Une étude analytique réalisée par l'Observatoire national de la criminalité met en lumière une tendance inquiétante : 1.044 personnes ont été interpellées au Maroc entre 2022 et 2024 dans des affaires liées à la promotion et à la consommation du stupéfiant « L'Poufa ». Sur ce total, 792 arrestations ont eu lieu en milieu urbain et 252 en milieu rural, à l'issue du traitement de 878 affaires ayant permis la saisie de plus de 18 kilogrammes de cette substance. Les données, fournies par les services de sécurité du Royaume, indiquent également que l'usage de ce « stupéfiant à bas prix » a causé trois décès, dont celui d'une femme. Le profil type des personnes arrêtées est celui d'hommes célibataires, sans emploi, âgés de 18 à 55 ans, disposant au minimum d'un niveau d'enseignement de base. Selon l'Observatoire, l'évolution du nombre d'interpellations traduit une propagation massive du "L'Poufa" au sein de différentes couches sociales. Le phénomène est passé de 92 arrestations en 2022 à 482 en 2023, puis 470 en 2024. L'institution note que la forte concentration des arrestations en milieu urbain reflète l'ancrage de cette drogue dans le quotidien de certains espaces urbains fragilisés sur les plans social et infrastructurel. Une présence masculine écrasante Même si les interpellations liées au « L'Poufa » demeurent marginales par rapport à d'autres drogues, leur progression entre 2022 et 2024 reste préoccupante. Le taux est en effet passé de 0,07 % en 2022 à 0,26 % en 2024. Une évolution qui, selon l'Observatoire, démontre que « ce stupéfiant n'est pas un simple phénomène local, mais bien une fenêtre sur les menaces sécuritaires de demain dans un monde en constante mutation ». Les chiffres révèlent également une domination masculine très marquée : en 2023, 343 hommes ont été interpellés contre seulement 55 femmes, tandis qu'en 2024, 293 hommes ont été arrêtés pour 19 femmes. « Cet écart souligne la nature des profils impliqués dans ce circuit criminel, tout en reflétant les rôles sociaux et spatiaux différenciés entre les sexes dans les contextes de consommation ou d'implication dans les délits liés à L'Poufa », précise l'étude. L'Observatoire met aussi en garde contre l'impact direct de cette drogue dans le passage à l'acte criminel. Les procès-verbaux relatifs à des crimes violents commis sous son influence sont passés de 4 cas en 2022 à 37 en 2023, un bond qui révèle « la dangerosité de ce stupéfiant, susceptible d'entraîner des comportements agressifs et incontrôlés ». Casablanca en tête du classement Sur le plan territorial, la région Casablanca–Settat se retrouve en première ligne avec 712 procès-verbaux établis et 860 personnes interpellées. Elle est suivie par Rabat–Salé–Kénitra (85 procès-verbaux, 107 interpellations), puis Béni Mellal–Khénifra (27 interpellations) et Marrakech–Safi (24 interpellations). En revanche, le phénomène reste inexistant dans les provinces du Sud et dans la région de Drâa–Tafilalet. L'Observatoire rappelle que la stratégie des forces de sécurité marocaines pour lutter contre les drogues, dont le « L'Poufa », repose sur quatre axes : réduire l'offre en limitant la disponibilité de ces substances, qu'elles soient produites localement ou introduites par contrebande, mais aussi freiner leur promotion, sensibiliser et prévenir. Toutefois, l'étude met en avant quatre grands types de défis. Les défis législatifs et réglementaires. Il s'agit des textes en vigueur ne sont pas adaptés aux spécificités des drogues de synthèse. L'Observatoire appelle à la révision du Dahir du 21 mai 1974, ainsi qu'à une meilleure régulation des produits chimiques de base utilisés dans la fabrication locale. Les défis institutionnels qui concernent le manque de coordination entre les secteurs concernés et le flou entourant les prérogatives de la Commission nationale des stupéfiants, réduisant l'efficacité d'une réponse commune. Les défis techniques et scientifiques à savoir la détection en laboratoire des compositions changeantes du « L'Poufa » reste complexe, ce qui nécessite de renforcer les capacités d'alerte précoce et d'adapter les protocoles de traitement existants. Et enfin les défis sociaux et culturels qui concerne la stigmatisation sociale des consommateurs et la faible sensibilisation de l'opinion publique aux dangers de ces nouvelles substances constituent également des obstacles majeurs. Enfin, l'Observatoire recommande de moderniser le cadre législatif, de développer les capacités juridiques et les systèmes d'alerte, mais aussi de renforcer la prévention et la sensibilisation. Il appelle en outre à la création de centres régionaux spécialisés dans le traitement, à la mise en œuvre de programmes de peines alternatives et à l'insertion socio-professionnelle des personnes en voie de réhabilitation. Enfin, il insiste sur la nécessité d'un renforcement de la coopération régionale et internationale pour contenir la propagation de ce fléau.