Le tribunal commercial de Casablanca a condamné, dans un jugement rendu début novembre, une banque à verser une indemnité de 5.000 dirhams à l'un de ses clients, en réparation du préjudice qu'il a subi après que le guichet automatique a avalé sa carte bancaire et qu'il n'a pas pu la récupérer, son agence étant fermée en raison de travaux. Le jugement, qui met également les dépens à la charge de la banque défenderesse, estime que « la simple rétention d'une carte bancaire par un guichet automatique ne constitue pas en soi une faute bancaire, cet incident pouvant résulter de raisons techniques ou sécuritaires liées au système de protection électronique adopté par les établissements bancaires ». Toutefois, précise la juridiction, « la responsabilité de la banque est engagée dès lors qu'il est établi qu'elle a manqué à son devoir de diligence et d'organisation ». Le tribunal ajoute : « Cela est d'autant plus vrai lorsque le guichet automatique demeure en service alors qu'aucun personnel n'est présent pour intervenir, traiter les dysfonctionnements et restituer les cartes dans un délai raisonnable ou durant les heures officielles de travail ». Une situation qui, selon elle, constitue « un manquement manifeste dans la gestion du service bancaire ». Les éléments retenus par le tribunal s'appuient notamment sur deux procès-verbaux d'un huissier de justice, datés des 21 et 25 juin 2024, établissant que « le guichet automatique dépendant de l'agence de la banque défenderesse (...) a avalé la carte bancaire du demandeur lors d'une opération de retrait, tandis que ladite agence était fermée pour travaux, avec un avis affiché informant du transfert des services vers une autre agence située dans une rue différente ». Il ressort également du dossier que « la restitution de la carte n'a été possible qu'au bout de quatre jours, auprès de l'agence de substitution. Par ailleurs, selon un procès-verbal établi le 8 avril 2025 par l'huissier de justice (...), le guichet automatique attenant à l'agence fermée continuait de fonctionner et demeurait accessible malgré la fermeture totale de l'établissement, et qu'il était impossible, lors de son utilisation, de distinguer l'affiche placée à l'entrée de l'agence ». La banque défenderesse a tenté de faire valoir « l'absence de toute faute bancaire, au motif que l'agence avait été fermée pour travaux et que les clients en avaient été informés ». Mais le tribunal rejette cet argument, affirmant que « cet élément ne l'exonère pas de sa responsabilité, car l'obligation de la banque ne s'arrête pas à l'information : elle s'étend à la garantie du bon fonctionnement de ses services en toutes circonstances ». Dans ce sens, poursuit-elle, la banque devait « soit désactiver le guichet automatique pendant toute la période de fermeture, soit assurer une permanence technique ou humaine pour traiter les urgences résultant de son utilisation ». Concernant l'argument selon lequel « le demandeur n'a subi aucun préjudice puisqu'il a récupéré sa carte peu de temps après », le tribunal le juge « infondé », au motif que « le préjudice, en l'espèce, ne se mesure pas uniquement à la durée du retard, mais à la nature de ses conséquences ». La juridiction rappelle à ce titre que « l'article 98 du Code des obligations et contrats stipule que le dommage, dans les délits et quasi-délits, correspond à la perte effectivement subie par le demandeur, aux dépenses nécessaires qu'il a dû ou devra engager pour réparer les conséquences de l'acte préjudiciable, ainsi qu'au gain dont il a été privé dans la limite des résultats ordinaires de cet acte ». Le tribunal de première instance commerciale de Casablanca souligne également que « la carte bancaire, en tant que moyen de paiement personnel, constitue un droit permettant au client de disposer de ses fonds et d'effectuer ses transactions à tout moment ». Priver le client de son usage « pendant une période déterminée représente en soi une atteinte à un droit légitime et un préjudice réel, sans qu'il soit nécessaire d'établir une perte financière directe ». Le tribunal conclut que « ce préjudice, lié à la privation temporaire de l'usage d'un moyen de paiement bancaire, entre dans le champ du dommage indemnisable au sens des articles 78 et 98 du Code des obligations et contrats ». Elle précise qu'il « se traduit par une perte effective du droit d'usage de la carte et par l'anxiété et les perturbations engendrées dans la gestion quotidienne des opérations du client ; un dommage certain et direct qu'il convient de réparer ».