Le détournement du droit s'accompagne d'une méprise tout aussi flagrante sur la nature même de la grâce souveraine. Monjib tente en effet d'accréditer l'idée que le pardon royal équivaudrait à une révision judiciaire ou à un acquittement implicite. Or, il n'en est rien : la grâce relève d'une prérogative de clémence qui s'attache à la personne du condamné et non d'un mécanisme destiné à rectifier les décisions de justice. Elle constitue un geste de mansuétude et non une remise en cause des fondements d'un verdict. À échéances régulières, Maâti Monjib ne manque jamais de fixer un rendez-vous sur Facebook pour son habituel «jeûne revendicatif», simulacre de privation volontaire destiné à infléchir la justice et à en altérer l'indépendance, dans l'espoir d'obtenir l'autorisation de quitter le territoire national. Une mise en scène récurrente au service d'une entreprise de subversion judiciaire Au fil des années, il s'est appliqué à rassembler une escouade de «témoins de complaisance», qu'il entraîne avec lui à l'aéroport de Rabat-Salé, à l'approche d'octobre, dans une tentative manifeste de pression sur la magistrature afin d'obtenir la suspension de l'interdiction de sortie du territoire dont il fait l'objet, dans le cadre de l'affaire de blanchiment d'argent qui l'oppose à la juridiction spécialisée en crimes financiers à Rabat. Mais cette année, à rebours de ses habitudes, Monjib a anticipé de plusieurs mois son chantage annuel par la faim. Cette précipitation n'a pas manqué d'éveiller la curiosité des observateurs, intrigués par les ressorts de ce soudain changement de calendrier. L'intéressé a, lui-même, pris soin de formuler une justification en amont, sans doute pour désamorcer toute lecture incommodante de ses desseins. Il prétend ainsi avoir programmé ce départ en réponse à l'invitation d'une université française et assure avoir décidé de déclencher sa grève au printemps, plutôt qu'en automne comme à l'accoutumée, en réaction immédiate à l'interdiction qui lui a été signifiée. Toutefois, derrière cette mise en scène, Monjib et son cortège d'adeptes feignent d'ignorer qu'il a délibérément choisi d'activer son rituel de «jeûne stratégique» à cette période bien précise, mû par des calculs soigneusement réfléchis. Il tente en effet d'exploiter la controverse nourrie en France par l'arrestation de l'écrivain Boualem Sansal en Algérie, dans l'espoir de replacer sa propre affaire sur le devant de la scène. Il s'emploie, ainsi, à rappeler à ses soutiens et à ses protecteurs de l'Hexagone qu'il partage avec Sansal la nationalité française, suggérant par cette assimilation douteuse que leur sort devrait susciter un même élan de solidarité. Une démarche d'autant plus fallacieuse qu'elle repose sur un subterfuge éhonté : une victimisation construite de toutes pièces, agrémentée de l'habituel chantage émotionnel de la «faim militante.» L'artifice ne s'arrête pas là. Certains de ses fidèles, tels que Fouad Abdelmoumni, se sont employés à préparer le terrain en relayant des tribunes aux accents plaintifs, s'interrogeant sur l'ardeur française à défendre Sansal et son manque d'entrain à plaider la cause de Monjib, alors que, selon eux, ce dernier incarnerait une valeur intellectuelle et académique bien supérieure. Une assertion pour le moins hasardeuse, quand on sait que Monjib ne peut s'enorgueillir d'aucune distinction littéraire d'envergure, ni d'une œuvre notable, hormis un passif judiciaire alourdi par des malversations financières avérées, tandis que la bibliothèque de Sansal regorge d'ouvrages salués par la critique et auréolés de prestigieuses récompenses. Une distorsion du droit et une confusion volontaire Mais la ficelle est trop grosse. Non content de se livrer à cette grossière manipulation, Monjib s'est, une fois de plus, illustré par une approximation juridique flagrante, usant de procédés trompeurs pour abuser l'opinion. Le pardon royal dont il se prévaut n'a jamais concerné l'affaire de blanchiment d'argent qui pèse encore sur lui ; il a uniquement porté sur une autre infraction, distincte de celle pour laquelle il demeure sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire. Or, en entretenant sciemment la confusion entre ces deux volets judiciaires, il tente de semer le doute et d'amener le public à une conclusion erronée, fondée sur un raisonnement fallacieux. Qui plus est, Monjib dénature la portée même du droit de grâce, en le présentant abusivement comme une correction des décisions de justice. Or, le pardon royal ne constitue en aucun cas un instrument de révision des jugements, ni un moyen de rectification d'éventuelles erreurs judiciaires. Il relève d'une prérogative de clémence, qui s'attache à la personne du condamné et non à la teneur du verdict. Mais le comble de la légèreté juridique de Monjib se manifeste lorsqu'il s'aventure à contester la légalité du retrait de son passeport et de la mesure judiciaire interdisant sa sortie du territoire. Déconcerté par son propre aveuglement, il invoque les dispositions du contrôle judiciaire applicables aux crimes, alors qu'il est poursuivi pour un simple délit. Une confusion grossière qui illustre, une fois encore, qu'à trop vouloir manipuler le droit, on finit par s'y perdre soi-même.