Le dialogue social dans le secteur de la santé se poursuit et a permis de réaliser plusieurs revendications    Réunion africaine de haut-niveau sur la lutte contre le terrorisme: l'expérience du Maroc mise en avant à Abuja    Sahara marocain : la première vice-présidente de la Chambre des députés tchèque réaffirme la position de son pays en faveur du plan d'autonomie    Sawsan Benzidia: Multi-casquettes, super woman    La propriété intellectuelle soutient tous les aspects de la vie au Maroc, dont le Zellige    L'envoyé du Président du Conseil présidentiel libyen exprime les remerciements de son pays à SM le Roi pour le soutien constant à la cause libyenne et souligne l'importance du renforcement de l'UMA    Victime de racisme, une influenceuse marocaine se fait cracher dessus à Paris et porte plainte [Photos]    Afrique du Sud: saisie d'une importante quantité de drogues au KwaZulu-Natal (police)    Le Maroc et l'Angola unis par un «partenariat actif» au sein de l'Union africaine    La sélection algérienne de handball se retire du championnat arabe des jeunes organisé au Maroc    Météo: le temps qu'il fera ce mercredi 24 avril    La lecture contribue à l'amélioration des apprentissages des élèves    L'ONMT enfile le tablier pour conquérir des parts de marché    Rabat accueille la 14e édition de la course féminine de la victoire le 28 avril    Al Ain déterminé à prolonger le contrat de Soufiane Rahimi    Africa finance corporation annonce son adhésion au projet Xlinks    CNDH: 80% des recommandations émises ont été satisfaites par les partenaires    Benmoussa : La lecture contribue à l'amélioration des apprentissages des élèves    Hit Radio : Momo reprend l'antenne après sa condamnation    Algérie: Le Maroc va-t-il soutenir l'indépendance de la Kabylie?    La Bourse de Casablanca termine sur une note négative    Le Maroc et la Sierra Leone scellent une feuille de route 2024-2026    Abdellatif Hammouchi s'entretient avec le Chef du Service de sécurité de l'Etat du Qatar    Bilal El Khannous en lice pour le Soulier d'Eben    Foot: La sélection nationale olympique en stage de préparation au Complexe Mohammed VI à Maâmora    Le Maroc prend part à Abuja à la Réunion africaine de haut-niveau sur la lutte contre le terrorisme    CDG Invest entre au capital de Estaly    Démission du chef du renseignement militaire israélien    USA: Des incertitudes planent encore sur une baisse des taux, selon la Fed    Le fardeau économique des maladies non transmissibles, un défi réel de santé publique    L'Union africaine rattrapée par la cohérence politique : le cas du Polisario et de la Kabylie    Carte du royaume : L'Algérie refuse d'affronter l'équipe marocaine de handball    «Escobar du Sahara» : Peine alourdie en appel pour l'activiste Réda Taoujni    Moroccan influencer spat on by a Paris pedestrian for wearing hijab    «Escobar of the Sahara» : Agadir appeal court sentences activist Reda Taoujni to four years    La Fédération Internationale de Lutte autorise la tenue du Maroc avec sa carte complète    Italian rock icon Zucchero to close Jazzablanca Festival    Jamal Diwany : "Les produits alimentaires représentent un poids de 39% de l'IPC."    SIAM, la foire agricole "la plus prestigieuse" d'Afrique du Nord    Les professionnels appelés à déclarer au Fisc leur revenu global avant le 30 avril 2024    Tournoi de l'UNAF (U17) : Match nul entre le Maroc et la Libye    Essaouira abrite le tournage de "Flight 103", un drame sur l'attentat de Lockerbie    Les participants d'Ektashif séjournent au Maroc dans le cadre de l'Année de la Culture Qatar-Maroc 2024    La région Hauts-de-France condamnée à verser 287 000€ au lycée musulman Averroès    «Des toiles de la Russie», une exposition de l'artiste maroco-russe Abdellah Wahbi à la Fondation Hassan II pour les MRE    UNESCO : L'Algérie prépare un dossier pour le classement du zellige    CV, c'est vous ! EP-65. Sarah Benmoussa, l'audace dans l'entrepreneuriat !    Le Cinéma Marocain Brille en France avec la Sortie du Film "Jouj" produit par Cineland et distribué par Golden Afrique Ciné    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Lemkadem : «Je n'ai plus rien»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 06 - 04 - 2007

Bouchaïb Lemkadem est rentré à Agadir pour commémorer le quarantième jour du décès de ses cinq enfants, assassinés par leur mère belge le 28 février dernier. Il livre à ALM un témoignage accablant sur ce drame horrible. Entretien.
