Les produits agricoles en provenance du Maroc poursuivent leur ascension sur le marché espagnol où le royaume chérifien s'impose désormais comme le premier fournisseur extracommunautaire de fruits et légumes. Selon les données diffusées par la plate-forme DataComex, les exportations marocaines de denrées horticoles à destination de l'Espagne ont atteint, pour le seul mois de janvier 2025, un montant de 152,11 millions d'euros, soit environ 1,64 milliard de dirhams marocains. Ce chiffre marque une progression de plus de 57 millions d'euros (614 millions de dirhams) par rapport au mois de janvier 2023, confirmant la tendance haussière des échanges bilatéraux dans le secteur agricole. Un réalignement structurel des circuits d'approvisionnement espagnols Cette trajectoire commerciale témoigne d'un profond réalignement des circuits d'approvisionnement de l'Espagne, dont la dépendance aux productions extra-européennes s'accentue. En janvier 2025, la facture totale des importations espagnoles de fruits et légumes s'est élevée à 636,65 millions d'euros, soit 6,88 milliards de dirhams. Or, selon les calculs de la Fédération espagnole des associations de producteurs exportateurs de fruits et légumes (FEPEX), réalisés à partir des données de l'Agence Tributaria, 66 % de cette valeur provient désormais de pays tiers. Ce basculement structurel affaiblit mécaniquement la part des Etats membres de l'Union européenne, longtemps prédominants dans ce domaine. Le Maroc : avocats, framboises et tomates en tête des exportations Parmi les produits marocains les plus convoités par les opérateurs espagnols figurent les avocats, dont les ventes ont atteint 34,98 millions d'euros (378,5 millions de dirhams), suivis des framboises à 26,62 millions d'euros (288 millions de dirhams), des tomates fraîches à 17,91 millions d'euros (194 millions de dirhams), des myrtilles ou bleuets à 16,82 millions d'euros (182 millions de dirhams), des haricots à 15,69 millions d'euros (170 millions de dirhams) et des poivrons doux à 13,93 millions d'euros (151 millions de dirhams). Ces produits, en grande partie cultivés dans les régions du Souss-Massa, du Gharb et de Larache, bénéficient de conditions climatiques favorables et d'infrastructures d'exportation bien rodées, qui leur permettent d'arriver sur les étals ibériques dans des délais extrêmement courts. Un paradoxe européen : entre doctrine verte et dépendance importée Ce recours croissant aux productions marocaines contraste nettement avec les objectifs affichés par la Commission européenne dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table ». Cette orientation doctrinale, inscrite dans le Pacte vert, encourage une alimentation de proximité, plus sobre en émissions et ancrée dans les terroirs communautaires. Pourtant, les données commerciales mettent en évidence un décalage manifeste entre les engagements normatifs et la réalité des pratiques d'importation. Le Maroc, grâce à son positionnement géographique, à la compétitivité de sa main-d'œuvre et à ses accords préférentiels avec l'Union européenne, apparaît comme l'un des principaux bénéficiaires de cette contradiction. Les Etats-Unis supplantent la France dans les rayons espagnols La recomposition du paysage agroalimentaire espagnol ne s'arrête pas au seul Maroc. Les Etats-Unis, profitant de la forte demande en fruits à coque, ont également renforcé leur présence au détriment de fournisseurs historiques tels que la France. En janvier 2025, les ventes américaines de fruits et légumes à l'Espagne ont devancé celles de l'Hexagone, notamment grâce aux amandes (29,82 millions d'euros, soit 323 millions de dirhams), mais aussi aux pistaches et aux noix, pour une progression globale estimée à près de 20 millions d'euros (216 millions de dirhams) par rapport à la même période de l'année précédente. Le Maroc conforte sa place dans les chaînes d'approvisionnement européennes Dans ce contexte, les équilibres agrocommerciaux entre l'Union européenne et son voisinage méridional se trouvent discrètement redéfinis. Le Maroc, en particulier, parvient à tirer parti d'une conjoncture favorable pour consolider sa place dans les chaînes d'approvisionnement du continent. En s'installant durablement dans les habitudes de consommation espagnoles, ses produits agricoles ne se contentent plus d'occuper un créneau saisonnier : ils constituent désormais un élément structurel du panier alimentaire importé par la péninsule ibérique.