La Commission du commerce international des Etats-Unis (USITC) a annoncé, mardi 10 juin, l'ouverture d'un nouveau réexamen dans l'affaire opposant plusieurs industriels américains au groupe marocain OCP S.A., à propos des mesures compensatoires appliquées depuis 2021 aux importations d'engrais phosphatés en provenance du Maroc. Ce réexamen, qualifié de second remand par les autorités américaines, fait écho à une décision rendue le 22 avril 2025 par la Cour de commerce internationale (CIT), laquelle avait ordonné à la Commission de réévaluer une nouvelle fois les conclusions de son enquête initiale. Un litige commercial aux ramifications multiples En mars 2021, l'USITC avait déterminé que l'industrie américaine des fertilisants subissait un préjudice important en raison d'importations de phosphates subventionnées, principalement en provenance du Maroc et de la Russie. Cette décision avait conduit à l'imposition de droits compensateurs s'élevant à 19,97 % sur les produits marocains, frappant notamment les exportations du groupe OCP S.A. Cette appréciation avait été contestée devant la CIT par plusieurs acteurs du secteur, au premier rang desquels OCP S.A., EuroChem North America Corporation, Koch Fertilizer et PhosAgro PJSC. Le 23 septembre 2023, la Cour avait renvoyé l'affaire à la Commission en relevant certaines insuffisances méthodologiques et en exigeant un nouvel examen des données recueillies. En janvier 2024, l'USITC avait maintenu ses conclusions initiales. Toutefois, dans une ordonnance du 22 avril 2025, la CIT a à nouveau demandé un réexamen, considérant que certaines interrogations soulevées lors de la première procédure n'avaient pas reçu de réponses satisfaisantes. Accès limité, dossier clos, échange formel Dans l'avis publié mardi au Federal Register (volume 90, numéro 110), l'USITC a précisé les conditions dans lesquelles se déroulera ce second réexamen. Seuls les acteurs ayant participé à l'enquête initiale et aux recours en justice y seront admis, à la condition expresse qu'ils aient figuré dans les listes officielles des parties intéressées. Aucun nouvel élément de preuve ne pourra être introduit : les commentaires devront s'appuyer exclusivement sur le dossier existant. Les observations écrites devront être remises au plus tard le 20 juin 2025, dans la limite de vingt-cinq pages, selon les règles précises énoncées dans le règlement interne de la Commission. Toute soumission contenant des informations commerciales sensibles (BPI) devra respecter les conditions strictes de confidentialité fixées par l'ordonnance de protection administrative (APO). L'ensemble des documents devra être transmis exclusivement par voie électronique, via le système EDIS (Electronic Document Information System). Aucun dépôt papier ne sera accepté jusqu'à nouvel ordre. Le calendrier des audiences n'a pas encore été arrêté, mais les parties concernées peuvent d'ores et déjà faire valoir leur souhait d'intervenir oralement, sous réserve d'un accord préalable de la Commission. Une affaire aux conséquences économiques durables Pour le Maroc, dont les réserves représentent plus de 70 % des stocks mondiaux de phosphates, l'enjeu dépasse le simple différend tarifaire. Le groupe OCP S.A., pilier stratégique de l'économie nationale, fournissait en 2019 environ 60 % des importations américaines d'engrais phosphatés à forte teneur (MAP et DAP). À cette date, le marché américain représentait environ 21 % du chiffre d'affaires du groupe, soit près de 1,9 milliard de dollars. Depuis l'instauration des droits, les exportations marocaines ont connu un repli notable vers les Etats-Unis, tandis que d'autres débouchés commerciaux ont été explorés par Rabat. Toutefois, les volumes et marges associés au marché nord-américain demeurent difficilement remplaçables à court terme. Dans une période marquée par les tensions sur les chaînes d'approvisionnement agricoles et une dépendance accrue aux fertilisants dans de nombreuses régions du globe, l'issue de cette procédure sera suivie avec une attention soutenue des deux côtés de l'Atlantique.