Le 28 avril dernier restera gravé comme l'un des épisodes les plus critiques du système électrique espagnol. Une panne d'une ampleur inédite, qui a plongé une large partie de la péninsule ibérique dans le noir pendant près de douze heures. Pourtant, dans l'ombre de la crise, un soutien inattendu a émergé : celui du Maroc. Alors que le Royaume dépendait, à midi ce jour-là, de 778 mégawatts d'électricité importés d'Espagne, il a su renverser la situation et, à 22 heures, fournir à son voisin ibérique quelque 519 mégawatts d'électricité, selon les informations recueillies par El Independiente. Une performance saluée par les experts du secteur, dont Younes Maamar, ancien directeur général de l'Office national de l'électricité du Maroc (ONEE), qui a déclaré à El Independiente, un site espagnol dédié à l'information politique, économique et d'opinion : « Les événements en Espagne devraient nous apprendre à tous à être humbles, car le risque zéro de coupure de courant n'existe pas. » Lire aussi | Amethis. Un nouveau directeur des investissements au bureau de Casablanca Une interconnexion cruciale, fruit de trois décennies de coopération Ce soutien rapide et efficace n'est pas le fruit du hasard. Le Maroc et l'Espagne sont reliés par deux interconnexions électriques de 400 kV depuis 1998, d'une capacité combinée de 1 400 mégawatts. Une troisième ligne est prévue pour 2028. Comme le rapporte El Independiente, cette architecture commune s'inscrit dans un protocole de coopération parfaitement rodé, qui a permis de maintenir la stabilité du réseau ibérique lors de cette panne sans précédent. « Le calibrage établi dans le cadre des protocoles de collaboration a parfaitement fonctionné », affirme Maamar. Et d'ajouter : « Le soutien a consisté à injecter une charge importante sur le réseau espagnol afin d'éviter une panne totale et de maintenir l'interconnexion pendant le rétablissement progressif des systèmes espagnols. » La réactivité du Maroc a notamment reposé sur la montée en puissance rapide de ses centrales thermiques, à charbon et à gaz, ainsi que sur une mobilisation optimisée de ses capacités hydroélectriques. Lire aussi | Marketplace. Alibaba avance encore ses pions au Maroc Une solidarité énergétique à double sens La solidarité énergétique entre les deux rives du détroit de Gibraltar n'est pas nouvelle. Comme le rappelle El Independiente, le Maroc a souvent pu compter sur l'Espagne par le passé pour stabiliser son réseau. Cette fois, c'est Rabat qui a joué le rôle de garant de l'équilibre. Ce soutien a été reconnu au plus haut niveau. Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, a cité le Maroc, aux côtés de la France, parmi les contributeurs décisifs au rétablissement du système. « Je tiens à remercier ces deux pays pour leur solidarité en ce moment », a-t-il affirmé publiquement. Grâce à des dispositifs de déconnexion automatique situés à Fardioua et Tarifa, la chute de fréquence en Espagne a automatiquement isolé le réseau marocain, épargnant au Royaume une propagation de la panne. Quelques perturbations mineures d'Internet ont été relevées, mais aucune coupure massive. Lire aussi | L'Egyptien Ahmed Wadi dévoile les contours de l'implantation de sa plateforme de tontine en ligne « Daret » au Maroc L'intégration énergétique comme levier d'indépendance Cet épisode intervient dans un contexte de mutation énergétique majeure au Maroc. Le pays a récemment lancé un appel à projets pour la création de son premier terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) au port de Nador West Med. Objectif : alimenter le réseau électrique national tout en développant des infrastructures gazières interconnectées avec le gazoduc Maghreb-Europe, désormais inactif depuis la rupture de coopération avec l'Algérie. Mais Rabat voit plus loin. Comme l'indique El Independiente, le Royaume ambitionne de relier son réseau aux marchés européen et africain via une future interconnexion avec la France, ainsi qu'un mégaprojet de gazoduc avec le Nigeria via l'Afrique de l'Ouest. Autant de projets stratégiques visant à sécuriser l'approvisionnement énergétique tout en soutenant l'économie nationale. Younes Maamar, aujourd'hui associé du groupe Quattro et d'eONE Global Investments LLP, en résume la philosophie : « La meilleure façon d'assurer l'indépendance énergétique ne passe pas par l'autosuffisance, mais par la diversification, la mutualisation et l'intégration régionale. » Lire aussi | Nouveautés : voici ce que propose BAIC au Maroc Des ambitions renouvelables et nucléaires L'épisode du 28 avril rappelle aussi l'importance d'une production nationale diversifiée. Le Maroc a multiplié les investissements dans les énergies renouvelables. Entre 2011 et 2021, seulement quatre projets ont été validés. Durant le mandat gouvernemental actuel, ce chiffre a bondi à 56, selon la ministre Leila Benali. El Independiente souligne notamment la remise en service de la centrale solaire thermique Noor III à Ouarzazate, soutenue par la Banque mondiale. Cette installation fournit de l'électricité à plus d'un million de Marocains et illustre les ambitions vertes du Royaume. Enfin, Maamar évoque son « rêve » d'une coopération énergétique régionale structurée autour de projets communs, incluant potentiellement l'énergie nucléaire. Une vision à long terme qui dépasse les frontières, mais respecte la souveraineté de chaque pays.