libre cours.»
Fascination et désarroi envers un Maroc changeant
Paul Bowles fut connu plus largement pour ses enregistrements sonores et ses recherches sur le patrimoine musical de Jajouka. Des recherches qui ne passèrent d'ailleurs pas inaperçues du côté du ministère marocain de l'Intérieur, avant de trouver leur place à la Bibliothèque du Congrès américain. Après tout, l'artiste avait jeté l'ancre à Tanger pour s'éloigner du consumérisme outre-Atlantique et pour développer ses recherches en musicologie.
Cependant, un certain désarroi finit par le regagner. Le fait de se voir rattrapé par une américanisation dans son environnement tangérois, notamment via le tourisme de masse, lui laissa un goût d'amertume.
Paul Bowles dans son appartement à Tanger / Ph. Cherie Nutting
En effet, l'auteur pensait avoir laissé ce phénomène à New York ou en Europe, mais il commença à en observer l'expansion dans toute l'Afrique du Nord. Il assistait à la disparition de la simplicité de la vie et de la quiétude propre à Tanger, deux éléments qui l'avaient fait rester dans la citadelle pendant 52 ans. Dans ses échanges épistolaires avec William Burroughs (1914 – 1997), Paul Bowles décrivit ainsi cette évolution :
«Tanger n'est devenue européenne que dans le sens où les Marocains le sont devenus, dans leur style de vie quotidienne. La population est constituée de Marocains occidentalisés et de touristes qui affluent par milliers.»
Paul Bowles devint Tangérois
En réalité, le musicologue avait assisté à un épisode qui marqua à jamais la vie de Tanger, celui du passage des écrivains américains et britanniques de la Beat Generation par la citadelle, où il eut notamment un rôle pionnier. Il constatait l'américanisation de la ville du détroit, à l'image des grandes villes en expansion, mais il soupçonnait moins que son héritage finirait par y constituer un contre-courant à cette évolution effrénée et sans âme.
Justement, l'œuvre et le récit de vie de Paul Bowles resta omniprésent dans la cité septentrionale, où ses écrits furent traduits vers l'arabe, quelques années avant sa mort en 1999. Cette fresque historique est gardée intacte, notamment à l'Institut de la Légion américaine pour les études marocaines, dit la Légation américaine.
Une partie de l'espace consacré à Paul Bowles à la Légation américaine / Ph. linguist-in-waiting.com
Dans le grand espace de cette structure culturelle, la chambre de Paul Bowles est précieusement conservée, avec des affaires de l'artiste, des objets personnels, des instruments de Jajouka, une machine à écrire...
Les pièces d'identité de Paul Bowles, conservées à la Légation américaine de Tanger, avec ses affaires / Ph. linguist-in-waiting.com
A la Légation américaine, on trouve également des livres, des manuscrits, des photos, des papiers administratifs de Paul Bowles, ses compositions musicales ou encore ses valises, en plus de plaquettes explicatives.
Les affaires de Paul Bowles sont précieusement gardées à Tanger / Ph. linguist-in-waiting.com


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.