Label'Vie lève 1,5 milliard de dirhams sur le marché obligataire pour soutenir son développement    Le Kenya supprime les visas pour les pays africains, y compris le Maroc    Forum de Rabat 2025 : L'Afrique face au défi institutionnel des Objectifs de Développement Durable    13.000 plaintes, doléances, et initiatives spontanées reçues par le Médiateur du Royaume    La contribution du Maroc à la formation des observateurs électoraux en Afrique saluée par l'UA    Stellantis inaugure l'extension de son usine à Kénitra    Maroc : La demande électrique bat des records sous l'effet des vagues de chaleur    Maroc : Premier en Afrique du Nord au classement mondial de citoyenneté 2025    Alerte au tsunami après un séisme au large de l'Alaska    CPI-Israël : Rejet de la demande d'annulation des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant    Sahara : Les dessous des gesticulations de la droite espagnole [INTEGRAL]    Mobilité académique : Les opinions numériques désormais passées au crible par Washington    LNFA. Barrages : Salé aura son derby la saison prochaine !    Gothia Cup 2025 : le Maroc au rendez-vous pour le 50e anniversaire du plus grand tournoi mondial de football jeune    Euro féminin Suisse 25 : L'Italie surprend la Norvège et file en demi-finales    Euro féminin Suisse 25 : Suède vs Angleterre ce soir    Meurtre d'Erfoud : le coupable condamné à 30 ans de prison ferme    Béni Mellal : Une dissection médullaire cervicale en cause dans le décès de l'individu du château d'eau    Températures prévues pour vendredi 18 juillet 2025    Errachidia : Trente années de réclusion criminelle pour le meurtrier de son enseignante à Arfoud    2ème édition du Festival national de l'Aïta : El Jadida ouvre le bal sous le thème: Fidélité à la mémoire, ouverture sur l'avenir".    Le Maroc et l'ASEAN : Un partenariat multidimensionnel tourné vers l'avenir    Cours des devises du jeudi 17 juillet 2025    GNL : le ministère de l'Energie répond aux acteurs du gaz sur l'AMI en cours    Décès d'Ahmed Faras: une icône du football marocain s'en est allée    OPCVM : les actifs dépassent 768 MMDH    Message de condoléances de S.M. le Roi à la famille de feu Ahmed Faras    Sahara : Après le soutien de Zuma au Maroc, l'Algérie a envoyé des émissaires en Afrique du sud    Irak : un centre commercial ravagé par les flammes fait 61 morts    Ahmed Faras, leyenda del fútbol marroquí, fallece a los 78 años    Jacob Zuma visits Tangier's Renault plant to boost Morocco–South Africa cooperation    Moroccan football legend Ahmed Faras passes away at 78    Les prévisions du jeudi 17 juillet 2025    Africa Business+ : les cabinets marocains se distinguent    Chambre des représentants: Examen en commission du projet de loi sur la réorganisation du CNP    CAN féminine (Maroc-2024): la Marocaine Ghizlane Chebbak dans l'équipe type de la phase de groupes    Foot : Décès de l'ancien international marocain Ahmed Faras    Mondial 2026 : La FIFA prévoit de multiplier les pauses fraîcheur    "Vulgarité et médiocrité" : Le PJD s'en prend une nouvelle fois à El Grande Toto    Du voisinage à l'alliance : le Maroc appelle à un partenariat euro-méditerranéen efficace fondé sur une vision commune    Coopération sanitaire renouvelée entre le Maroc et la Chine : Rencontre de haut niveau entre le ministre marocain de la Santé et le maire de Shanghai    La diplomatie royale trace la voie de la réconciliation : la visite de Zuma au Maroc incarne un tournant historique dans les relations entre Rabat et Pretoria    Interview avec Faraj Suleiman : « La musique doit laisser une empreinte »    La pièce marocaine "Jidar" en compétition au Festival international du théâtre libre à Amman    La chanteuse marocaine Jaylann ciblée par une vague de racisme après son hommage au Maroc    14 juillet à Fès : quand l'histoire et la culture tissent les liens franco-marocains    L'UNESCO inscrit les tombeaux impériaux de Xixia au patrimoine mondial... La Chine poursuit la valorisation de son héritage civilisationnel    Festival des Plages 2025 : Maroc Telecom donne le coup d'envoi    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Qu'est-ce qu'un auteur africain ?
Publié dans Albayane le 12 - 10 - 2020

Je n'ai jamais eu la prétention d'être un grand écrivain. Quand Patrick Lowie, responsable éditoriale des éditions Onze, située à Casablanca, m'a signalé avoir proposé mon roman Adam Bofary au prix Orange du livre en Afrique, je lui ai répondu par cette petite phrase deleuzienne que l'on entend au début de l'ABCDaire : «Si tu y tiens». J'étais beaucoup plus navré pour lui des bouquins envoyés sans doute pour rien aux membres du jury que de me réjouir de participer à un prix littéraire.
Toutefois, lorsque mon éditeur m'a envoyé un texto en me disant «Mauvaise nouvelle Jean, ton livre ne peut concourir au Prix Orange du Livre en Afrique parce que tu n'es pas africain», quelque chose m'a titillé. Aujourd'hui, nous vivons malheureusement dans un monde incapable de voir ce qui rapproche tous les êtres humains et qui ne focalise que sur ce qui les sépare, ce qui les divise, les fragmente.