ALM : Le jour du quintuple assassinat de vos enfants, le 28 février dernier à Nivelles, vous étiez de retour en Belgique après un voyage d'un mois au Maroc. Dans quelles circonstances et avec quel sentiment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Bouchaïb Lemkadem : J'arrive à l'aéroport national de Bruxelles, le 28 février, juste après le drame. Des éléments de la police belge se présentent à moi pour me dire «Vous devez rester ici». Et là, tout de suite, un coup de téléphone m'apprend que tous mes enfants sont partis. La police m'a dit que c'était un accident. J'ai dit que ce n'était pas vrai ; le jour de leur décès, ils devaient être à la piscine. Ce n'est pas possible que mes enfants meurent en même temps. Après, des éléments de la Police judiciaire belge m'ont pris en charge pour m'emmener au poste de Nivelles, ma ville de résidence. Chemin faisant, je me posais des questions. J'ai pensé que les auteurs du drame étaient mes voisins belges, pour des petites histoires de jalousie et de méchanceté gratuite. J'avais porté plainte contre eux pour une affaire de racisme. Il n'en est rien. Une fois arrivé au poste de police, à Nivelles, on m'apprend que c'est ma femme, et personne d'autre, qui a tué les enfants. J'ai répondu : «Je ne suis pas d'accord». Alors, ils ont changé de sujet.
A ce moment, deux aides-victimes, deux femmes psychologues, interviennent pour me calmer. L'une d'entre elles m'a dit, en guise de consolation, que mon fils Mehdi était dans la même école que sa petite fille. Entre-temps, on m'apprend que toute ma famille est venue me voir. J'ai refusé de les voir. J'avais l'impression d'être dans un film d'horreur. J'ai perdu la sensation d'écouter, de parler, d'être cohérent. J'étais dans l'obscurité la plus totale. A ce moment-là, des éléments de la PJ interviennent pour me demander ce que je voulais faire : aller dans un hôtel, à l'hôpital, ou bien chez ma famille. J'ai tout refusé, en disant : Je préfère rester au poste de police. J'étais dans l'incompréhension absolue. Ils me proposent d'aller me reposer, pour les besoins d'une audition.
L'auriez-vous rencontrée ?
L'un d'entre eux m'a dit : «Nous aussi devons aller dormir». Finalement, ils m'ont convaincu d'aller quelque part. Et là, j'ai accepté d'aller chez mon ami portugais Amandio di Santos, avec qui je venais de rentrer d'un voyage au Maroc. Il est témoin du choc. Après avoir accepté de me rendre chez cet ami, des éléments de la PJ téléphonent au juge d'instruction qui était en charge de mon dossier pour lui demander l'autorisation de mon départ. En fait, les autorités craignaient que je me suicide. Elles étaient très préoccupées de ma sécurité. Arrivé au restaurant portugais, je me suis enfermé dans un silence total. Je ne voulais ni manger ni boire, même si j'avais la bouche sèche.
Intérieurement, c'était l'obscurité, et autour de moi, c'était aussi l'obscurité. Je me suis dit : «Réveille-toi, fais un vide et affronte». Je n'ai pas fermé les yeux pendant toute la nuit. A 7 heures du matin, j'étais déjà debout. Je suis allé chez ma sœur, puis je suis retourné au poste de Nivelles. Les policiers me demandent pourquoi je suis revenu. J'ai répondu : «Je dois faire l'audition maintenant». L'audition a duré entre 6 et 8 heures. Ils m'ont traité humainement. A chaque moment, ils me demandent si on peut arrêter l'audition pour un autre jour. Ma réponse était: Non. «Je continue jusqu'au bout». J'ai commencé à réaliser que je n'ai plus d'enfants, ni de maison, ni plus rien. Spontanément, j'ai demandé des nouvelles de ma femme, Geneviève L'hermitte. J'ai appris qu'elle avait subi une opération chirurgicale le jour de l'incident. Elle a raté son cœur, mais touché son poumon.
Les policiers m'ont rassuré qu'elle se réveillait tout doucement. Elle a été sauvée d'une mort certaine. Une équipe d'enquêteurs, avec le juge d'instruction, étaient sur place à l'hôpital. J'ai alors demandé si je pouvais bien voir ma femme en présence de la police. Les policiers m'ont répondu : «On va poser la question à Mme le juge». Juste après, on me dit que ma femme commence à parler. Je profite de l'occasion pour poser la question : «Demandez à ma femme où je pourrais enterrer les enfants». «On va demander à Mme le juge », m'ont-ils encore dit. Pendant ce temps, l'audition se poursuit. Un policier, qui était à l'hôpital, se présente tout à coup: «Votre femme va vous parler une fois l'audition terminée ». C'est chose faite. Sauf que mon vœu n'est pas exaucé. «Votre femme est dans un état de fatigue extrême». N'empêche, j'obtiens une réponse. «On a demandé à votre femme où elle voulait enterrer les enfants». Elle a répondu : «Il faut enterrer mes enfants dans un cimetière musulman, et de préférence à Agadir. Et s'il arrive que je meure, il faut m'enterrer à côté d'eux». Je demande illico d'aller voir les enfants. Mais voilà, les policiers m'ont dit qu'il était strictement interdit de les voir à ce moment. Mes enfants devaient subir une autopsie à l'hôpital Saint-Luc, à Bruxelles, là-même où je serais admis dans un service de psychiatrie sous la supervision du professeur Constant. J'ai dû alors prendre mon mal en patience. Plus tard, une fois les corps prêts, j'ai reçu un appel pour me demander de les récupérer. Je suis allé au consulat général du Maroc à Bruxelles. Arrivé, j'ai été reçu chaleureusement par tout le personnel du consulat. Tout le monde était venu me présenter ses condoléances.
