Un audit international commandé par Gotion met en avant certains points d'amélioration dans la gouvernance sociale, environnementale et communautaire du futur complexe de batteries de Kénitra, l'un des projets industriels les plus stratégiques pour le Royaume. Le rapport final identifie des dispositifs à consolider dans le suivi des conditions de travail, l'évaluation des impacts sociaux, la consultation des populations locales et la prise en compte de certains enjeux écologiques. Tout en appelant à renforcer plusieurs mécanismes, l'étude souligne que le bilan environnemental du projet reste globalement positif, grâce aux mesures prévues pour maîtriser les impacts et assurer un suivi rigoureux. Le mégaprojet de batteries électriques porté par Gotion avance : plus de 10 % du chantier est déjà exécuté, les fondations de l'unité Pack sont en place et les structures de la Cell Plant déjà visibles. Derrière cette progression encourageante et l'importance stratégique de l'investissement ( plus de 6 milliards de dollars à terme ) l'audit réalisé par le cabinet international ERM propose une série de recommandations destinées à renforcer la gouvernance sociale et environnementale du projet. Il met notamment en avant la nécessité d'un contrôle plus systématique des sous-traitants, d'une étude d'impact social plus complète et d'un dialogue communautaire mieux structuré. Des ajustements jugés réalisables et compatibles avec la montée en puissance du chantier. Ces observations, formulées dans un document de référence rarement public, posent une question centrale : comment accompagner au mieux l'accélération d'un projet stratégique tout en garantissant le respect des standards internationaux auxquels le Maroc adhère dans ses zones d'accélération industrielle ? Conditions de travail : renforcer la supervision des sous-traitants L'audit relève plusieurs points nécessitant un suivi renforcé dans la gestion sociale du chantier, en particulier dans la supervision de certains sous-traitants et de la main-d'œuvre étrangère mobilisée. Les experts notent que quelques travailleurs venus de Chine n'avaient pas, au moment de l'audit, une situation administrative pleinement conforme aux règles marocaines en matière d'immigration et d'autorisation d'emploi. Une situation décrite comme ponctuelle, mais qui souligne la nécessité d'un contrôle plus centralisé pour un projet amené à employer plusieurs milliers de personnes. Les auditeurs mentionnent également des améliorations possibles dans la documentation relative à la santé et à la sécurité au travail : registres hétérogènes selon les entreprises, procédures de gestion des risques parfois incomplètes ou mises en œuvre de manière inégale entre les différentes zones du chantier. Aucun incident majeur n'a été rapporté, mais les standards internationaux recommandent un système harmonisé afin d'assurer une prévention optimale. Le rapport note aussi l'importance d'accélérer la montée en compétence de la main-d'œuvre locale. Si les équipes chinoises dominent encore les premières phases de construction, l'audit encourage un transfert progressif des compétences vers les techniciens et ouvriers marocains, afin d'ancrer durablement les bénéfices sociaux du projet dans le territoire. Impact social : une évaluation à compléter pour anticiper les effets sur le territoire L'un des principaux axes d'amélioration identifiés concerne l'analyse des impacts sociaux. L'étude préalable (ESIA) s'était concentrée principalement sur les aspects environnementaux, laissant certaines dimensions sociales moins détaillées. L'audit recommande ainsi de compléter l'évaluation des impacts potentiels sur la mobilité, la circulation, la pression sur les infrastructures publiques, ou encore l'évolution des activités économiques locales — des facteurs déterminants pour un projet de cette envergure. Les experts soulignent également l'importance d'une meilleure identification des groupes potentiellement vulnérables dans les villages environnants. Si les premières consultations ont permis de comprendre les attentes générales des communautés, une cartographie plus fine des profils sociaux est jugée utile pour orienter les futures actions de soutien, notamment dans l'emploi, la formation ou la sécurité routière. Les auditeurs préconisent donc la réalisation