Le rejet par l'Union africaine de la reconnaissance par Israël du Somaliland a réaffirmé l'attachement de l'organisation continentale au principe de l'unité et de la souveraineté des États membres, ainsi qu'à la règle du respect des frontières héritées de la colonisation, adoptée par l'Organisation de l'unité africaine depuis les années 1960. Mais cette position reste marqué par le double standards puisque l'organisation continentale accepte un groupe séparatiste en tant que membre. Le président de la Commission de l'Union africaine a souligné que toute reconnaissance d'entités séparatistes à l'intérieur d'un État membre constitue une menace directe pour la stabilité du continent et ouvre la voie à des précédents dangereux susceptibles d'être exploités dans d'autres régions d'Afrique. Pourtant l'Union africaine adopte une position non conforme avec ces standards affichés. Elle compte parmi ses membres fondateurs, depuis la disparition de l'OUA, l'autoproclamée « république arabe sahraouie » (rasd) qui est un exemple notoire d'entité séparatiste que l'Union africaine considère comme un « pays » indépendant alors qu'il s'agit d'une milice logée en Algérie. L'Union africaine compte parmi ses membres cette entité séparatiste et terroriste, alimentant un conflit régional depuis 50 ans, alors même que les Nations Unies ne reconnait pas la rasd. Il s'agit de la seule organisation continentale qui compte parmi ses membres des entités non reconnues par l'ONU. L'Union africaine qui défend l'unité territoriale de certains Etats, et lutte pour maintenir la stabilité de pays dans un continent hautement instable politiquement et où se concentrent la plupart des zones de guerre, adopte un double standard lorsqu'il s'agit du polisario et de sa prétendue « rasd », et se positionne contre le Maroc qui est l'un des pays fondateurs de l'OUA, l'un des plus anciens Etats d'Afrique, et un pays souverain. Et alors que l'UA a une responsabilité juridique de régler les conflits régionaux à travers les mécanismes prévus par sa Charte et ses institutions, de soutenir la paix et la sécurité, de prévenir les ingérences extérieures, de condamner les coups d'État, promouvoir les solutions pacifiques, son appui au polisario s'inscrit en porte à faux de cette mission et favorise l'instabilité de la région d'Afrique du nord. Des critiques se renforcent avec la montée du refus international de la participation du polisario aux événements africains conjoints, notamment de la part de partenaires stratégiques tels que la Chine, la Russie et le Japon, qui conditionnent leur coopération au fait de traiter exclusivement avec des gouvernements reconnus par les Nations unies. Avec l'émergence de nouveaux mouvements séparatistes sur le continent, l'Union africaine se retrouve confrontée à un choix difficile : soit corriger l'héritage de décisions contradictoires, soit poursuivre une politique qui affaiblit ses principes fondateurs et limite sa capacité à jouer un rôle consensuel dans la gestion des crises africaines. En lien avec cette question, Abdelouahab El Kain, président de l'organisation Africa Watch, estime que les conflits liés au séparatisme suscitent toujours de larges débats diplomatiques dans les forums internationaux, au premier rang desquels figure l'ONU. Selon lui, le principe de l'intégrité territoriale et de l'unité des États se confond souvent avec le droit des peuples à l'autodétermination et à la décolonisation, ce qui conduit à une double lecture manifeste dans les positions de certains États et organisations régionales, dont l'Union africaine, qui adoptent fréquemment des approches instables fondées sur des intérêts géopolitiques plutôt que sur des bases juridiques solides. Dans une déclaration à Hespress, El Kain a ajouté que le renouvellement par l'Union africaine de son attachement à l'unité territoriale des États membres et son rejet de la reconnaissance israélienne du Somaliland ne sont pas cohérents avec le précédent de l'admission du polisario, qui illustre, selon lui, une application à géométrie variable des principes invoqués. Le vice-coordinateur de la Coalition des ONG sahraouies a précisé que le conflit du Sahara marocain ne relève pas des questions de décolonisation, en raison de l'existence d'une souveraineté marocaine historique, et que la défense des frontières et de l'unité nationale constitue un droit légitime garanti par le droit international et la Charte des Nations unies. Il a également affirmé qu'il n'existe aucun fondement juridique accordant au polisario un droit exclusif à représenter les Sahraouis ou à décider de leur avenir, en l'absence de volonté des populations de se séparer de leur État d'origine et face à leur préférence pour des solutions démocratiques internes garantissant une représentation complète et une autonomie de gestion conforme au droit international, lequel ne reconnaît pas un droit général à la sécession. Selon l'intervenant, l'Union africaine n'a pas traité ce conflit comme une question d'intégrité territoriale du Maroc, mais s'est laissée entraîner dans le soutien à un projet séparatiste appuyé par l'Algérie, malgré les risques de chaos et d'instabilité régionale que cela implique. Cette contradiction reflète, selon lui, une approche sélective du droit international dictée par les intérêts de certaines puissances régionales cherchant à fragmenter des États concurrents. Il a souligné que le refus de l'Union africaine de porter atteinte à l'unité de la Somalie ne diffère pas, dans son essence, de l'aspiration du Maroc à mettre fin à préserver son intégrité territoriale. Abdelouahab El Kain a conclu en soulignant que le respect des frontières héritées de l'indépendance, principe consacré par l'Organisation de l'unité africaine en 1964 et devenu une norme sur le continent, aurait également dû s'appliquer au conflit du Sahara marocain, compte tenu de la clarté des liens historiques et légitimes unissant les tribus sahraouies à l'État marocain. Toutefois, ajoute-t-il, l'Union africaine a cédé aux pressions de l'Algérie au lieu de s'en tenir strictement à ses principes fondateurs, ce qui l'a rendue partie prenante dans l'instabilité régionale et l'a éloignée de l'esprit du droit international et des objectifs de l'intégration africaine. De son côté, Mohamed Fadel Boukadda, président du Centre d'études politiques et stratégiques du mouvement « Sahraouis pour la paix », a déclaré que la multiplicité des foyers de tension en Afrique soulève des questions fondamentales sur l'efficacité du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et sa capacité à faire face aux défis majeurs, citant notamment la situation au Mali, la guerre au Soudan et la décision d'Israël de reconnaître le Somaliland comme État indépendant. Il a ajouté que ce rejet soulève une interrogation légitime : quand et où l'Union africaine considère-t-elle la souveraineté des États membres comme une ligne rouge intangible, en particulier dans la région sensible de la Corne de l'Afrique, qui revêt une importance stratégique sur les plans sécuritaire et économique pour les pays de la mer Rouge et du Moyen-Orient, dans un contexte de rivalité internationale accrue. Selon lui, quiconque suit les affaires africaines depuis les années 1980 constate aujourd'hui la difficulté de cerner la position de l'Union africaine en matière de préservation de la souveraineté des États, celle-ci oscillant entre la reconnaissance d'entités inexistantes sur le terrain issues du démembrement d'un État membre et la défense de l'unité d'un autre État au nom du même cadre juridique. Il a relevé que ces contradictions posent de sérieux problèmes quant à la référence politique et juridique des mécanismes de gouvernance de l'organisation africaine, qui nécessite, selon lui, une révision en profondeur afin de retrouver son efficacité face aux conflits et menaces croissants.