La retraite est une étape clé dans la vie professionnelle de chaque individu. Elle marque le « repos du guerrier », qui passe du statut d'actif à celui de retraité, laissant la place aux générations futures pour prendre le relais. En plus d'être quelque part « mal vécue », les Marocains ont du mal à épargner pour les beaux jours. Selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat au Plan (HCP), concernant la capacité des Marocains à épargner, il s'est avéré que 81,5 % des sondés sont peu confiants quant à leur possibilité de garder de l'argent de côté pour l'année 2019. Cette situation s'explique par une hausse du coût de la vie, notamment des produits alimentaires qui devraient afficher une tendance haussière sur les 12 mois à venir. L'institut CDG a organisé une conférence-débat afin de mettre la lumière sur le profil des retraités marocains, la place de l'épargne chez les ménages nationaux, mais aussi des motivations des nouvelles générations vis-à-vis de ce composant socio-économique. Le débat a été animé par Abderrahim Oulidi, directeur de l'Ecole d'Actuariat de Rabat (UIR) et coordonnateur scientifique de la Chaire Retraite & Prévoyance, Pierre Devolder, Professeur à l'institut de statistique, biostatistique et sciences actuarielles (ISBA) de l'Université Catholique de Louvain (UCL), et Hélène Xuan, économiste, fondatrice de Mootando, cabinet de conseil en recherche stratégique, déléguée générale, assurance et protection sociale. Pierre Devolder a indiqué qu'il est important de passer d'un système de retraite basé sur la répartition à un autre plus « efficace » basé sur les points. Le premier système cité, adopté actuellement au Maroc, présente certaines lacunes, dans la mesure où les cotisations de la population active financent les pensions des retraités. La retraite par répartition est donc basée sur un modèle de « solidarité intergénérationnelle », dans la mesure où chaque génération active paie les pensions de ses prédécesseurs. Celui-ci est donc « pénalisant » pour la population active, puisque l'on se retrouve quelque part avec un effet boule de neige sur le long terme. Devolder a donc expliqué qu'il est mieux de basculer vers un modèle de retraite par points, puisque celui-ci permet d'établir un climat de soutenabilité financière et une adéquation sociale conciliables, mais aussi la possibilité de partager les risques entre prestations et cotisations. De plus, ce système propose une approche simplifiée du traitement de la retraite, ainsi que d'une certaine neutralité actuarielle et une flexibilité de l'âge de départ. Toutefois, ce système a bien lui aussi des inconvénients, dans la mesure où le concept de points veut dire que l'on se retrouve face à une monnaie artificielle, à laquelle on ne peut pas accéder à tout moment, comme pour le système par répartition. De plus, celui-ci peut être sujet à un risque de manipulation politique de la valeur des points, ainsi que d'une certaine incertitude concernant le taux de remplacement. La retraite marocaine a tout à gagner dans sa réforme La structure socio-économique du royaume a bien changé sur les dernières années. Le nombre d'années d'études a progressé, l'accès à l'emploi se fait tard, ce qui impacte directement l'âge durant lequel on commence à épargner, mais surtout, l'âge de la retraite a progressé aussi. Aujourd'hui, on reste actif jusqu'à 63 ans, contre 60 ans auparavant. Selon Hélène Xuan, le cas du Maroc est intéressant dans la mesure où la cohabitation intergénérationnelle dans les ménages ne peut qu'avoir un effet positif sur la réduction du taux de pauvreté des familles, dans la mesure où cette situation contribuerait à la réduction de la participation des enfants de moins de 15 ans au marché du travail. Par ailleurs, la mise en place d'une pension de retraite devrait avoir, à son tour, un impact positif sur le taux de pauvreté et le niveau de vie général, dans la mesure où elle contribuerait à l'éradication de la pauvreté chez les personnes âgées de 60 ans et plus, non couvertes, à hauteur de 0,34 et 0,6 point de pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB). Xuan a toutefois indiqué que le coût de la non-couverture retraite au Maroc ne devrait pas coûter cher au royaume sur le long terme, puisque le niveau des dépenses annuelles de consommation des ménages augmenterait significativement de 5000 dirhams, soit 6 % du budget annuel moyen des ménages. En effet, le coût estimé de ce manque à gagner lié à la non-couverture retraite d'une partie de la population devrait s'établir à 0,6 % du PIB national. Dans ce sens, elle a présenté plusieurs stratégies d'actions, qui devraient aider le Maroc à faire face à cette situation, notamment rendre les gains de retraite plus transparent, valoriser la protection sociale autour du lien familial, incorporer les travailleurs informels dans ce processus, procéder à une optimisation de la collecte et rendre les cotisations attractives. Pour ce qui est de la question de la « mauvaise » gestion de la retraite par la nouvelle génération, Abderrahim Oulidi a expliqué à Hespress FR que celle-ci est plus dans une logique de « réalisation de soi », puisqu'elle cherche à combler ses besoins rapidement au lieu de penser à son avenir.