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Entretien avec Siham Boulaknadel : «L'informatisation de la langue amazighe est un facteur déterminant de son usage et de sa survie»
Publié dans Albayane le 12 - 12 - 2010


Présentez-vous ?
Je suis chercheur à l'Institut Royal de la Culture Amazighe, au sein du Centre des Etudes Informatiques, des Systèmes d'Information et de Communications.
Je suis titulaire d'un doctorat en Sciences de l'ingénieur, spécialité Informatique et Télécommunication de la Faculté des Sciences de Rabat, Université Mohammed V-Agdal, et d'un doctorat en Informatique de l'Université de Nantes. J'ai obtenu un Diplôme des Etudes Supérieures Approfondies (DESA) en Informatique et télécommunication de la Faculté des Sciences de Rabat, Université Mohammed V-Agdal.
Mes activités de recherche se situent au carrefour de l'informatique et de la linguistique. Elles s'intéressent au traitement de l'écrit et s'appuient sur des approches numériques et symboliques. Celles-ci ont évolué dans un cadre monolingue notamment en ce qui concerne la fouille de données textuelles, le traitement automatique des langues et l'extraction des connaissances.
Qu'est ce qu'on entend par «TAL» ?
Le traitement automatique des langues (TAL) est un domaine de recherche à caractère pluridisciplinaire qui a commencé dans les années 50 et a pour objectif de traiter automatiquement des données linguistiques exprimées dans une langue dite “naturelle”.
Pour pouvoir traiter automatiquement ces données, il faut être capable d'expliciter les règles de la langue en mettant en œuvre des connaissances linguistiques très complètes relevant des niveaux de la morphologie, de la syntaxe, de la sémantique et de la pragmatique ; de représenter ces règles dans des formalismes opératoires et calculables, et de les implémenter à l'aide de langages de programmation.
Quel serait l'apport des NTIC pour la langue amazighe ?
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication peuvent offrir de nouveaux moyens en matière d'enseignement et d'apprentissage de la langue amazighe.
En effet, l'application des nouvelles technologies à l'enseignement ne peut être que bénéfique pour les apprenants de la langue amazighe que ce soit des enfants ou des adultes. L'élaboration des applications multimédia permettra de remédier aux problèmes de manque de ressources.
L'enseignement à distance permettra de rassembler des étudiants en créant une opportunité accrue d'échanges et de compenser le faible nombre d'étudiants par université. Et la création des dictionnaires électroniques et les correcteurs orthographiques appuiera l'apprentissage en ligne. Ainsi, l'application des nouvelles technologies peut permettre de stimuler l'étude et l'enseignement de l'amazighe, ainsi que la promotion de la recherche sur la langue et la culture amazighes. Comme, elle pourrait être un moyen de diffusion de supports pédagogiques et scientifiques sur internet.
La mise à disposition publique de ces supports devrait faciliter leur partage et leur réutilisation ainsi que la mise en œuvre de travaux visant à les compléter.
Par ailleurs, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le processus d'aménagement linguistique sera intéressant, particulièrement dans le cas d'absence et de rareté des ressources linguistiques fiables et la dispersion des différents acteurs intervenant sur la standardisation. Effectivement, elle permettra un rapprochement des efforts des différents chercheurs travaillant en aménagement linguistique, un renforcement de la culture de mutualisation et un partage des ressources linguistiques.
En outre, les nouvelles technologies de l'information et de la communication peuvent être un moyen de sauvegarde et de diffusion à l'échelle planétaire du patrimoine culturel amazighe en exploitant des techniques de numérisation des anciens ouvrages. En plus, elles peuvent être utilisées comme des outils susceptibles de mettre le savoir culturel amazigh à la portée des citoyens, en créant une plat-forme technologique qui soit un outil cartographique de diffusion du contenu culture.
Quelles sont les actions entreprises par votre centre dans ce domaine ?
