Pedro Seabra: "Impossible d'imaginer l'avenir atlantique sans la contribution du Maroc"    Rabat. SAR la Princesse Lalla Asmaa préside la cérémonie d'ouverture du 1er Congrès africain sur l'implantation cochléaire de l'enfant    CAN 2025 : Regragui annonce les 28 Lions sélectionnés pour défendre les couleurs du Maroc    Art's Factory lance sa 2e édition pour soutenir les jeunes talents dans les industries créatives    Collectivités : Laftit ordonne l'installation de 92 receveurs pour accélérer le recouvrement    Le PAM dénonce « l'exploitation » de la tragédie et appelle à protéger les citoyens    BNP Paribas en négociations exclusives avec Holmarcom pour la vente de BMCI au Maroc    Maroc : 270 M€ de la BAD pour moderniser les infrastructures aéroportuaires    Maroc : La BERD alloue 150 M€ à la phase finale du projet hydraulique de Saïss    Bourse de Casablanca : clôture en hausse    Roadshow « Morocco Now »: le Maroc met en avant ses atouts à Stuttgart    Message de solidarité libyen avec la déclaration d'indépendance de la Kabylie    Trump annonce un cessez-le-feu entre la Thaïlande et le Cambodge    Armement : Après le fiasco des Caesar, les FAR lorgnent la technologie française    SM le Roi félicite le Président de la République du Kenya à l'occasion de la fête d'indépendance de son pays    Caftan : quand la diplomatie algérienne transforme une défaite en "victoire"    Maroc - France : Les forces navales concluent l'exercice conjoint «Chebec 25»    Forum ZLECAf : 16 ministres de l'Afrique abordent la réforme de l'OMC    Talbi Alami exhorte l'Afrique à rompre avec les logiques de fragmentation    Maroc - France : 15 projets pour 26,4 MDH renforcent la coopération territoriale    Mondial 2026 : des associations de supporters réclament l'arrêt de la vente des billets jugés « excessivement chers »    Regragui : « Je me suis basé sur des critères objectifs dans le choix des joueurs »    Futsal/Classement FIFA: le Maroc gagne 7 places chez les dames, toujours 6e chez les hommes    Les aéroports du Maroc prêts à accueillir les fans de la CAN 2025    CAN 2025 : El Karouani ne digère pas son absence, entre frustration et résilience    Maroc : Un nouveau cadre pénal pour faire face à la criminalité numérique contre les mineurs    Maroc : à quoi s'attendre avec la circulation du nouveau variant de la "super-grippe" dans le monde?    Lancement de la 1re édition du Forum économique et culturel « Le Sénégal sur la baie de Dakhla »    De la danse martiale à l'argan et au caftan : Les trésors du Maroc inscrits à l'UNESCO    Maroc : Les 31e Semaines du film européen s'invitent dans trois villes    « Les Invisibles » : Le film-plaidoyer de l'ADFM qui expose les violences juridiques faites aux femmes    UNESCO: Le Maroc élu au Conseil du Centre international d'études pour la conservation des biens culturels    Dans une biographie inédite, Mehdi Ghouirgate rend à Ibn Khaldûn ses lettres de noblesse    Maroc : Fusillade et course-poursuite sur 250 km contre des trafiquants de drogue    Ceuta : Un Marocain expulsé après sa condamnation pour vol avec violence    Prévisions météorologiques pour vendredi 12 décembre 2025    Rabat : Ouverture du Premier Congrès Africain de Médecine et Sciences du Sport    Biodiversité: Bientôt la création du parc national de Dakhla-Oued Ed-Dahab    L'UM6P étend son écosystème entrepreneurial avec l'ouverture de StartGate Rabat    Coopération antiterroriste : réunion des procureurs du pacte quadripartite à Rabat    La demi-finale approche... voici la date du prochain match du Maroc A'    Production céréalière record en Chine renforçant la sécurité alimentaire et la reprise agricole    Elu Service Client de l'Année au Maroc: la liste complète des lauréats 2026    Morocco: Orange Alert, Snow and Thunderstorms from Friday to Sunday    El Jadida/Sidi Bennour : la stratégie culturelle présentée aux médias régionaux    Timitar 20 ans : Agadir, capitale musicale avant la CAN    La ZLECAF, un projet ambitieux, dont la mise en œuvre exige du temps    Le gouvernement prépare le lancement des groupements territoriaux de la santé avec 11 décrets    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Heureux de revenir chez moi»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 16 - 01 - 2004

Le peintre André Elbaz est revenu la semaine dernière au Maroc pour enterrer son beau-frère. Cela fait presque 40 ans qu'il avait quitté le pays, sous la pression de peintres marocains qui ont voulu l'ostraciser. André Elbaz en est resté meurtri, même s'il fait tout pour ne pas le dire.
ALM : Pourquoi avez-vous quitté le Maroc pour vous établir ailleurs ?
