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Journée d'un chômeur qui ne chôme pas
Publié dans Jeunes du Maroc le 08 - 05 - 2008

La journée commence en fanfare, comme d'habitude. Mon père… ou est-ce ma mère… je ne sais plus… enfin, bref, l'un des deux vient me réveiller en criant qu'il est déjà midi passé, que les gens ont travaillé et fini alors que je dors encore, que je devrais sortir et trouver du travail au lieu de manger et dormir comme un âne… et d'autres gentilles paroles qui font que je maudisse le chômage, l'Etat, moi-même, et parfois même – et Dieu me pardonne – mes parents. Bref, après ce doux réveil, et après avoir fait ma toilette, pris mon – petit déjeuner ou déjeuner, ce que vous voudrez - , et piqué quelques dirhams à ma pauvre mère, tout en évitant de croiser mon père, je sors, où plutôt je m'enfuies de la maison, et je m'en vais flâner dans les rues, rencontrer quelques chômeurs pour nous apitoyer sur notre sort, maudire ceux que j'ai oublié lors de mon réveil, et bien sûr griller quelques cigarettes à la santé de notre cher pays, le plus beau du monde. C'était mon plan en sortant de la maison, passer le temps par n'importe quel moyen, et attendre la tombée de la nuit pour rentrer au bercail. N'allez pas penser que je déteste la maison familiale, c'est juste que je l'aime plus quand tout le monde dort, mes parents surtout.
Donc, comme je disais, je sors de la maison, et je me mets à flâner. Tout en marchant, je libère mes sens, et je laisse mon corps à ses habitudes. Mon nez se met à respirer sa ration quotidienne d'air pollué ; mes oreilles savourent le son mélodieux de quelques véhicules qui feraient le bonheur des musées d'automobiles. Je marchais donc dans ces chères rues où il n'y a pas trace d'un arbre, d'un brin d'herbe, quand un homme m'aborda ; je croyais qu'il voulait demander son chemin, alors je m'arrêtai pour voir si je pouvais l'aider. Il me salua, et alors commença un long récit, digne des plus grands dramaturges, où il était question de la mauvaise fortune de cet homme, de l'alliance de toutes les forces de l'univers contre son bonheur, et d'autres belles choses qui étaient faites pour émouvoir les cœurs sensibles, mais pas celui d'un chômeur. C'était plutôt le genre de récit fait pour me mettre hors de moi. Je me moque de ses malheurs, je me moque qu'il soit malade, qu'il ait des enfants à nourrir, qu'il ait une mère à soigner. C'était comme si on me l'envoyait exprès pour me rappeler que j'étais “ fauché ”. je ne pouvais aider personne, et les quelques dirhams que j'avais, j'en avais besoin pour ma dose de nicotine, cela bien sûr, en supposant que toutes ses sornettes étaient vraies. Mais le comble, c'est qu'il était mieux vêtu que moi, les cheveux peignés soigneusement, luisant de propreté ; de nous deux, c'est moi qui avais le plus l'air d'un mendiant. Après qu'il ait terminé, je m'en allai, sans cacher mon mépris, sans dire un mot, car j'avais un torrent d'insultes au bout de la langue.
Je reprenais donc ma route, et au détour d'une rue, je vis un des copains marchant à côté d'une fille canon, et lui parlant à l'oreille. Ah, le veinard, où est-ce qu'il la cachait celle-là. Ne voulant pas le déranger dans ce que je croyais une promenade d'amoureux, je fis comme si je ne l'avais pas vu. Ce fut lui qui m'appela, et me cria de l'attendre. Il vint à moi, laissant derrière lui sa copine – du moins je la croyais ainsi – continuer son chemin. J'étais étonné, et aussi flatté qu'il ait préféré ma compagnie à celle de cette belle créature. Mais mes illusions ne tardèrent pas à s'envoler. Ce n'était pas sa copine, c'était même la première fois qu'il la voyait ; ils ne marchaient pas ensemble, c'est juste qu'il lui collait aux jambes, et malgré toutes les instances de la pauvre fille, il n'avait pas voulu la quitter.
