L'agence Moody's a reconduit, jeudi 19 juin, la note de dépôt à long terme de Bank of Africa (BOA) à Ba1, assortie d'une perspective stable, saluant la robustesse des fondamentaux de l'établissement au Maroc tout en exprimant des réserves quant à la qualité de son portefeuille en Afrique subsaharienne. Cette appréciation intervient dans un contexte de vigilance accrue sur la soutenabilité des banques africaines. Elle repose sur une évaluation nuancée, distinguant la vigueur de l'activité domestique de l'exposition aux fragilités macroéconomiques et sécuritaires des pays sahéliens. Un socle marocain jugé solide Moody's relève d'abord la capacité de résistance de BOA au sein de son marché d'origine. Au 31 décembre 2024, les actifs liquides représentaient 44 % du total du bilan, tandis que le ratio crédits sur dépôts demeurait contenu à 88 %. L'épargne clientèle, principalement constituée de dépôts de particuliers, couvrait 67 % des ressources hors capitaux propres, ce qui traduit, selon l'agence, «une confiance maintenue des déposants et une capacité d'absorption des chocs». La rentabilité opérationnelle se maintient également à un niveau jugé satisfaisant : le produit net avant provisions représente 2,5 % des actifs, soutenu par une base de dépôts peu coûteuse et une activité de détail bien implantée, notamment en Afrique de l'Ouest. Le résultat net ressort à 1,2 % des actifs, avec une trajectoire que Moody's prévoit stable sur les douze à dix-huit mois à venir. Des filiales exposées à des zones instables La note est toutefois assortie d'un commentaire prudent sur la contribution croissante des filiales d'Afrique subsaharienne, notamment dans l'espace de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), où près de 27 % du portefeuille de crédits est localisé. Des pays tels que le Burkina Faso, le Mali ou le Niger, caractérisés par des transitions politiques incertaines et une insécurité persistante, pèsent sur la qualité des actifs du groupe. «La concentration des risques dans certaines juridictions fragiles se traduit par un taux de créances douteuses élevé, à 10 %», précise Moody's. Ce ratio, supérieur aux moyennes sectorielles au Maroc, reflète selon l'agence un effet combiné de tension sur la gouvernance locale et de contraintes sur les capacités de remboursement. Provisions élevées et soutien implicite de l'Etat Pour contenir ce risque, BOA affiche un taux de couverture des créances litigieuses de 88 %, niveau que Moody's considère «adéquat au regard des incertitudes géopolitiques régionales». En dépit d'un niveau de fonds propres jugé modeste – avec un ratio de fonds propres tangibles à 7,2 % des actifs pondérés du risque en 2024 –, la banque bénéficie d'un statut systémique au Maroc. En tant qu'établissement détenant plus de 12 % de parts de marché sur les dépôts, BOA reçoit un soutien implicite des autorités monétaires, ce qui se traduit par un relèvement de trois crans dans la notation attribuée par Moody's. «La probabilité d'un soutien étatique en cas de tensions est élevée, compte tenu de son poids dans le système bancaire national», souligne l'agence. Perspectives stables malgré les incertitudes régionales Moody's n'anticipe, à court terme, ni contraction ni expansion majeure du périmètre d'activité de la banque. Les perspectives pourraient néanmoins être influencées par la tenue de la Coupe d'Afrique des nations de football au Maroc en 2025, la préparation conjointe de la Coupe du monde 2030, ainsi que par l'activation de nouveaux programmes publics d'investissement, susceptibles d'ouvrir des marges de financement. L'Afrique de l'Ouest, en revanche, devra remédier à ses déséquilibres sécuritaires et budgétaires pour éviter de freiner les ambitions régionales du groupe.