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«La position marocaine a gagné en respectabilité et en ampleur à Pretoria» : une recherche du PCNS explore le glissement du discours sud-africain sur le Sahara
Une étude du Policy Center for the New South examine de manière systématique la portée politique de la visite de Jacob Zuma au Maroc en juillet 2025, en la replaçant dans les recompositions internes de la scène sud-africaine. Le Policy Paper n° 30/25 (août 2025), rédigé par Driss Alaoui Belghiti, mobilise une analyse longitudinale des réseaux sociaux et des votes parlementaires de 2014 à 2024 pour montrer comment cet épisode a servi de catalyseur à un réagencement des positions partisanes autour du Sahara. L'auteur observe que «l'événement a produit environ 2 200 publications en ligne et une vingtaine d'articles de presse, révélant la capacité d'un enjeu extérieur à franchir le seuil d'attention du public national». Le document met en évidence un enchaînement en deux temps : une phase initiale de médiatisation axée sur le protocole et l'usage du drapeau national, puis une phase de confrontation idéologique au sein du Parlement entre un bloc hostile (ANC, EFF, Al Jamaah) et un arc de forces émergentes (MK Party, DA) cherchant à redéfinir le cadre narratif en termes d'intégrité territoriale et de souveraineté. Dans un document dense et analytique, le Policy Center for the New South (PCNS) offre une lecture détaillée de la visite de Jacob Zuma au Maroc en juillet 2025 et de ses répercussions sur le débat politique sud-africain. Publié sous le titre «La visite de Jacob Zuma au Maroc révèle des recompositions autour du Sahara marocain dans le débat sud-africain», le Policy Paper n° 30/25 (août 2025), rédigé par Driss Alaoui Belghiti, spécialiste des relations internationales, examine cet épisode comme un révélateur d'un basculement discret dans la politique étrangère de Pretoria. L'auteur observe que «la visite de Jacob Zuma au Maroc s'est imposée comme un épisode singulier dans l'actualité sud-africaine récente» et qu'elle a agi comme catalyseur d'un débat public inhabituel. Selon l'étude, entre le 15 juillet et le 10 août, «le débat suscité par la visite de Jacob Zuma au Maroc a généré environ 2 200 publications sur X et 20 articles de presse sud-africaine». Deux pics d'attention se détachent nettement : «le premier (17–18 juillet) déclenché par la diffusion d'images de Zuma aux côtés du drapeau sud-africain à Rabat, et le second (6 août) catalysé par la réaction officielle du ministère des Relations internationales et de la Coopération (DIRCO)». Après un premier emballement, l'attention retombe avant d'être réactivée par l'intervention officielle, créant ce que l'auteur qualifie d'«effet de spirale attentionnelle». Cartographie du débat et foyers de diffusion Pour rappel, Barlamane.com a dévoilé, en juin et en première diffusion exclusive le ralliement de l'ancien président sud-africain à la position de Rabat sur le Sahara. L'auteur explique que «plus qu'un tournant durable de l'agenda politique sud-africain, les réactions suscitées par la visite de Zuma apparaissent comme un test grandeur nature de la capacité d'un enjeu international à s'infiltrer et structurer, même brièvement, le débat public national». L'étude relève que, même si cette affaire reste moins volumineuse que les grandes controverses domestiques (réforme foncière, violences xénophobes), elle dépasse la moyenne habituelle des mobilisations autour des questions de politique étrangère. L'analyse des réseaux sociaux révèle un rôle central d'un petit nombre d'émetteurs : «six comptes concentrent à eux seuls une part disproportionnée de l'engagement total». Il s'agit notamment de Newzroom Afrika, SABC News, Carl Niehaus, Floyd Shivambu, Magasela Mzobe et de l'influenceur @XFactor079, tous ayant dépassé plusieurs milliers d'interactions. Une vidéo de Central News annonçant le soutien de Zuma au plan d'autonomie marocain a été citée ou partagée 268 fois, tandis qu'une séquence similaire