Vu l'importance des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans la sauvegarde, la diffusion, la connaissance et la visibilité d'une langue et en particulier l'amazighe, plusieurs actions ont été menées dans ce cadre au sein de notre centre, en partant, dans un premier temps, du codage du système alphabétique selon la norme de l'ASCII étendu et de la création de polices de caractères. Ce qui a permis d'introduire la langue amazighe dans le système éducatif marocain dès l'entrée scolaire 2003, dans l'attente de l'amendement de l'Unicode. Ensuite, l'intégration de l'alphabet amazighe dans le mécanisme universel du codage UNICODE, qui a constitué la porte d'entrée de la langue amazighe au monde des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
En effet grâce à cette norme, chaque caractère tifinaghe est actuellement déterminé par un codage unique à l'échelle internationale, permettant ainsi une utilisation modérée de l'Internet et des services offerts par le Web et une intégration systématique de la langue amazighe dans les différents systèmes d'exploitation et logiciels de haut niveau. Puis, la numérisation des textes et des manuscrits disponibles dans différents fonds, qui a suscité l'élaboration d'outils et d'applications de traitement automatique de langue. Dans ce contexte, une démarche progressive de mise au point d'outils et de ressources de base a été adoptée en procédant par la création d'une application Web, qui permettra la construction d'un dictionnaire électronique de la langue amazighe ; un outil d'assistance à l'étiquetage dont l'objectif est de doter la langue de corpus enrichis morphosyntaxiquement pour une analyse automatique du contenu, qui servira de pilier dans l'élaboration des outils avancés de traitement automatique de la langue amazighe ; un outil d'exploration de corpus dont le but d'aider l'apprenant de la langue à trouver des exemples authentiques en recherchant des mots clefs en contexte qui illustrent des faits de vocabulaire, de grammaire ou aussi pour alimenter un dictionnaire électronique ou une base de données terminologique ; un moteur de recherche qui prend en considération les caractéristiques linguistiques de la langue amazighe, afin de renforcer la diffusion de la langue et la culture amazighes via le Web et répondre au besoin d'information suscité par les navigateurs.
Que peut apporter l'informatique à la recherche linguistique sur l'amazighe ?
Les travaux en linguistique sur l'amazighe ont à gagner à intégrer les outils fournis par le traitement automatique des langues et par l'informatique de manière plus large. L'apport sera plus fructueux car il permettra de mettre en évidence des phénomènes linguistiquement intéressants que les approches habituelles n'auraient pas dégagés. En effet, avec un système d'exploration textuelle, nous pouvons par exemple effectuer des recherches sur des catégories grammaticales d'un certain type, certaines fonctions syntaxiques, appliquer des grammaires locales pour cerner des phénomènes précis. Ces explorations peuvent être menées de façon interactive par les apprenants et/ou être effectuées en amont pour un prétraitement du corpus.
Par ailleurs, le TAL permettra de travailler sur des volumes textuels considérables et variés. Nous pouvons ainsi imaginer proposer la génération automatique d'activités dont le contenu serait renouvelé selon les ressources TAL et les corpus employés, un peu à la façon des exercices lexicaux générés à partir de corpus étiquetés et de ressources lexicales.
Quelle est la démarche la plus adéquate pour la mise en place de banques de données amazighes en ligne ?
La mise en place de banques de données amazighes en ligne se base avant tout sur la qualité des données et sur la conception de la base, afin d'élaborer des banques de données durables et évolutives. Puis, sur le développement et l'alimentation de la base.
Dans la perspective d'assurer une bonne qualité des données, la démarche de la collecte doit être participative où les experts nationaux doivent être impliqués à toutes les phases de réalisation. Alors que la phase de la conception d'un tel système nécessite une étape importante pour cerner les informations clé :
* Inventaire des entités et des règles qui les régissent ;
* Construction d'un modèle de données et choix d'une stratégie adéquate dont la tendance technologique et le facteur humain doivent être pris en compte dans le choix de cette stratégie.
Quels sont vos projets à l'ircam ?