d'un SIA complet, assorti d'une méthodologie participative. Ce travail doit permettre d'anticiper plus efficacement les dynamiques locales et d'éviter des déséquilibres ou tensions qui peuvent apparaître autour de grands projets industriels. Selon eux, ces compléments sont compatibles avec la poursuite des travaux et renforceront l'intégration du projet dans son environnement social. Consultation des communautés : structurer un dialogue plus régulier L'audit note que les consultations menées jusqu'à présent se sont concentrées sur les institutions publiques, les autorités locales et les partenaires administratifs, avec une implication plus limitée des habitants des douars proches du site. Pour un projet de cette taille, les standards internationaux encouragent un dialogue plus continu avec les communautés, afin de partager les informations essentielles et répondre aux préoccupations exprimées. Les villages de Chnanfa Lahmor, Labyod, El Moudzine ou Sidi Bekker figurent parmi les zones les plus proches du périmètre. Les habitants rencontrés lors des focus groups ont exprimé des attentes fortes en matière d'emploi, d'accessibilité routière, de retombées économiques, ainsi que certaines interrogations concernant le bruit, la circulation ou la gestion de l'eau. L'audit recommande donc la mise en place d'un plan d'engagement communautaire structuré : réunions régulières, mécanisme de plaintes accessible, communication en arabe — voire en amazighe — et diffusion d'informations sur les phases du chantier. Il ne s'agit pas de répondre à des tensions existantes, mais d'anticiper les perceptions et de renforcer la confiance autour d'un projet qui doit s'inscrire durablement dans le territoire. Environnement : un bilan globalement positif, à condition de maintenir un suivi rigoureux Le volet environnemental est celui où l'audit formule à la fois des réserves techniques et une conclusion globalement favorable. Les experts observent que le site a connu une déforestation préalable importante ( près de 20.000 eucalyptus ) avant les premières études d'impact. Ils notent également que la baseline écologique initiale mériterait d'être complétée pour mieux définir l'état des habitats et optimiser les mesures de compensation. La proximité de la forêt de Maâmora, vaste écosystème méditerranéen, appelle également à une vigilance particulière. Les équipes d'ERM ont recensé plusieurs espèces communes dans la zone et recommandent un suivi continu pour documenter l'évolution de la faune et de la flore autour du chantier. La question de la ressource en eau, soumise à une forte pression dans le bassin du Sebou, figure également parmi les préoccupations exprimées par les riverains. Les besoins futurs de la gigafactory devront être encadrés avec précision, notamment pour éviter tout impact sur l'approvisionnement local. Malgré ces points, l'audit conclut que le bilan environnemental du projet demeure globalement positif, grâce aux mesures d'atténuation prévues, au plan de suivi mis en place et aux engagements annoncés par Gotion pour assurer une gestion responsable des déchets, des émissions et des ressources. Un "Plan de mesures correctives" validé L'audit insiste enfin sur la dimension stratégique du projet Gotion pour le Maroc. La gigafactory de Kénitra est appelée à devenir un maillon essentiel de la chaîne africaine et mondiale des batteries électriques, avec des retombées majeures sur l'emploi, le transfert de compétences et l'attractivité industrielle. C'est dans cette optique que Gotion a validé un Corrective Action Plan (CAP) couvrant l'ensemble des recommandations formulées par l'audit : régularisation administrative, renforcement du contrôle HSE, mise à jour des études environnementales, élaboration d'un SIA complet, structuration du dialogue communautaire, supervision approfondie des sous-traitants. Des budgets dédiés ont été provisionnés pour accompagner la mise en œuvre. À mesure que le chantier accélère, l'enjeu sera d'assurer un suivi rigoureux de ces engagements, afin que la gigafactory confirme son rôle de vitrine industrielle et technologique du Maroc. La réussite du projet reposera autant sur la performance industrielle que sur la capacité collective à garantir une gouvernance exemplaire, en phase avec les ambitions du Royaume dans l'électromobilité.