Qu'est-ce que cela signifie être un auteur africain ? La réponse reçue par mon éditeur concernant les critères d'admissibilité pour participer au prix Orange du livre en Afrique sont de vivre en Afrique et de posséder la nationalité d'un pays africain. Par contre, si je suis toujours bien la réponse transmise par mon éditeur, n'est pas un auteur africain quelqu'un qui réside depuis plusieurs années dans un pays d'Afrique et y a écrit des textes, qui a publié chez des éditeurs africains, a participé à des prix organisés au sein de ces pays africains et est reconnu par certains des auteurs nés en Afrique comme étant l'un des leurs.
Chaque prix a en effet le règlement qu'il souhaite et mon propos ne concerne pas spécifiquement le prix Orange du livre en Afrique qui a bien entendu la liberté de s'organiser comme il l'entend. Il s'agit plutôt d'un problème d'ordre général que je souhaite poser, puisque ces questions des critères d'appartenance à un pays ou à un continent ne concernent pas uniquement ma personne. Pour ne prendre que l'exemple du Maroc, en 2014, le Haut Commissariat au Plan comptait 84 000 personnes étrangères, dont 40% d'Européens. S'en tenir à de stricts critères administratifs pour définir aujourd'hui ce qu'est un auteur africain empêche de tenir compte des réalités cosmopolites et des hybridités post coloniales («post» entendu au sens de «par-delà») de notre époque.
Lorsque nous avions publié avec Abdellah Baïda et Mamoun Lahbabi, les trois volumes de Voix d'auteurs du Maroc aux éditions Marsam à Rabat, nous n'avions pas raisonné en termes d'appartenance nationale mais en prenant en compte le rapport pluriel de différents écrivains vis-à-vis du champ littéraire marocain, lui-même composite. La richesse de cet ouvrage est de mettre côte-à-côte des auteurs possédant chacun un lien intime avec le Maroc, depuis Ghita El Kayat, Omar Berrada, Soumia Mejtia, Reda Dalil jusqu'à Maï-Do Hamisultane, Maria Guessous, Valérie Moralès-Attias, Mokhtar Chaoui et bien d'autres. Un réfugié syrien résident au Maroc et ayant publié plusieurs romans dans son pays d'origine aurait été le bienvenu à nos Voix d'auteurs du Maroc, même s'il ne possède pas la nationalité marocaine.
Cette intimité révèle que la littérature n'est certainement pas affaire d'identité et d'assignation culturelle ; l'identité pouvant elle-même être un flux comme l'a montré Elias Sembar dans son livre Figures du Palestinien. Vouloir figer les individus dans une conception identitaire moniste risque de mener dans l'absolu à deux apories. D'une part, cela pourrait conduire non pas à la décolonisation de la littérature, c'est-à-dire au contraire de la colonisation, mais à sa colonisation contraire renforçant les divisions en les reproduisant de manière inversée par les stéréotypes et la folklorisation.
D'autre part, ces pratiques montrent encore plus la porosité, la fragilité et l'absurdité de la frontière, socialement construite, avec ce qui est défini comme n'étant pas africain mais qui fait symbiose avec lui, ce qui se situe sur la stricte ligne de démarcation et qui est identique à ce qu'il est censé ne pas être. Abdelkébir Khatibi a raison de dire que «je» suis dans «l'autre» et «l'autre» est en «moi». Théo Angelopoulos, le réalisateur grec, ne montre rien d'autre dans son film Paysage dans le brouillard.
Chère Ghizlaine, cher Patrick, je suis vraiment navré que mon roman, accueilli avec tant d'hospitalité aux éditions Onze n'ait pas pu candidater pour le prix Orange du livre en Afrique. Je sais que cela vous aurez fait très plaisir. Mais ce n'est pas grave. Peut-être serais-je invité à siéger un jour dans le jury ou à en être le président ? Légalement, cela pourrait peut-être être possible. Contrairement aux candidats qui doivent résider dans un pays africains et être de la nationalité d'un de ces pays africains, les membres du jury du prix Orange du livre en Afrique ne semblent pas, à ma connaissance, devoir posséder la nationalité d'un pays africain. Après, est-ce que ma présence dans un jury où des personnes de toutes les nationalités attribueront un prix à une personne qui elle doit être obligatoirement de la nationalité d'un pays africain et y résider serait légitime?… Vaste débat!
Chers éditeurs, en regardant le règlement du prix Goncourt, je me dis que ce serait peut-être à eux qu'il aurait fallu envoyer Adam Bofary. J'ai lu cela sur leur site : «Participation au Prix Goncourt : Ecrire en français et que son roman soit publié par un éditeur francophone ayant un circuit de distribution en librairies, sont les conditions impératives pour qu'un écrivain puisse participer au Prix». Là, j'ai une chance de ne pas être exclu de la ligne de départ en raison de ma nationalité, au même titre que tous les auteurs africains ou non de votre estimable maison d'éditions!
*(professeur de philosophie)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.