Etant entendu que, dès sa naissance, la Fédération de Russie avait quitté le continent africain puisqu'elle avait procédé, en quelques mois, à la fermeture d'une dizaine de représentations diplomatiques de l'ancienne Union Soviétique, à la réduction de son réseau d'Instituts culturels, à la limitation de l'accueil des étudiants et des professionnels africains dans ses universités et à la cessation de l'aide militaire qui était accordée aux gouvernements pro-soviétiques, il est permis de croire qu'après avoir dilapidé l'héritage africain de l'ex-URSS, Moscou vise, à travers ce deuxième sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg, à reprendre pied en Afrique. Mais, si le précédent sommet qui avait réuni à Sotchi, en 2019, 45 chefs d'Etat africains autour de Vladimir Poutine, avait permis à la Fédération de Russie de commencer à asseoir son influence dans le continent africain – de différentes manières selon les pays et les régimes concernés – ce sont moins d'une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement du continent qui ont fait, cette fois-ci, le déplacement jusqu'à Saint Pétersbourg pour participer aux travaux de cette nouvelle rencontre russo-africaine du fait notamment de la guerre d'Ukraine mais aussi de la rébellion du groupe paramilitaire Wagner. Ainsi, bien que Moscou soit parvenue à mettre en place des accords commerciaux avec certains pays et que le groupe Wagner se soit chargé, de son côté, d'assurer des partenariats militaires avec d'autres, la guerre d'Ukraine et le coup de force d'Evgueni Prigojine ont jeté un trouble sur les relations entre Moscou et les pays africains et ce, d'autant plus que pour redonner, à la Russie, un poids diplomatique au moins équivalent à celui de l'ancienne Union Soviétique, le groupe paramilitaire russe avait mis en place un appareil de propagande très sophistiqué mettant en exergue l'important « soutien russe et soviétique aux pays africains dans leur lutte pour leur indépendance » et diffusant une multitude d'informations dénonçant le comportement des Etats-Unis et des puissances « coloniales » européennes en terre africaine. L'affaire semble avoir bien fonctionné car, après le coup d'Etat de ce jeudi, à Niamey, les nigériens ont réclamé la venue des « Russes » et que, depuis quelques temps déjà, les drapeaux tricolores de la Fédération de Russie ont remplacé ceux de l'Hexagone dans bon nombre de capitales africaines. Mais si en se référant au rôle joué en Afrique par Wagner, nombreux sont les observateurs qui se sont longuement interrogé sur l'éventualité de la présence – officielle ou officieuse – d'Evgueni Prigojine aux travaux de ce sommet, ce qui est sûr c'est qu'en sa qualité de chef d'orchestre de l'expansion russe en Afrique, l'auteur de la rébellion manquée contre l'Etat-major russe reste un acteur essentiel de ce sommet qui s'est ouvert en présence des présidents « de transition » malien et burkinabé, le colonel Assimi Goïta et le capitaine Ibrahim Traoré, au moment même où le Niger plongeait dans l'inconnu après le coup de force perpétré contre l'un des derniers alliés des occidentaux au Sahel en la personne du président Mohamed Bazoum. En prenant la parole au moment de la clôture des travaux de ce sommet, le président russe Vladimir Poutine a rappelé que les participants se sont engagés à promouvoir « un ordre mondial multipolaire juste et démocratique » et à « lutter contre le néocolonialisme » et les sanctions « illégitimes » et a tenu à préciser, par ailleurs, que Moscou s'est engagée, de son côté, à aider les pays africains à « obtenir réparation pour les dégâts économiques et humanitaires causés par les politiques coloniales » occidentales et à récupérer les « biens culturels » pillés par l'occupant. Considérant, enfin, que la déclaration commune adoptée à l'issue de ce sommet prévoit une coopération accrue en matière d'approvisionnement alimentaire, d'énergie et d'aide au développement et appelle à la création « d'un ordre mondial multipolaire plus juste, équilibré et durable s'opposant fermement à toute forme de confrontation internationale » sur le continent africain, attendons pour voir… Nabil EL BOUSAADI