diffusée par eNCA en a généré 204. Le clivage partisan apparaît fortement : «certaines figures politiques, comme Niehaus et Shivambu, ont utilisé des formulations accusant Zuma de trahison, amplifiant la lecture négative de l'événement». En miroir, les comptes affiliés au MK Party ont revendiqué que «tout citoyen a le droit de représenter le pays à l'étranger», transformant le soutien à Rabat en un acte de défiance à l'égard du gouvernement sud-africain. L'auteur souligne que cette politisation ponctuelle «brise le consensus silencieux qui prévalait jusque-là sur le Sahara», transférant le débat des cercles diplomatiques de l'ANC à la place publique. Positionnements partisans et recompositions idéologiques L'étude relève que la sortie de Jacob Zuma en faveur du plan d'autonomie marocain «a déclenché une série de réactions qui dépassent le simple registre de la polémique». L'ANC, qui détient désormais autour de 40 % des sièges, doit composer avec ses partenaires de coalition et n'a plus la capacité de verrouiller seule le consensus sur la politique étrangère. Le rapport indique que «le bloc hostile (ANC, EFF et Al Jamaah) conserve le plus grand nombre de sièges, mais il n'est plus en situation de verrouiller seul l'issue parlementaire». À l'inverse, le MK Party a créé un point d'inflexion. Sa percée électorale, avec 58 sièges, lui permet de «se comporter en entrepreneur d'enjeu». En soutenant la marocanité du Sahara, il a politisé un dossier autrefois cantonné aux élites, «déplaçant la fenêtre du dicible» sans encore modifier la doctrine officielle. La DA, quant à elle, demeure stable (21–22 % des voix) et joue un rôle d'«acteur pivot», capable de faire pencher l'agenda parlementaire vers un ton plus neutre, voire favorable à un dialogue avec Rabat. Sur le plan du discours, le rapport note que les soutiens de Zuma ont effectué une «traduction stratégique» : plutôt que d'affronter frontalement le lexique de la «décolonisation» employé par l'ANC et l'EFF, ils l'ont reformulé pour le relier à la lutte contre le morcellement territorial et à la mémoire de l'apartheid. «Ce n'est pas le plan d'autonomie marocain qui s'apparente aux bantoustans, mais bien les mécanismes de fragmentation territoriale portés par le séparatisme», écrit l'auteur, inversant ainsi le stigmate. Le rapport souligne que cette stratégie a pour effet d'abaisser le coût politique d'un ralliement à la position marocaine : «elle crée une passerelle discursive entre un pôle de soutien explicite et un arc de neutralités positives, rendant moins coûteuse l'agrégation ponctuelle de majorités sur des signaux non conflictuels». L'étude détaille enfin la chaîne de légitimation : les «initiateurs» (Jacob Zuma, Magasela Mzobe) ont posé le nouveau cadrage, les «validateurs» institutionnels (DIRCO, ANC) l'ont contesté en rappelant la ligne officielle, tandis que les médias et militants ont agi en «amplificateurs» en propulsant l'affaire dans l'espace public. Trois enseignements Pour M. Alaoui Belghiti, trois constats s'imposent. D'abord, «la décision ne se joue plus uniquement dans la déclaration d'Etat : elle est négociée dans un marché concurrentiel des cadrages». Ensuite, le Parlement devient l'arène principale d'arbitrage : «l'arithmétique post-2024 autorise des coalitions non hostiles capables d'avancer des instruments de travail sans toucher, dans un premier temps, au dogme». Enfin, «l'argumentaire pro-intégrité territoriale du Royaume a gagné en respectabilité publique en convertissant le référentiel historique local». L'auteur conclut que l'épisode Zuma-Maroc a moins bouleversé la diplomatie de Pretoria qu'il n'a révélé l'existence d'un nouvel espace de négociation où la question du Sahara n'est plus seulement affaire d'exécutif mais de débat parlementaire et de concurrence de discours. «L'enjeu n'est plus tant la fréquence des controverses que la capacité à inscrire durablement les solutions pragmatiques dans une grammaire domestique de coopération et d'unité», résume le Policy Paper.