Farouk El Merrakchi réside en France depuis 1998, date à laquelle il y a commencé ses études supérieures. Il a décroché ainsi un master de recherche à l'Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse (INSA). Au Maroc, quelques années auparavant, il a eu son baccalauréat filière sciences expérimentales avant d'opter pour une formation BTS (Brevet de Technicien Supérieur) qui lui a permis par la suite d'intégrer l'Institut National de Statistique et d'Economie Appliquée (INSEA). Aujourd'hui, Farouk enseigne au lycée Les Potiers à Toulouse. Afin de vulgariser l'information scientifique aux Marocains, quel que soit leur lieu de résidence, Farouk a décidé de rédiger des ouvrages en darija et avoir ainsi l'opportunité de saisir plusieurs concepts scientifiques. Cette aventure de vulgarisation et de production scientifique en darija a débuté il y a 10 ans. Il a à son actif 4 ouvrages disponibles sur internet en accès libre. Farouk El Merrakchi s'est prêté à nos questions afin de nous parler de son expérience inédite. Qu'est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans la rédaction d'ouvrages scientifiques en darija ? Au tout début, j'avoue que c'était juste pour pouvoir communiquer avec les personnes qui me posaient des questions ayant rapport avec mon domaine, à savoir la physique. Je me souviens qu'à chaque fois qu'on me posait une question en darija, je ne pouvais m'exprimer qu'en français. Cela me posait un réel problème. D'ailleurs, cela ne m'arrivait qu'avec les enfants qui faisaient preuve de curiosité scientifique, à contrario des adultes qui ne s'intéressaient que rarement à la science. Il y a dix ans, j'ai commencé l'écriture de mon premier ouvrage. En entamant cette aventure, j'ai commencé à découvrir un autre monde d'écriture en arabe dialectal marocain. A l'époque, j'avais l'impression qu'il fallait inventer un nouveau vocabulaire pour exprimer mes idées. Toutefois, j'ai pu trouver progressivement les bons termes, qui sont compréhensibles, qu'il fallait utiliser au fur et à mesure de mes réflexions. D'après votre expérience, est-ce que tous les concepts sont traduisibles ? Avez-vous trouvé des entraves à la traduction de ces concepts en arabe dialectal ? D'après mon expérience, tout est traduisible. La seule ombre au tableau, pour moi, était qu'il fallait que je transpose mes idées, formulées en français à la base, dans ma langue maternelle qui est la darija. Par conséquent, il fallait absolument chercher les mots qui symbolisaient et traduisaient exactement ces idées. Ce que j'ai pu remarquer, est que le passage en arabe dialectal marocain est un peu compliqué. Il ne fallait surtout pas trop développer les concepts par crainte de les compliquer. En les développant, je risquais de les obscurcir davantage. Jusqu'à présent, combien d'ouvrages avez-vous publiés ? Est-ce que vous ciblez, d'ailleurs, un groupe spécifique par vos écrits ? Pour le moment, j'ai publié 4 ouvrages, en l'espace de 10 ans, sur internet. J'ai pris beaucoup de temps pour rédiger mon premier livre puisqu'il fallait trouver les mots convenables et pertinents pour chaque terme scientifique. Il fallait aussi que je m'habitue à la rédaction en darija au départ. En moyenne, il me faut presque 2 ans pour écrire un ouvrage. Ces ouvrages portent sur la cinématique classique, le théorème de Pythagore et l'école de Marrakech et l'électronique. Je pense que mon dernier ouvrage est un peu particulier. Intitulé « Pour honorer la jeunesse », il raconte l'histoire imaginaire d'un jeune qui découvre une nouvelle école, il découvre ainsi autrement les mathématiques, l'électronique, la programmation de la musique électro, la sexualité et un peu d'histoire. Dans cet ouvrage j'ai adressé la parole au lecteur au féminin. C'était un peu spécial. D'ailleurs, beaucoup de personnes ont trouvé que c'était un peu bizarre puisque nous ne sommes pas vraiment habitués à lire des ouvrages dans lesquels l'auteur s'adresse au lecteur au féminin. S'agissant du public auquel je m'adresse, je pense que n'importe qui pourrait lire mes livres facilement. Mes ouvrages n'ont rien à voir avec les manuels scolaires. Je pense, d'ailleurs, que mon dernier ouvrage pourrait être facilement compris par une personne qui a fait son collège. Certes, il y a un côté technique mais cela reste compréhensible. J'aimerais d'ailleurs préciser que je n'utilise pas la darija par facilité, au contraire, je l'utilise pour m'exprimer. Quelle est la finalité de ces ouvrages ? Personnellement, je trouve que ces ouvrages m'ont aidé à m'exprimer aisément quant aux sujets liés à la science. Aujourd'hui, je peux expliquer facilement aux Marocains en darija plusieurs concepts scientifiques. D'ailleurs, je peux, sans difficulté, transmettre à mes neveux avides de connaissances plusieurs messages scientifiques en darija. Qu'en est-il des personnes qui n'ont pas accès à internet et qui désirent fortement apprendre plus des sciences, d'une façon plus simplifiée comme vous proposez? Je viens récemment de découvrir les « mini-livres ». Il s'agit de livres composés de 8 pages créés à partir d'une feuille A4 pliée, sans collage ni agrafage. Ils ne coûtent presque rien. J'ai déjà conçu un livre suivant ce modèle, que j'ai, d'ailleurs, publié sur mon profil Facebook. A vrai dire, il m'est possible de publier en auto-publication, sans avoir recours à un éditeur, mais je trouve que les coûts de production des livres sont énormes, même ceux qui vont les acheter vont trouver que les prix proposés sont exorbitants. J'ai trouvé par hasard cette technique que je trouve géniale. D'ailleurs, si une personne a accès à internet et par conséquent à ce livre-là, elle pourrait l'imprimer et le donner à n'importe quel enfant pour le lire facilement. Le partage du savoir se fera ainsi graduellement. Avec la méthode de Farouk El Merrakchi, il semblerait qu'on puisse faire et comprendre la physique et autres matières scientifiques, "sans en avoir l'air".