On me demande ce que je comptais faire. «J'aimerais avoir le moyen le plus facile et le plus rapide pour enterrer mes enfants», ai-je demandé. Tout de suite, ils appellent les pompes funèbres. A ce moment, je reçois un appel de la part de l'ambassadeur du Maroc en Belgique. Il a demandé à me voir. Me voilà chez lui. «Toute la communauté marocaine est avec vous», m'a-t-il dit, pour me réconforter. «Au-delà d'être Marocain, tu es un frère», a-t-il ajouté, compatissant. Spontanément, j'ai vu un homme digne, qui respecte ma douleur.
Certains prétendent que vous aviez une autre femme à Agadir. N'est-ce pas pour cela que vous aviez fait le déplacement à Agadir ?
Ma mère, qui résidait avec moi à Nivelles, ne supportait pas le climat de la Belgique. Et c'est ma femme même qui m'a dit de l'accompagner à Agadir, de prendre le temps nécessaire de m'occuper d'elle. Elle m'a dit exactement : «Il ne faut pas la déposer comme un colis. Prends soin d'elle».
Aviez-vous un quelconque litige avec votre femme ?
Tout ce qui a été dit à ce sujet relève ni plus ni moins des rumeurs. La preuve est simple. Quand j'ai eu l'occasion de voir ma femme en prison, j'étais en face d'une femme affaiblie, qui confirmait son amour total. Elle m'a demandé pardon à moi et à ma mère pour les enfants. Je lui ai répondu : «Mon pardon est automatique, mais c'est Dieu qui décide du pardon pour les enfants». Pour ma part, je ne peux que retourner à la vie commune avec cette femme chaleureuse, affectueuse, très sensible aux détails de l'éducation de ses enfants.
Comment se sont comportés les médias belges à votre égard ?
J'ai évoqué avec ma femme les rumeurs colportées par certains médias belges, comme quoi j'ai une seconde femme et un enfant à Agadir. Et là, elle me dit : «Quelle bande d'imbéciles. S'il te plaît, il ne faut plus lire ces mensonges. J'ai bien fait ma déclaration à la police. J'ai bien un mari exemplaire, qui était vraiment à la hauteur d'un papa digne». Elle enchaîne en me demandant pardon. «Je penserais à vous samedi (NDLR : le jour de la commémoration du quarantième jour du décès des enfants, ce samedi 7 avril). Je vais demander une autorisation pour te téléphoner ce jour-là. Et il ne faut pas m'oublier. Fais une prière pour moi aussi, et fais attention à ta santé, embrasse ta mère de ma part, et dis-lui que tu es toujours dans mon cœur». Elle ajoute : «N'oublie pas d'associer la mémoire de la mort de ton grand frère l'Haj Larbi Lemkadem, mort le 7 avril 2000». C'est elle qui m'a appris l'anniversaire du décès de mon grand frère, qu'elle adorait. A ce moment, une gardienne de la prison se présente pour nous dire: «Vous avez encore cinq minutes pour vous séparer». Alors, j'ai demandé à ma femme de rester dans mes bras pendant les cinq minutes restantes. Elle pleurait à n'en plus finir. J'ai alors pensé à ce que certains m'avaient dit au sujet de son projet de suicide. Je lui ai dit: «S'il te plaît, ne fais pas de bêtise».
Comment avez-vous réagi aux propos de la presse belge ?
Je dois malheureusement dire que le traitement que la majorité de ces médias ont fait de l'incident était indigne de la noble mission du métier de journalisme. Au moment du drame, j'ai été condamné sans appel. Ces médias se sont acharnés contre ma personne, contre mon appartenance marocaine et contre mes origines arabo-musulmanes. C'était une condamnation supplémentaire. J'ai été doublement victime ; victime de ma situation familiale qui s'est arrêtée le jour de l'assassinat de mes enfants, le 28 février ; victime aussi des médias extrémistes. J'ai été étonné par leur réaction, d'autant plus que je suis aussi de nationalité belge. Alors que l'enquête judiciaire était en cours, des médias audiovisuels comme « RTL-TVI», ou plus encore la presse écrite «Le Soir», «La Dernière heure», ont préféré faire l'enquête à leur manière pour vraiment casser l'image d'un homme qui n'a pas encore eu l'occasion de faire son deuil, ni de voir même ses enfants décédés. J'ai été bombardé de condamnations gratuites et infondées.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.