Le groupe danois DFDS (Det Forenede Dampskibs-Selskab) s'empare des traversées reliant l'Espagne au Maroc, cœur névralgique de l'activité de Naviera Armas, dans une transaction estimée à 300 millions d'euros. Selon les informations du quotidien El Confidencial, un accord préliminaire aurait été conclu entre DFDS et les principaux créanciers de l'armateur espagnol – les fonds JP Morgan et Barings – en vue de la cession de cette division stratégique. Elle comprend les liaisons maritimes entre le port andalou d'Algésiras, la ville occupée Ceuta et Tanger Med, couloir essentiel tant pour le transport de marchandises que pour le passage des voyageurs. À elle seule, cette activité représente plus de 60 % du résultat opérationnel de Naviera Armas, en proie à une déconfiture financière accélérée depuis le rachat malheureux, en 2018, de la compagnie Trasmediterránea à Acciona pour 260 millions d'euros. Plombée par une dette approchant les 800 millions, l'entreprise a été placée en 2023 sous administration judiciaire, les fonds Cheyne et Bain Capital prenant alors le contrôle de 94 % de son capital. Le processus de vente, confié à la banque d'affaires Houlihan Lokey, s'est heurté à l'absence d'offres jugées acceptables pour l'ensemble du groupe. Faute de repreneur global, les actionnaires ont décidé de procéder à une cession par actifs. Le segment opérant dans le détroit de Gibraltar, du fait de sa rentabilité exceptionnelle, en constituait la pièce maîtresse. DFDS, qui avait déjà pénétré le bassin méditerranéen en 2022 par l'acquisition des sociétés FRS Iberia et FRS Maroc pour 150 millions d'euros, vient par cette opération consolider son implantation sur l'un des axes maritimes les plus animés du continent. L'essor des échanges entre l'Europe et le Royaume du Maroc, de même que le développement économique rapide du pays chérifien, confèrent à cette acquisition une valeur géostratégique majeure. La flotte de DFDS, forte de plus de 75 navires, dessert aujourd'hui l'ensemble du nord de l'Europe et figure parmi les plus solides du continent, avec une capitalisation boursière d'environ 800 millions d'euros à la bourse de Copenhague. En parallèle, la division interinsulaire de Naviera Armas, concentrée sur le trafic passagers aux Canaries, demeure sur le marché. Bien que des marques d'intérêt aient été manifestées par Balearia et Boluda, aucune proposition ne semble pour l'heure satisfaire les attentes des créanciers. L'urgence financière, toutefois, ne laisse guère de latitude : près de 50 millions d'euros arrivent à échéance le 30 juin, tandis que 225 millions supplémentaires seront exigibles en 2026. Cette pression a conduit l'agence Moody's à reléguer la note de crédit du groupe au rang de CCC, équivalent à une obligation à haut risque de défaut. Si les autorités portuaires et les régulateurs concernés donnent leur aval, la signature définitive pourrait intervenir dans les toutes prochaines semaines. Naviera Armas céderait alors définitivement sa position historique sur les lignes-clés du détroit, au bénéfice de DFDS.