Actuellement, je mène auprès de mes collègues du Centre des Etudes Informatiques, et des Système d'Information et de Communication des travaux de création de nouvelles polices de caractères tifinaghes et de développement de supports multimédia pour l'apprentissage de la langue amazighe et des travaux de conception et d'élaboration des ressources et outils fondamentaux du traitement automatique de la langue amazighe portant essentiellement sur la reconnaissance automatique de formes fléchies, sur l'analyse de mots construits et sur la définition de règles prédisant la structure argumentale de noms dérivés à partir de la construction verbale qui leur sert de base.
Par ailleurs, je m'intéresse à l'intégration de cours portant sur le traitement automatique des langues et ses applications dans les NTIC au profit des étudiants des filières scientifiques et littéraires du Master, afin de répondre à un besoin de société en général et un besoin de la langue amazighe en particulier, en formant des cadres experts dans ce domaine. Nous visons à ce que ce cours s'articulera principalement autour de la notion du rôle pivot du traitement automatique des langues dans la promotion des langues y compris la langue amazighe, l'organisation et la structuration des connaissances linguistiques, les théories et méthodologies utilisées dans les outils de modélisation, ainsi que sur les applications du traitement automatique des langues.
Une langue peut elle survivre sans les NTIC?
Pour qu'une langue ait de réelles chances de survivre, il est nécessaire qu'elle soit utilisée par une société dynamique. De nos jours, l'utilisation des technologies nouvelles, et notamment l'Internet, est devenue essentielle pour assurer la survie des langues dans la société de l'information. Il faut être conscient que sans une présence sur le net, une langue sera voué à une mort lente mais certaine comme les milliers de langues condamnées à disparaître au cours du XXIe siècle. Alors que les NTIC peuvent constituer une opportunité en créant des sites avec des contenus sur la langue, la culture, la situation de la communauté, des cours en ligne, des lexiques virtuels et des plates-formes interactives. En outre, les NTIC peuvent jouer un rôle clé dans les transformations linguistiques, où elles peuvent être un véhicule important de communication entre et à l'intérieur des communautés linguistiques comme elles peuvent être un facteur aggravant de la marginalisation d'une langue qui n'a pas profité des NTIC. Il est donc nécessaire d'assurer l'existence de communautés d'utilisateurs instruits dans leur langue pour la survie des langues.
Etes vous optimiste pour l'avenir?
C'est vrai que nous sommes encore à l'état embryonnaire concernant l'intégration de la langue amazighe dans les nouvelles technologies de l'information et beaucoup de choses restent à faire. Néanmoins, je suis résolument optimiste quant à l'avenir de la langue et la culture amazighes, car nous avons les moyens humains, financiers et techniques pour réussir cette tâche. D'ailleurs depuis la création de l'Institut Royal de la Culture Amazighe, nous marchons à coup sûr vers l'informatisation de la langue amazighe en la dotant d'outils fondamentaux pour son traitement automatique et les résultats auxquels nous sommes parvenus au cours de cette décennie montrent bien que la tâche est techniquement réalisable.
Votre dernier mot ?
L'informatisation de la langue amazighe est devenue un facteur déterminant de son usage et de sa survie. C'est un processus qui demande du temps et des efforts et qui ne peut se réaliser que de manière progressive. C'est pourquoi qu'une telle tâche ne pourra se réaliser qu'en adoptant un projet fédérateur où tous les acteurs nationaux participent pour relever le défi.
Propos recueillis par : Moha Moukhlis
Réception
Une délégation de Marocains résidant en Allemagne en visite à l'IRCAM
Le jeudi 02 novembre 2010, une délégation du Conseil Central des Marocains en Allemagne, constituée d'une trentaine de marocains de première génération résidant en Allemagne, a effectué une visite à l'Institut Royal de la Culture Amazighe.
La visite a été pilotée par la Fondation Hassan II pour les Marocains Résident à l'Etranger qui a répondu à la demande qui lui a été adressée par ledit Conseil. La délégation a été reçue par le Secrétaire général de l'IRCAM, le Chef de département de communication et des chercheurs des Centres.
