La chambre criminelle de la Cour d'appel de Rabat a condamné Hicham Jerando à 15 ans de prison ferme pour incitation au terrorisme et appels publics au meurtre contre l'ex-procureur général Najim Bensami. La chambre criminelle de la Cour d'appel de Rabat, chargée des affaires de terrorisme, a rendu son verdict, hier dans la soirée, dans l'affaire Hicham Jerando, le condamnant par contumace à quinze ans de prison ferme après l'avoir reconnu coupable de « former une bande terroriste pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d'un projet collectif visant à porter gravement atteinte à l'ordre public par la peur, les menaces et l'intimidation, ainsi que l'incitation et la persuasion d'autrui à commettre des actes terroristes ». Cette affaire a débuté en mai 2023, lorsque l'ancien procureur général, Najim Bensami, a déposé deux plaintes contre Hicham Jerando. La première, devant la justice marocaine, l'accusant d'avoir incité et menacé de mort dans le cadre d'un projet terroriste, et la deuxième devant la justice canadienne pour demander réparation pour l'incitation, la menace de mort et l'exécution extrajudiciaire, suite aux enregistrements et vidéos publiés par l'accusé sur ses comptes personnels ouverts au public sur les médias sociaux et les plateformes en ligne. Plan terroriste La chambre criminelle relevant de la Cour d'appel de Rabat, chargée des affaires de terrorisme, a estimé que les déclarations de Hicham Jerando contre l'ex-procureur général Najim Bensami constituaient des éléments matériels et moraux du crime de « participation à une organisation terroriste en vue de préparer et commettre un acte terroriste », ainsi que d'incitation à commettre des actes terroristes, en particulier lorsqu'il a déclaré : « Il faut tuer Najim Bensami plusieurs fois". Dans un enregistrement entendu par le tribunal, Hicham Jerando, dans un message adressé au public, a appelé à « exécuter Najim Bensami, puis à le ressusciter, puis à l'exécuter à nouveau », dans une incitation claire à son assassinat et à la profanation de son corps. Ce qui est frappant dans ces déclarations incitatives, c'est que Jerando a fait référence aux tactiques du terrorisme individuel, une méthode employée par les groupes terroristes, notamment lorsqu'il a demandé aux « partisans de l'idéologie takfiriste » de « procéder effectivement au meurtre, et à plusieurs reprises, de l'ex-procureur Najim Bensami". En outre, Hicham Jerando ne s'est pas contenté d'inciter au terrorisme contre Najim Bensami, il a également délibérément publié les photos personnelles de ce dernier et exposé des données personnelles et professionnelles de plusieurs de ses enfants, facilitant ainsi leur identification et localisation par les organisations terroristes, ce que le tribunal a qualifié de « provocation explicite et de complot en vue de commettre un acte terroriste visant des personnes et des biens ». Menaces terroristes Il est à noter que la défense de l'ancien juge d'instruction et ex-procureur général Najim Bensami a présenté à la cour, selon des sources bien informées, des preuves faisant état de plusieurs menaces de mort reçues après les appels à la violence lancés contre lui par Hicham Jerando dans des enregistrements diffusés sur ses comptes sur les réseaux sociaux. Selon ces mêmes sources, ces menaces consistaient à "traquer Najim Bensami et à s'en prendre à sa vie privée". Certaines d'entre elles étaient même signées par des "groupes ou branches terroristes", qui prétendaient qu'il était "responsable des enquêtes sur les affaires de terrorisme et d'extrémisme". L'une des lettres de menace reçues par l'ex procureur général à son domicile au Maroc contenait des propos d'une extrême gravité, révélateurs d'une intention clairement terroriste. On pouvait notamment y lire : "il mérite d'être enterré vivant" ou encore "sa tête, ainsi que celles de tous les membres de sa famille, doivent être coupées", des propos visant explicitement Najim Bensami. Le tribunal a estimé donc qu' "un lien de causalité direct existe entre les incitations proférées par Hicham Jerando et les projets terroristes explicites lancés contre Najim Bensami', d'autant que ces menaces ont surgi dans un contexte temporel étroitement lié aux appels publics à la violence diffusés par l'accusé sur les plateformes numériques. Des sources proches du dossier précisent que la défense du plaignant avait demandé au parquet spécialisé dans les affaires de terrorisme de mettre en œuvre des mesures de protection des témoins, des lanceurs d'alerte et des victimes, notamment en matière de sécurité physique, en raison de la fréquence des menaces et des appels au meurtre adressés à l'encontre de l'ancien procureur général par des entités nourries d'idéologie terroriste. Ce jugement a suscité de nombreuses réactions parmi les observateurs suivant les évolutions de cette affaire. Certains y ont vu "un signal fort indiquant que la justice protège ses institutions et ses représentants contre toute tentative d'intimidation ou de violence", tandis que d'autres ont interprété les actes de Hicham Jerando comme une mise en œuvre concrète de ce que l'organisation Daech a qualifié ces dernières années de "djihad par la parole", une stratégie reposant sur l'intimidation, la terreur, la propagande jihadiste et sa diffusion à l'échelle mondiale. Il est convient également de noter que la deuxième plainte déposée par Najim Bensami contre Hicham Jerando est toujours en cours devant la justice canadienne. Le tribunal canadien en charge avait d'ailleurs contraint récemment l'accusé à retirer des vidéos diffamatoires dans une autre affaire, ce qui renforce la probabilité d'un jugement favorable au plaignant de la part de la justice canadienne.