L'Institut marocain d'intelligence stratégique (IMIS) a présenté, lundi 23 juin 2025 à Rabat, son rapport stratégique intitulé «Eau et climat : Le Maroc à la croisée des chemins ?», dont la réalisation a mobilisé une équipe pluridisciplinaire pendant plus de quatre mois. Au cours d'un dîner-débat, en présence de plusieurs personnalités de premier plan, le président de l'IMIS, Abdelmalek Alaoui, et le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, ont profondément et largement échangé autour de ce document et de la thématique de manière générale, afin de confronter les travaux des chercheurs à la vision des pouvoirs publics Rédigé et coordonné par l'avocate Ghalia Mokhtari, spécialiste des questions d'infrastructure au Maroc, sous la direction de M. Alaoui, le document s'inscrit dans une double ambition stratégique: offrir une lecture critique et prospective des défis à l'horizon 2030–2050 et formuler des recommandations concrètes à destination de l'ensemble des parties prenantes. Lire aussi | Sécheresse. Le Plan de bataille du gouvernement Il est structuré en trois volets: les causes structurelles du stress hydrique, les ressorts de la gouvernance nationale, et les enseignements internationaux, indique l'IMIS, qui souligne la participation de Ahmed Azirar, Yasmine El Khamlichi, Meryem Benhida, ainsi qu'un collège d'experts indépendants à la réalisation de cette recherche. La recherche s'attache à comprendre l'origine multidimensionnelle de la crise : baisse continue des ressources renouvelables, surexploitation chronique des nappes, effets aggravants du changement climatique, et analyse en profondeur le modèle agro-exportateur. Le deuxième volet revient sur la doctrine de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a érigé la question de l'eau au rang de priorité nationale, à travers une action structurée autour de trois piliers : l'élargissement équitable de l'accès à l'eau potable, notamment en milieu rural, le soutien à la productivité agricole par la maîtrise de l'eau et l'investissement massif dans les infrastructures hydrauliques. Lire aussi | Baitas: le stress hydrique atténué grâce à des apports en eau de près de 3 milliards m3 Le rapport pointe également les limites de l'exécution par l'exécutif, en raison d'une gouvernance morcelée, une faible activation des organes de coordination, ainsi que des défis persistants en matière de tarification, de contrôle des forages et de mobilisation de financements durables. Le troisième volet explore les innovations et les limites du modèle historique de mobilisation : envasement des barrages, retards accumulés dans les transferts interbassins, développement encore limité de la réutilisation des eaux usées, mais aussi montée en puissance du dessalement, avec l'objectif affiché de couvrir 50 % des besoins en eau potable d'ici 2030. Après un benchmark de pays ayant des points de convergence ou de contraste avec le modèle marocain (Jordanie, Espagne, et Chili), l'IMIS propose dix leviers d'action concrets pour répondre à l'ampleur des défis identifiés. D'abord, établir une base commune de connaissance en créant un système national unifié de la donnée hydrique, et mieux encadrer les usages agricoles, tout en instaurant une tarification de l'eau plus équitable. Lire aussi | Un partenariat stratégique maroco-émirati pour développer les infrastructures hydriques et énergétiques du Maroc Dans cette logique, le rapport appelle à repenser les incitations agricoles en faveur de cultures adaptées au stress hydrique, à muscler les moyens de contrôle sur le terrain à travers la télésurveillance des forages, et à contractualiser la gestion des nappes entre usagers, agences de bassin et collectivités. Parallèlement, les experts de l'IMIS plaident pour une accélération du recours au dessalement et à la réutilisation des eaux usées, financée par des partenariats public-privé et des instruments de dette verte. Lire aussi | Station de dessalement : l'ONEE renforce l'accès à l'eau potable à Sidi Ifni Le Rapport Stratégique propose aussi d'imposer l'empreinte eau comme critère préalable à tout projet d'investissement. Il insiste sur l'urgence de faire évoluer les mentalités, notamment à travers une future "Académie de l'Eau". Enfin, l'Institut recommande de créer un observatoire interdisciplinaire sur le nexus eau-énergie-agriculture-écosystèmes.