La vague d'enthousiasme qui a accompagné les récentes souscriptions de Cash Plus et de la SGTM à la Bourse de Casablanca met en lumière un contraste saisissant entre l'engouement populaire et la réalité des gains. Si ces opérations témoignent d'un intérêt croissant pour le marché boursier, elles soulèvent aussi des interrogations sur l'équité du système, la pertinence des valorisations et la place réelle accordée aux petits investisseurs dans une dynamique souvent dominée par les grands acteurs. Après la ruée sans précédent sur les nouvelles souscriptions d'actions de Cash Plus et de la Société Générale des Travaux du Maroc (SGTM) à la Bourse de Casablanca, les véritables gagnants de ces opérations commencent à se révéler, loin de l'image idyllique présentée aux petits investisseurs. Malgré des taux de souscription records, les milliers de petits souscripteurs individuels se sont finalement vu attribuer des parts dérisoires, transformant la participation aux nouvelles introductions en bourse en un pari à court terme aux rendements limités. À l'inverse, les banques et les sociétés boursières ont obtenu des commissions importantes sur des volumes de souscription colossaux, tandis que les actionnaires historiques des deux sociétés susmentionnées ont bénéficié d'une sortie de trésorerie confortable à des évaluations jugées généreuses. Certaines plateformes médiatiques et certains influenceurs ont également tiré des profits indirects de la vague d'enthousiasme collectif pour la souscription. Cette situation a relancé le débat sur la question de savoir si ces souscriptions favorisent une culture d'investissement à long terme ou poussent les petits épargnants vers une logique s'apparentant plutôt à un pari, car le risque est réel et le rendement souvent symbolique. Pour les analystes, cette hausse de la demande pour les nouvelles actions ne s'est pas limitée aux gros investisseurs, mais a aussi touché les petits investisseurs, ce qui montre un intérêt croissant pour la Bourse de Casablanca. tandis que la « fièvre » des souscriptions a soulevé des questions quant à la pertinence des prix et du niveau des évaluations, en particulier parmi les investisseurs qui ont participé aux souscriptions. « Nature spéculative » Le vif intérêt suscité récemment par l'introduction en bourse des sociétés « CASH PLUS » et « SGTM » d'une tendance croissante des investisseurs marocains à se tourner vers le marché primaire pour réaliser des gains rapides. La forte demande enregistrée dès les premières heures de cotation de ces titres a mis en évidence le caractère spéculatif de ces titres, souvent alimenté par les campagnes médiatiques et les prévisions de rendements élevés. À cet égard, le conseiller financier et analyste indépendant des marchés financiers Nabil Al Khabat explique que « ces introductions en bourse présentent deux facettes : d'une part, elles offrent une réelle opportunité aux investisseurs chevronnés de diversifier leurs portefeuilles, mais d'autre part, elles peuvent encourager un comportement spéculatif collectif où la réflexion à court terme prime sur l'analyse », faisant remarquer qu'il est nécessaire de faire la distinction entre les investisseurs stratégiques et les spéculateurs ordinaires. Dans une déclaration à Hespress, M. El Khabat souligne que « la première catégorie bénéficie généralement de rendements stables à long terme, tandis que la seconde est soumise à d'importantes fluctuations, souvent déterminées par la psychologie collective du marché. Une étude récente des tendances montre que les investisseurs institutionnels, en particulier dans le cas de la SGTM, représentent une part importante des souscriptions, ce qui contribue en partie à la stabilité du marché ». Pour autant, ajoute l'analyste financier, « l'enthousiasme général peut parfois masquer les risques réels, tels que l'augmentation de la volatilité et les fluctuations de cours sans rapport avec les fondamentaux de l'entreprise », soulignant la nécessité pour les investisseurs de s'appuyer sur des indicateurs d'évaluation solides, et pas seulement sur l'effet de nouveauté et la couverture médiatique des introductions en bourse. Et de préciser que « cette dynamique sur le marché primaire rappelle que la Bourse de Casablanca est en phase de maturation, oscillant entre opportunités pour les investisseurs avertis et risques pour les moins avisés, ce qui souligne l'importance d'une éducation financière continue et d'un conseil professionnel avant toute décision d'investissement ». Réformer la souscription Les récentes souscriptions à la Bourse de Casablanca ont suscité un vif intérêt de la part des investisseurs marocains, mais les résultats ont révélé un écart flagrant entre les attentes affichées et la réalité sur le terrain. Cash Plus a en effet enregistré un taux de souscription élevé, atteignant 64 fois, mais la plupart des petits investisseurs n'ont pu se procurer que 17 à 27 actions seulement. Le paradoxe le plus frappant, selon Jaouad Zniber, expert en ingénierie financière et analyse des marchés, se révèle au moment du calcul du rendement : « en achetant 20 actions à 200 dirhams, l'investisseur réalise un gain de 25 %, soit 1 000 dirhams au total. après déduction des frais et des taxes, le bénéfice net ne dépasse pas 800 dirhams, ce qui représente un gain symbolique qui ne reflète ni l'ampleur des risques ni la durée du gel des fonds, transformant la souscription en une sorte de « loterie à faible coût » plutôt qu'en un véritable investissement ». Dans une déclaration à Hespress, Zniber précise que « les bénéfices réels reviennent souvent aux banques et aux sociétés d'intermédiation qui perçoivent des commissions fixes sur des milliards de dirhams, ainsi qu'aux actionnaires historiques qui encaissent des liquidités grâce à des évaluations généreuses, sans oublier les influenceurs et les médias qui profitent de la vague d'enthousiasme pour atteindre des taux d'audience élevés. Quant aux rendements à long terme, même avec 20 actions de la SGTM et un versement de 30 dirhams de dividendes annuels, le rendement ne dépasse pas 600 dirhams, soit un montant symbolique insuffisant pour se constituer une véritable manne financière ». L'analyste financier estime que les souscriptions actuelles constituent pour la plupart un pari plus qu'un investissement stratégique, car le système d'attribution actuel marginalise les petits investisseurs et garantit une grande liquidité aux banques et aux anciens actionnaires, tandis que le rendement financier réel pour le grand public reste très limité. Selon lui, « la réforme du système de souscription est une nécessité urgente pour garantir l'équité de la distribution et stimuler une culture d'investissement à long terme, tout en évitant de créer des vagues spéculatives temporaires qui se transforment en déception pour les petits investisseurs ».