Interrompu pendant cinq ans à cause de l'état d'urgence sanitaire mais pas seulement, le Salon du Livre d'occasion fait son grand retour pour sa 13ème édition, qui se tient du 26 juin au 10 juillet prochain. La canicule sévissant à Casablanca et ailleurs au Royaume samedi dernier a rendu le Boulevard Modibo Keita (Al Fida) presque vide de passants. Certains se réfugient à l'abri des cafés tandis que d'autres se tiennent à l'ombre dans l'attente d'un bus miséricordieusement climatisé. Ceci n'a pas empêché les bouquinistes de la plus grande ville du pays d'installer leurs stands au long du collège Ghazali, emplacement choisi pour cette 13ème édition du Festival du Livre d'occasion, un rendez-vous livresque d'envergure dont le retour a consolé les Casaouis après le déménagement du Salon International de l'Edition et du Livre à Rabat. Les visiteurs annuels de longue date, semper fideles, sauraient que le collège Ghazali n'a pas toujours été l'emplacement du Salon. Depuis la création du Salon en 2008 et jusqu'en 2017, c'était à la Place Sraghna (Mers Sultan) que ce rendez-vous culturel avait lieu. En 2018, le Salon a déménagé vers Garage Allal puis vers Bouchentouf en 2019. Puis l'épisode COVID est survenu. Pour la première fois depuis sa création, le Salon a été interrompu à cause de l'état d'urgence sanitaire. Les bouquinistes de Casablanca ont dû interrompre le Salon pendant cinq ans, soit de 2020 à 2024. Cependant, les restrictions dues à l'état d'urgence sanitaire n'expliquent pas à elle seule un hiatus aussi prolongé. En effet, les citoyens ont repris le train de la vie normale dès début 2022. Pour expliquer cela, Youssef Bourra, président de l'Association des Bouquinistes de Casablanca, a aimablement accepté de répondre aux questions de la rédaction. Selon le président de longue date, le confinement – et ce qui s'en est ensuit comme distanciation physique – a causé le dénouement des liens unissant les bouquinistes membres de l'association. La dislocation de l'association a été aggravé par le décès de huit membres clés de l'association lors des cinq dernières années, dont notamment les trésoriers Abdelhadi Rafiqi (m. 2021) et Mustapha Araba (m. 2025) ainsi que le vice-président Abdellah Anhari (m. 2023). Des élections sont encore en cours pour remplacer ces membres à leurs postes. Ce n'est donc que cette année que l'association a pu reprendre l'organisation du Festival qu'elle a peiné à mettre en place. Un des bouquinistes qui n'a pas souhaité rendre son nom public a indiqué que les démarches administratives ad hoc ont occupé le président depuis février dernier, et le contraignaient maintes fois à fermer sa boutique pendant ses heures régulières de travail pour s'en charger. Jaouad, un autre bouquiniste, déplore le peu d'intérêt que les autorités accordent à leur profession et aux manifestations culturelles organisées par son corps de métier. Selon lui, les autorités municipales et étatiques penseraient que ce Festival n'est rien d'autre qu'une banale foire marchande, alors que son métier est vital pour l'accès au livre et à la culture à petit prix, et permet de faire circuler de vieux ouvrages autrement introuvables. Il a en outre affirmé avec la plus grande confiance que, si les autorités mettaient à disposition les ressources dont il avait besoin, il pourrait gérer non pas un mais dix stands, démontrant sa volonté de promouvoir le livre d'occasion et de participer à la démocratisation de la culture littéraire. La 13ème édition du Salon du Livre d'Occasion se poursuivra jusqu'au 10 juillet prochain: une occasion pour les Casaouis et les gens de passage de fouiller les tas d'ouvrages exposés pour se procurer un livre de chevet ou un tome plus volumineux.