À l'occasion d'un forum de haut niveau convoqué à Rabat, réunissant responsables ministériels, chercheurs et représentants d'organismes multilatéraux, la ministre ghanéenne des pêches et de l'aquaculture, Emelia Arthur, a exhorté les pays riverains de l'Atlantique africain à structurer une coopération rigoureuse, ancrée dans la science, le dialogue stratégique et la coresponsabilité politique. Rendant hommage à l'organisation de cette rencontre par le Maroc, elle a salué la constance royale en ces termes : « le roi Mohammed VI incarne une constance précieuse dans la mise en relation des Etats atlantiques africains autour d'une vision maritime structurée et solidaire .» Un espace marin à la fois vulnérable et porteur Face à ses homologues venus de tout le littoral occidental du continent, Emelia Arthur a alerté sur la dégradation progressive des milieux marins. «Notre façade atlantique recèle d'immenses promesses, mais demeure exposée à des périls croissants. Pour en faire une matrice de stabilité, de prospérité durable et de souveraineté partagée, il nous faut dépasser les segmentations sectorielles, les inerties politiques et les silences scientifiques.» Elle a ainsi plaidé pour une vision océanique partagée, dépassant les logiques de cloisonnement administratif. À ses yeux, «l'Atlantique africain ne peut plus être appréhendé comme une addition de juridictions maritimes isolées, mais comme un ensemble vivant, soumis à des dynamiques physiques, économiques et sociales inextricablement liées.» Pillage halieutique, rejets toxiques, criminalités : un océan menacé Les périls évoqués sont multiples : activités illicites, détériorations écologiques, opacités logistiques. La ministre a dénoncé une multiplication de pratiques destructrices : «la prolifération des captures illicites, la dissémination des rejets toxiques et l'exploitation anarchique des substrats halieutiques minent les écosystèmes et compromettent l'avenir des communautés littorales.» Elle a aussi insisté sur les répercussions sociales de ces atteintes : effondrement des rendements artisanaux, disparition des zones de frayère, marginalisation des pêcheries vivrières. Elle a souligné que «la pression exercée sur les écosystèmes marins se répercute directement sur les conditions de vie, la sécurité alimentaire et la cohésion des territoires côtiers.» La connaissance scientifique comme rempart Selon Emelia Arthur, seule une gouvernance enracinée dans le savoir partagé et la vigilance scientifique peut ouvrir la voie à un redressement durable. Elle a défendu la mise en place d'un dispositif d'observation et de traitement des données commun : «comprendre l'océan, c'est déjà le protéger. Il est impératif d'investir dans les infrastructures scientifiques, les dispositifs d'observation côtière et les systèmes d'alerte partagés, en y associant les universités, les pêcheurs artisans et les collectivités territoriales.» Cette connaissance collective, a-t-elle rappelé, doit alimenter les choix publics. «Sans gouvernance fondée sur la connaissance, il n'y aura ni sécurité alimentaire, ni résilience climatique, ni justice océanique.» Engagement communautaire et diplomatie maritime La ministre a défendu une approche ascendante de la gouvernance, appelant à une articulation entre les échelons locaux, nationaux et régionaux. «Les communautés de pêche, les associations de femmes transformatrices, les autorités de proximité doivent participer à la conception et à la mise en œuvre des stratégies marines.» Enfin, elle a exhorté ses homologues à hausser la question maritime au niveau des plus hautes délibérations : «Nous devons inscrire la gouvernance maritime parmi les priorités régaliennes de nos Etats. Sans cette exigence de long terme, l'Atlantique africain restera un gisement de convoitises et de déséquilibres, au lieu d'être une mer de coopération et d'avenir.»