Une séance d'échange et de discussion s'en est suivie. M. Ayyaou, chef de la délégation a donné un aperçu sur le Conseil et ses activités au profit de la promotion de la culture et de l'identité marocaines auprès des ressortissants marocains et de leurs enfants et sur leurs attentes des institutions nationales. Le Secrétaire général de l'IRCAM a donné un aperçu de l'Institut, sur ses missions, ses objectifs ses champs d'actions et ses réalisations. Il a également souligné l'ouverture de l'Institut sur son environnement national et international, en rappelant les différentes conventions signées par l'Institut avec des organismes marocains et étrangers, en l'occurrence les conventions de partenariat signées avec les Ministère de l'Intérieur, de la Culture, de la Communication, des Marocains Résidant à l'Etranger, entre autres institutions nationales (CCDH, CCME, Diwan AL Madalim, les Université d'Oujda, Fès et Agadir…), le but, étant la promotion de la langue et de la culture amazighes et leur intégration progressive dans les institutions et les départements concernés et dans les politiques publiques en général. Une attention particulière a été donnée à la convention signée par l'IRCAM et le Ministère chargé des affaires des marocains résidant à l'étranger (MER). Cette convention permettra aux marocains résidant à l'étranger de consolider leurs relations et leurs liens avec leurs langue et culture amazighes. C'est dans cette perspective que la convention prévoit l'organisation d'un ensemble d'actions et d'activités au profit des MRE : cours d'apprentissage de la langue amazighe, activités culturelles et artistiques sur la culture amazighe, notamment. En réponse aux interrogations soulevées par les membres du groupe, le Chef du Département de communication et des chercheurs de l'IRCAM (MM. Hamid Souifi du CAL et Fouad Azaroual du CEAELPA) ont mis en exergue le travail accompli par l'IRCAM, en collaboration avec les institutions partenaires, dans les domaines de l'intégration de l'amazighe dans le système éducatif national et dans les médias ainsi que les efforts déployés par l'Institut pour intégrer l'amazighe dans les politiques publiques du Royaume du Maroc. La séance s'est terminée par un échange de présents symboliques entre les représentants du groupe de marocain de première génération résidant en Allemagne et les représentants de l'IRCAM.
M. M
Ait Menguellet
Tawriqt tacebhant ou le ressourcement vital
Encore une fois le poète a « parlé ». Et avec raison. Comme d'habitude, son CD a été très attendu. Ces dernières années ses productions deviennent très espacées. Est-ce à dire que le poète manque d'inspiration ? Sûrement pas.
L'évidence la plus profane sous-tend la réalité créative du poète, assujettie à l'évolution de son art : Ait Menguellet murit, et, avec lui, murit sa poésie. Sa poétique et sa musique mêmes accusent une mutation, dans le ton et la mélodie : gnomique, solennel, mais rarement sentencieux, son verbe coule sur des airs vagabonds ou lénifiants, manifestement plus inspirés par les remous de l'âme que par la magie de sa guitare.
Dans tawriqt tacebhant (la feuille blanche), aussi bien que dans son avant dernier CD, Lounis évoque le savoir des sages de chez nous –race en voie de disparition, hélas ! Il y fait référence en tant que socle culturel où se nourrit et se construit le raisonnement du Kabyle, et qui le guide dans ses actions et ses comportements, au sein de la vie courante. Imbu de cette sagesse (de cette philosophie ancestrale), c'est à travers elle que notre poète analyse, avec la finesse qui le caractérise, la vie, la société, les rapports humains, les avatars… puis rend sa vision des choses en vers chantés, enrobés d'une rhétorique personnelle, jugée parfois hermétique au commun des auditeurs.
Hermétique ? Pas tant que ça, à en juger par la ferveur populaire qui a accueilli ce nouveau CD, en Kabylie.
En effet, sur les routes de Kabylie, rares sont les véhicules où l'on n'entend pas se diffuser Tawriqt tacebhant. De l'adolescent au plus âgé, nul n'est indifférent à la voix du poète. Chanteur transgénérationnel, s'il en est, Ait Menguellet est, aujourd'hui, de plus en plus adulé par les jeunes. Pourquoi ?
