La prompte réponse de la France après le putsch montre sa détermination à conserver au Sahel une présence militaire parfois perçue comme une «occupation». Le sommet du G5 Sahel en Mauritanie, organisé il y a moins de deux mois, paraît comme un souvenir lointain. Aujourd'hui, l'un des cinq dirigeants est tombé. Ibrahim Boubacar Keïta, le président du Mali, a été évincé mardi 18 août lors d'un coup d'Etat. Mais M. Macron maintient au Sahel les 5 100 soldats français engagés. «L'opération "Barkhane"... continue», a tweeté la semaine dernière la ministre française de la défense, Florence Parly, après le putsch mené par une poignée de militaires qui ont arrêté M. Keïta et son premier ministre. La réponse rapide de la France a montré sa détermination à maintenir une présence militaire en Afrique de l'Ouest, malgré des poches de sentiment anti-français et des questions sur la possibilité que cela devienne la guerre sans fin de la France. De son côté, l'Union européenne (UE) a suspendu la formation des militaires qu'elle assure depuis 2013. «Nos missions ont été temporairement suspendues en raison des circonstances», a déclaré Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, lors d'une conférence de presse à Berlin à l'issue d'une réunion des ministres européens de la défense ; mais les instructeurs et formateurs sont restés sur place pour reprendre «leurs activités aussi vite que possible». Les Etats-Unis aussi ont suspendu leur aide, a indiqué vendredi un haut responsable américain. «Il n'y a plus ni formation, ni soutien aux forces armées du Mali. Nous avons tout arrêté jusqu'à ce que nous puissions clarifier la situation», a expliqué à des journalistes l'émissaire américain pour le Sahel, Peter Pham. Après que l'ex-président malien captif eut officiellement démissionné, la junte militaire qui a pris le relais a souligné qu'elle souhaitait que les forces françaises et onusiennes présentes sur place poursuivent leur travail. M. Macron avait fait au Mali sa première visite à l'étranger, une semaine après son élection en 2017, mettant en tête de son agenda la lutte contre le terrorisme dans une région où la France exerce une énorme influence. La France a longtemps eu un rôle démesuré dans les cinq nations engagées dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, son arrière-cour africaine jusqu'à la décolonisation dans les années 1960. Le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie restent liés par de nombreux accords avec Paris, qui entretient des bases militaires et apporte son aide. La France dispose de 600 millions d'euros de projets d'aide en cours au Mali, selon Nicolas Mora, responsable de l'Agence française de développement (AFD) pour ce pays. La France est intervenue pour la première fois dans le nord du Mali en janvier 2013 pour repousser les extrémistes liés à Al-Qaïda, qui contrôlaient des pans entiers du nord et imposaient la loi islamique. Elle a été saluée comme une force de libération lorsque les soldats ont libéré Tombouctou et d'autres villes. Mais au fil des ans, les meurtres se sont multipliés, Al-Qaïda a remplacé les dirigeants perdus et une ramification de l'Etat islamique a vu le jour. Puis la violence s'est étendue aux pays voisins, le Niger et le Burkina Faso. «Pas d'objectifs néocoloniaux, impérialistes ou économiques» Aujourd'hui, certains considèrent les Français comme des occupants ayant un programme impérialiste caché. Des manifestations anti-françaises ont éclaté à l'automne 2019, un message qui a tellement inquiété M. Macron qu'il a convoqué un sommet en janvier avec les dirigeants des nations du G5 Sahel, leur demandant de clarifier leur engagement à l'égard de l'intervention française et rappelant avant le sommet que «la France n'est pas là avec des objectifs néocoloniaux, impérialistes ou économiques [mais] pour la sécurité collective de la région et la nôtre». La présence de la France est devenue de plus en plus impopulaire au Mali, car la violence qui mine la sécurité du pays depuis 2013 n'a pas diminué. Des milliers de personnes ont protesté contre la présence de la France, qualifiant souvent sa présence d'«occupation». Lors du rassemblement de vendredi pour soutenir le coup d'Etat, les Maliens ont porté des pancartes décriant l'ancien colonisateur : «Ce n'est pas un coup d'État. C'est une révolution du peuple», «Arrêtez le génocide de la France au Mali», «Mort à la France et à ses alliés» et «A bas la France et son gouverneur».