Lundi 1er et mardi 2 juillet 2025, l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) de Rabat vibrait au rythme d'une urgence planétaire : l'intelligence artificielle. Plus qu'un simple rassemblement d'experts et de passionnés, les Assises nationales de l'IA ont été le théâtre d'un dialogue géopolitique intense, où le Maroc, par la voix d'Omar Hilale, son ambassadeur permanent à l'ONU, a tiré la sonnette d'alarme. Dans un discours ferme et lucide, il a dépeint une course à l'IA où s'affrontent puissances et intérêts divergents, risquant de laisser l'Afrique en marge d'une révolution technologique capitale. Dès son intervention, Omar Hilale a coupé court aux discours convenus. Face à un auditoire venu de tout le continent, il a exposé une réalité brutale : en 2025, les investissements mondiaux en IA atteignent le chiffre vertigineux d'un trillion de dollars. Mais la répartition de cette manne est abyssale : les Etats-Unis dépensent 500 milliards, l'Union européenne 200, la Chine 138, tandis que l'Afrique lutte pour décrocher moins d'1% de ces fonds. « Cette asymétrie menace de creuser un fossé technologique et économique, pire encore que les fractures que nous avons connues par le passé », a averti Hilale, faisant écho à une forme de néocolonialisme numérique qui se dessine sous nos yeux. L'Afrique, alors que le monde accélère, risque de devenir le continent laissé pour compte d'une révolution dont elle pourrait être actrice majeure. Gouvernance fracturée, enjeux globaux Au-delà des chiffres, le diplomate marocain a souligné un problème encore plus préoccupant : la gouvernance mondiale de l'IA est un véritable patchwork chaotique. Une dizaine d'initiatives réglementaires coexistent, souvent contradictoires, à l'image des principes de l'OCDE, du règlement européen strict, ou du cadre chinois mêlant innovation privée et contrôle étatique. Washington mise sur la déréglementation pour favoriser l'innovation des géants technologiques, tandis que Bruxelles impose des règles strictes sur les IA dites « à haut risque ». Pékin, quant à lui, manœuvre habilement entre ces deux extrêmes, tout en renforçant son influence dans les pays du Sud, Afrique incluse. Face à ce désordre, Omar Hilale a défendu l'ONU comme seule instance capable de proposer une gouvernance équilibrée et inclusive, fondée sur la transparence, l'équité et la souveraineté numérique. Il a rappelé la création par l'ONU d'un panel de 40 experts scientifiques et la tenue d'un dialogue mondial annuel à partir de 2026, des étapes cruciales vers un cadre normatif universel. Le Maroc, un leader africain engagé Le Royaume chérifien ne se contente pas d'être un simple spectateur. Sous l'impulsion de Mohammed VI, il a pris une place de leader continental. Co-auteur de la première résolution de l'ONU sur l'IA, co-président du Groupe des Amis de l'IA, le Maroc affiche ses ambitions avec clarté. Sur le plan national, l'investissement est à la hauteur : un fonds souverain de 11 milliards de dirhams pour stimuler la recherche, la formation annuelle de 10 000 ingénieurs spécialisés, soit un cinquième des talents africains du secteur. Et sur le plan diplomatique, le pays vise l'organisation du Sommet mondial de l'IA en 2027, une première historique pour l'Afrique. Un appel à l'unité africaine L'intervention d'Omar Hilale s'est conclue sur un appel vibrant à la solidarité africaine et à la confiance en ses capacités : « L'Afrique doit croire en sa capacité à prendre son destin en main », citant le Souverain. Dans un monde numérique en pleine recomposition, ce message résonne comme une invitation à transformer l'intelligence artificielle en levier d'émancipation et non en outil de domination. Le pari marocain est lancé, audacieux et porteur d'espoir pour tout un continent.