Le Caire, Rome, Bruxelles, Ankara ou « Istanbul » autant de capitales qui se sont voulues des plus médiatrices le temps d'un mercredi, celui du 8 janvier 2020, dans l'épineux dossier de la Libye. A Istanbul, la Turquie et la Russie se sont même accordées à proclamer conjointement un « cessez-le-feu » en Libye. La déclaration commune est d'autant plus surprenante que Recep Tayyip Erdogan et Valdimir Poutine se livrent à distance une guerre par procuration sur le territoire libyen, le premier étant à l'Ouest (GNA), ce que le second est à l'Est (ANL du maréchal Haftar). Ils ont même défini la date de l'arrêt des hostilités qu'ils ont décrétée pour le 12 janvier à minuit. Poutine et Erdogan, ont même défendu le principe d'une conférence internationale en janvier à Berlin, histoire de relancer sous l'égide des Nations unies un processus politique bloqué par la belligérance de deux Etats dans l'Etat. Dans le même temps, Fayez El Serraj, le chef du gouvernement libyen (GNA) reconnu par la communauté internationale était reçu par le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell et Charles Michel, le président du Conseil européen à Bruxelles. Fayez El Serraj obtenait des Européens la promesse que l'UE allait se faire un devoir d'intensifier ces efforts pour trouver une solution pacifique au dossier libyen. Ce dernier aurait réaffirmé son soutien à une solution politique et au processus de Berlin. Pendant que Fayez El-Serraj se trouvait en Belgique, Rome accueillait le maréchal Khalifa Haftar pour un entretien avec le chef du gouvernement italien (président du Conseil) Giuseppe Conte. La réunion qui avait pour sujet « les risques sécuritaires de l'option militaire pour la région toute entière » a tourné court quand Fayez El-Sarraj également invité à un entretien avec le Giuseppe Conte a annulé sa venue dès lors qu'il a su que son rival s'y trouvait. Erreur de calendrier ou d'horaire toujours est-il que l'Italie venait de commettre une bourde diplomatique qui compromettait sérieusement son rôle d'interlocuteur apte à solutionner la crise, voire de médiateur. Enfin au Caire, les ministres des Affaires étrangères d'Egypte, de France, d'Italie, de Grèce et de Chypre ont tenu une réunion de « coordination » sur les tensions dans l'est de la Méditerranée et sur la situation en Libye après la décision de la Turquie d'y envoyer des militaires. Ils ont mis en garde, cette dernière en brandissant la législation internationale sur le partage des eaux économiques en Méditerranée dont l'Egypte, Chypre et la Grèce se disent partie prenante. Les quatre pays ont, en outre, demandé à la Turquie de respecter les résolutions du Conseil de sécurité sur la Libye interdisant toute intervention militaire étrangère ou envoi d'armes. Mais Ankara n'en a cure car dans les accords entre Erdogan et El Serraj les convoitises turques sur ces eaux , riches en champs gaziers sont on ne peut plus évidentes et c'est là où il faut chercher les causes de cette frénésie diplomatique soudaine.
