Sous couvert de neutralité régionale, l'Algérie est de plus en plus perçue comme un acteur trouble au Sahel. Son inscription par l'Union européenne parmi les pays à haut risque en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme vient légitimer les soupçons croissants de ses voisins et partenaires internationaux. Une décision lourde de conséquences diplomatiques et contribuerait davantage à nuire à l'image d'Alger. L'annonce est tombée comme un couperet et doit certainement déplaire à Chengriha et compagnie. Le 10 juin dernier, la Commission européenne a inscrit l'Algérie sur sa nouvelle liste des pays à « haut risque » en matière de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Cette décision, fondée sur les rapports du Groupe d'action financière (GAFI), place le pays aux côtés de la Namibie, du Venezuela, du Liban et de l'Angola, mais surtout, elle fait basculer l'Algérie dans un espace de forte suspicion, bien au-delà des enjeux purement financiers. Selon Bruxelles, cette liste regroupe les Etats présentant des « carences stratégiques » dans leurs dispositifs nationaux et constituant des « menaces importantes pour le système financier de l'UE». Les observateurs y voient un désaveu cinglant de la diplomatie algérienne et une mise en cause directe de ses liens supposés avec des réseaux de financement opaque, et son soutien actif ou tacite à des groupes séparatistes et terroristes dans la région sahélo-saharienne. Depuis des années, Alger cultive son image de médiateur neutre dans les crises régionales, notamment au Mali, en Libye ou au Niger. Or, selon de nombreux rapports sécuritaires, cette façade de neutralité cacherait un engagement souterrain dans des dynamiques déstabilisatrices, à commencer par le soutien présumé au Front polisario. Cette milice séparatiste est aujourd'hui régulièrement désigné comme une plateforme logistique pour la circulation d'armes et de fonds au profit de groupes terroristes transfrontaliers. La mise à l'index par l'UE vient donc donner un écho international aux inquiétudes exprimées depuis longtemps par de nombreux pays, qui dénoncent les « politiques doubles » d'Alger. Ce classement est devenue ainsi une sorte de reconnaissance officielle de la montée des soupçons autour de réseaux complexes dans le système algérien. Les conséquences de cette décision sont multiples. Sur le plan financier, les opérations impliquant des entités algériennes seront désormais soumises à une vigilance accrue dans toute l'Union européenne, ce qui risque de décourager investissements et partenariats. Sur le plan diplomatique, l'Algérie voit son image de partenaire crédible fragilisée, au moment où les équilibres régionaux sont plus instables que jamais. De plus, cette décision affaiblit sérieusement la capacité d'Alger à négocier sur les grands dossiers géopolitiques du Maghreb et du Sahel et représente une opportunité pour l'UE de repenser ses alliances régionales sur la base de critères de transparence et de responsabilité partagée. Il est à préciser que cette inscription sur la liste noire n'est pas une surprise isolée, mais le résultat d'une accumulation de signaux d'alerte, entre rapports de l'ONU, observations des services de renseignement européens et avertissements répétés des chancelleries africaines, entre autres.