Une équipe de chercheurs a mis au point une méthode inédite d'extraction du pétrole de schiste à partir des gisements de Timahdit, dans le Moyen Atlas, en remplaçant les solvants traditionnels toxiques par des eaux usées d'huile d'olive (OMW), selon une étude récemment dévoilée. Ce procédé recourt à l'eau subcritique, à des conditions alcalines et modérées de température et pression, pour atteindre un rendement record de 94 %, tout en valorisant un effluent agricole nocif. Une double avancée environnementale Le gisement de Timahdit recèle quelque 80 milliards de tonnes de schiste bitumineux, dont la strate Y contient jusqu'à 23,9 % de matière organique. Face aux limites écologiques des méthodes thermiques classiques et à la toxicité des solvants organiques, les chercheurs ont eu recours à un agent original : les effluents issus de la trituration des olives. Ceux-ci, riches en composés phénoliques (10,75 g/L) et fortement chargés en demande chimique en oxygène (94,15 g/L), posent eux-mêmes un problème environnemental majeur dans les pays méditerranéens. En utilisant ces eaux dans un réacteur en acier inoxydable chauffé à 325 °C sous 10 MPa, les scientifiques ont extrait jusqu'à 94,56 % de la matière organique contenue dans le schiste déscarbonaté, après 120 minutes de traitement à pH 11,5. Ce rendement, supérieur aux procédés classiques, repose sur la formation de complexes calciques de polyphénols jouant un rôle de tensioactif, améliorant la solubilisation des composés hydrophobes. Une méthode analytique rigoureuse L'étude repose sur une procédure en plusieurs étapes : traitement préalable à l'acide chlorhydrique pour éliminer les carbonates, extraction par eau subcritique chauffée par paliers de 5 °C/minute, récupération de l'huile brute par extraction au Soxhlet au chloroforme, et caractérisation structurale des produits par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FT-IR, 400–4000 cm−1) et résonance magnétique nucléaire du proton à 500 MHz (1H RMN). Les résultats spectroscopiques ont révélé une forte proportion d'aromatiques (37 % des protons détectés entre 6,5 et 8 ppm), corroborée par des bandes FT-IR marquées à 1625 cm−1 (liaisons C=C aromatiques) et 3462 cm−1 (groupes hydroxyles phénoliques). «Le profil chimique obtenu confirme une richesse en hydrocarbures aromatiques, propices à des usages industriels en tant qu'additifs pour lubrifiants ou agents de stabilisation de carburants», précisent les auteurs. Vers une économie circulaire énergétique La pression opératoire du procédé (10 MPa) reste bien inférieure à celle des techniques de supercritique (souvent supérieures à 25 MPa), rendant sa transposition industrielle plus réaliste. Selon les estimations environnementales du laboratoire, chaque tonne d'eaux usées d'olive permettrait de récupérer 0,94 tonne de pétrole de schiste, instaurant un modèle d'économie circulaire «dans lequel les résidus d'un secteur agricole contribuent à la valorisation énergétique d'une ressource nationale». Les perspectives ouvertes par cette approche dépassent le site de Timahdit. L'équipe envisage désormais l'adaptation de ce protocole à d'autres formations riches en matière organique. Les recherches futures exploreront le rôle catalytique sélectif des complexes calcium-phénol sur les macromolécules kérogènes, et leur aptitude à être répliqués dans d'autres gisements d'Afrique du Nord.