Les quotidiens espagnols d'audience nationale paraissent confondus, lundi, dans leurs commentaires sur les marches pacifiques du «mouvement 20 février» au Maroc. Sans l'admettre ouvertement, une lecture en filigrane de leurs commentaires permet de constater leur surprise devant le haut degré de responsabilité dont avaient fait preuve, dimanche, les manifestants marocains à Rabat, Casablanca et Madrid. Ils se sont finalement rendus compte, qu'à la différence d'autres mouvements sociaux qui secouent certains pays arabes, que le Maroc se distingue réellement par ses propres spécificités et que ses jeunes sont mieux préparés pour faire entendre leurs revendications. Il n'y a pas eu, comme ils le prédiquaient certains analystes espagnols, ni effusion de sang, ni pillage des biens d'autrui ni bilans de victimes mortelles. Seuls deux journaux des cinq d'audience nationale ont signalé à la Une les marches pacifiques de Casablanca et Rabat, dans des chroniques sans signature. Bien qu'ils disposent d'une armée de correspondants en place, ils se ont limités à reproduire les revendications des animateurs du « Mouvement 20 février » et dépêches d'agence. Sous la titre « Révolte dormante aux portes de l'Espagne », La Razon reconnaît, que ce que le Maroc avait vécu dimanche est «certainement différent de ce qui se passait en Tunisie, en Egypte, en Algérie, en Libye ou au Bahreïn» puisque «les marches, à l'exception d'incidents isolés, se sont déroulées pacifiquement». Selon l'envoyé spécial du journal espagnol, les «affrontements les plus graves ont eu lieu à Larache et à Al-Hoceima où des groups incontrôlés se sont affrontés à la police et ont tenté de forcer certaines succursales bancaires». Citant l'agence Efe, La Razon rapporte que deux commissariats et des commerces ont été la cible de jets de pierre alors que des véhicules officiels ont été incendiés». A Casablanca, poursuit le journal, des milliers de personnes avaient manifesté avec en main des roses rouges et jaunes sans qu'il y ait le moindre incident. A Rabat, la marche s'était déroulée également «dans l'ordre» alors que des «unités anti-émeute ont brillé par leur absence». Compte-tenu des circonstances dans lesquelles se sont déroulés les événements, dimanche au Maroc, «l'on peut penser qu'effectivement le Maroc sera l'exception dans les révoltes qui se déroulent dans le monde arabe», a admis La Razon, un journal d'obédience conservatrice. El Pais écrit pour sa part, dans une chronique sur la situation au Maghreb, qu'au moment où au Maroc la population « proteste, en Algérie les autorités ont avorté, samedi dernier, la deuxième tentative de l'opposition de manifester ». Pour AC, qui s'est limité à reproduire des dépêches d'agence, la marche s'est déroulée à Rabat de «manière pacifique et à peine se notait la présence d'agents de l'ordre». Le gouvernement de Rabat, qui avait «adopté de nombreuses mesures économiques» avait voulu «transmettre une image de normalité» dans le pays, observe le journal. A Madrid, une concentration au centre de la ville s'est également déroulée dans un haut climat de civisme où les jeunes animateurs du «20 février» n'ont eu recours, dans l'organisation de leur mouvement, ni aux syndicats locaux ni aux courants d'opinion qui traditionnellement saisissaient la moindre occasion pour s'en prendre aux institutions marocaines. Les mots d'ordre et slogans scandés par les participants s'inscrivaient dans le répertoire des revendications des manifestations qui ont eu lieu à Casablanca et Rabat. Les médias audiovisuels n'ont pu non plus obtenir, comme ils le souhaitaient, des déclarations enflammées de la part des jeunes marocains contre leur pays. C'est la réplique aux supputations des médias hostiles et commentateurs illuminés qui colportaient des hypothèses catastrophiques.