André Elbaz : Je crois que c'est de l'histoire ancienne. Je n'ai pas trop envie de revenir là-dessus. Évidemment, à l'époque où ça s'est produit, c'était douloureux. Parce que je vois comme je suis heureux d'être ici… Remarquez, je ne suis pas malheureux ailleurs ! Mais comme je suis heureux de me retrouver ici ! Mes atomes retrouvent leur place dans les paysages, dans l'odeur de la terre, les couleurs, les gens, l'air, les arbres, tout. Je me sens chez moi, ici.
Pourquoi êtes-vous parti alors ?
Pourquoi suis-je parti ? C'est moi qui ai décidé de partir, on ne m'a pas dit “fous le camp“. À l'époque, en 1963 ou 64, j'avais été invité par Farid Belkahia à enseigner à l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca où il venait d'être nommé directeur. Nous avons travaillé ensemble de façon formidable. On avait créé un groupe pour organiser des expositions, des conférences. C'était un beau moment ! Un an après, d'autres peintres, plus jeunes, sont arrivés et ils ont voulu prendre ma place. Ça n'a pas été fait très élégamment. Et puis, il y a eu une attitude encore moins élégante à l'occasion de la réunion de l'Association des peintres marocains. J'avais pris part à cette réunion tout en y étant exclu. On m'avait exclu ! On m'a dit “on t'invitera à exposer avec nous“. Tout de même, je suis l'un des précurseurs ! Et j'avais mon mot à dire. Le rôle de figurant que l'on m'assignait ne me convenait pas.
Qui sont ces jeunes qui se sont comportés de façon peu élégante?
C'était l'époque et l'âge, et j'accepte de laisser à l'époque et à l'âge ce qui leur appartient. Ce que je peux dire, c'est qu'Ahmed Cherkaoui était présent à cette réunion. Il avait été si bien indigné par le comportement de ces personnes qu'il avait menacé de quitter le groupe si je n'y étais pas. Bon ! c'est un épiphénomène dans l'histoire. J'ai eu de l'amertume sur le coup. Cette amertume a peut-être opéré à long terme, dans la mesure où je n'ai pas ressenti l'envie de revenir.
Il y a un terme que vous n'avez pas employé : antisémitisme.
Certains peintres m'ont dit que c'est parce que vous êtes juif que l'on a essayé de vous ostraciser…
Antisémitisme ! Mais nous sommes tous les deux sémites. Je refuge d'employer ce terme.
Ils vous ont exclu par racisme alors…
Probablement, ça l'était. Mais le problème n'est pas seulement relatif au racisme. Comment dire : tout autre est autre et pour tout autre, c'est beaucoup plus facile de faire autre l'autre. Surtout quand l'autre est marqué par une différence. Où que je sois, je suis l'autre. Où que je vais, je dénote. J'ai une gueule qui ne passe pas inaperçue (rire).
Gardez-vous de la rancœur envers ces
personnes ?
Au lieu de leur en vouloir, je leur dois. Je leur dois beaucoup, parce qu'ils m'ont permis d'aller vers le monde extérieur, et je leur suis redevable de la place que j'occupe actuellement. À peine parti à Londres que mes oeuvres sur les machines à écrire ont connu du succès. Elles ont été achetées par Olivetti. Ensuite, je suis parti à Paris, puis au Canada. Mes œuvres sont exposées dans plusieurs musées.
Est-ce qu'il y a un peu de Maroc dans votre art ?
Il n'existe pas une partie en moi où il n'y a pas le Maroc. J'ai cette chance extraordinaire d'être né dans un pays où l'Occident s'était immiscé, sans ébranler les deux cultures qui m'ont baigné : la juive et la musulmane. Je suis ces trois cultures en même temps. Quant à déterminer la partie marocaine dans mon art, je ne pense pas que l'on pense. C'est vrai que nous pensons à certains moments, mais c'est tout aussi vrai qu'il se pense en nous. Je ne pense pas qu'il se pense en nous dans n'importe quelle langue.
Et dans quelle langue il se pense
en vous ?
La corde qui relie mon arc est faite du Juif, du Musulman et du Chrétien. Je regarde une chose, elle passe par trois tamis. Cela dit, quand je peins, je suis moi, et je ne me positionne pas par rapport à la langue de ma peinture. Je ne suis pas le seul dans cette situation. Qu'est-ce qu'il y a de marocain dans la peinture de Fouad Bellamine, par exemple ? Mais si on met ses tableaux ou les miens à côté d'œuvres américaines, et qu'on regarde minutieusement, on y découvrirait une vertu mystérieuse qui a partie liée avec le Maroc.
Et par rapport à l'identité de celui qui peint ?
Je suis Marocain… Je suis Marocain… Je n'ai jamais cessé de l'être. J'ai même gardé le passeport. J'ai aussi un passeport français et un passeport canadien. Et quand je les sors, je revêts la nationalité de ces pays, mais je suis quand même marocain. À cet égard, je regrette qu'il y ait beaucoup d'expositions d'artistes marocains, sans que l'on fasse jamais appel à moi. Cela, je le regrette bien plus que toutes les histoires des associations. Parce que j'ai de la peinture à montrer. J'ai une personnalité. Ce que je fais est valable. Parce que je suis peintre marocain, tout autant qu'eux.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.