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la jeunesse kabyle a un besoin évident de ressourcement dans sa propre culture. En perte de repères, depuis des décennies, la Kabylie patauge dans un désarroi social, culturel… et linguistique. En cause, un tas de facteurs. Ce n'est pas notre propos ici, mais on peut citer, sur le plan de la chanson kabyle, les « non stop » stérilisants, éternelle rengaine de quelques mots raccommodés à la sauce de chacun, et qui ont réduit dangereusement la kabylité dans les esprits. D'autre part, la jeunesse kabyle, lasse des combats sans lendemains, apparaît blasée par un élitisme politique opportuniste et des théories politiciennes qui foisonnent hors du terrain de la réalité quotidienne (la Kabylie). Manifestement, les discours flagorneurs, qu'ils viennent du pouvoir ou d'un autre pôle idéologique n'ont plus de prise sur leur conscience maintes fois fourvoyée, meurtrie. Son reproche : lui a-ton parlé dans sa langue, à cette jeunesse kabyle, analphabétisée par l'Ecole algérienne ? Cela lui donne le sentiment d'être juste une population à conquérir pour aider à satisfaire les ambitions des uns et des autres, et non des êtres considérés pleinement dans leur existence.
Dans ce cas, les chants de Ait Menguellet viennent à point. Ils ont cette faculté de ressourcer en amenant son public à la méditation, sinon à une écoute critique… Les bouleversements sociaux, la médiocrité régnante, les conflits… assujettissent le quotidien au point de s'imposer comme normalité aux esprits sans discernement. Le cours des choses ne doit-il pas obéir à une logique ?
« …Ce que mon cœur désire
Que la paix revienne
Ce que mon cœur désire
Que les nœuds se démêlent
Ce que mon cœur désire
Que les brasiers s'éteignent
Ce que mon cœur désire
Le déclin d'une ascension imméritée… » (ce que le cœur désire)
Bien entendu, les souffrances intimes sont là : les stigmates du temps, les déchirements dus aux aléas de la vie affectent le poète dans la profondeur de son âme. La chanson y est certes un exutoire, mais un exutoire sans relents plaintifs. Ait Menguellet transcende le lamento prosaïque des douleurs intimes, dans une poétique ponctuée d'interrogations, où le dialogue intérieur culmine dans une dialectique dispersante :
« … Je crois avoir finalement compris
Pourquoi la situation est confuse
Dès que je veux me mettre à écrire
Ma raison bat la campagne
Entraînée par des tourments
Ressentant une pièce qui manquait
Comment supporter la douleur de savoir malade
L'un des doigts de sa main ?... » (Tawriqt tacebhant).
Aussi intime que soit sa rhétorique, l'idiolecte de Lounis prend son sens (sa teneur sémantique et sa formule) dans la langue de ses semblables. L'expression poétique de son langage conjugue la subtilité du propos avec la profondeur de l'idée développée. Sa formule est verbe et son verbe est formule.
Les objecteurs de consciences, que font-ils du droit d'opinion, du respect des valeurs humaines ?
« … Le père dès qu'il ouvrait la bouche
Le fils se levait pour obéir
Mais son professeur le retint
Lui disant : repars d'où tu viens
Dis à ton insolent de père
Les choses ne sont plus ainsi
Lorsque tu voudras m'envoyer où que ce soit
Demande-moi si je suis d'accord ou pas… »
Tawrict tacevhant n'est-elle pas aussi, par analogie, l'exemple du vide culturel, la perte des valeurs, qui affecte la Kabylie, et dont le ressourcement devient vital ? La vision, en tout cas, n'est pas dénuée de vérité.
Cette œuvre d'Ait Menguellet, pleine d'enseignements, ne pourrait se contenter d'un simple article pour être présentée ou commentée. La meilleure façon de s'en imprégner c'est de l'écouter. Lounis qui se nourrit toujours du savoir de nos sages, n'est-il pas lui-même un sage de l'époque moderne ? Son œuvre en est, à juste titre, sa plus belle preuve.
Ahcène Bélarbi


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