J'avais un principe concernant les filles : Elles se donnent parfois en spectacle, mais il ne faut pas les approcher. Comme de beaux tableaux dans un musée, on les regarde, mais sans les toucher. Même si le droit de regarder est contestable, mais… je ne suis finalement qu'un chômeur.
Je continuai donc ma route, mais maintenant j'avais un compagnon. Pendant que l'on marchait, j'essayais de lui expliquer mon principe, mais apparemment, c'était peine perdue, car il se lança derrière la première fille qui passa près de nous. Cela ne m'étonna point, ce n'était pas la première fois qu'il me faisait le coup. Traquer les filles, c'était son passe-temps favori, il en était passionné, et il savait faire tourner la tête aux filles rien qu'avec un regard caressant et des paroles mielleuses, et souvent trompeuses. C'était pour lui un défi, un défi lancé à son éloquence, à sa fourberie.
Assez parlé de ce personnage insignifiant, et revenant au personnage principal… moi. Après que ce dragueur passionné m'ait quitté, je continuai ma route. La journée était encore longue, et j'étais à court d'idée pour tuer le temps. Ah ! J'ai une idée. J'ai toujours ma carte d'étudiant, et la faculté des sciences n'est pas très éloignée. Je vais y faire un tour, histoire de voir s'il y a du nouveau. Après une vingtaine de minutes, j'arrivais à la fac. Il y avait une manifestation pour protester contre je ne sais quoi. Ce genre de manifestation finit généralement mal, avec quelques bras cassés, quelques têtes fracassées. La raison disait qu'il fallait décamper au plus vite, mais là où le désœuvrement parle, la raison se tait. Je me joignis donc aux manifestants qui répétaient quelques slogans. Répéter leurs slogans, ce n'était pas mon affaire, mais je trouvais qu'il leur manquait un peu d'harmonie, alors je me mis à taper des mains. Les autres ont dû trouver l'idée bonne, car ils se mirent aussi à taper des mains. Tout en jouant mon rôle de maestro, je promenais mon regard dans l'assemblée. Je fus agréablement surpris quand je vis mon copain le dragueur avec d'autres connaissances, et qui, à ma connaissance, n'avaient aucune relation ni avec la faculté, ni avec les barbus. En un clin d'œil, je me joignis à eux. Ils avaient l'air de vraiment s'amuser, et apparemment, ils n'avaient jamais assisté à une manifestation d'aucun genre. C'était une chose nouvelle pour eux. Cela cassait un peu la routine de tous les jours, et leur bonne humeur n'en souffrait pas. Le chef de l'assemblée demanda le silence pour placer quelques mots. Il commença d'abord par parler de la mauvaise administration de la faculté, de la situation catastrophique des étudiants, et des choses de ce genre. Tout cela ne nous regardait point moi et mes camarades, car, moi, je n'avais pas mis les pieds à la fac depuis un an et quelques, et eux, ils n'y avaient jamais mis les pieds, et ils n'ont été attirés que par le bruit. Donc, malgré le fait qu'on soit les moins concernés, cela ne nous empêchait pas d'être les plus bruyants, et à chaque phrase de notre orateur, il recevait une grêle d'applaudissements et d'acclamations, tandis que les vrais étudiants se contentaient de hocher la tête en manière d'approbation. Après avoir critiqué la direction de l'université, il se mit à critiquer l'Etat. Oh oh ! Les ennuis commencent.
Je me décidais enfin à déguerpir, et je recommandais aux miens d'en faire de même. On marcha, ou plutôt on courut à la porte pour sortir, mais on se heurta aux forces de l'ordre qui encerclaient le bâtiment. Ceux-là ne parlent qu'une langue, celle de la matraque. On n'eut pas le courage de franchir la porte de sortie pour essayer d'expliquer notre situation, car j'avais la conviction qu'on ne recevrait pour réponse qu'un coup de matraque. On décida alors de rentrer et chercher une autre issue, ou attendre que l'embargo soit levé. Mais il était écrit que cette journée finirait mal. Pendant notre absence, les manifestants avaient décidé de sortir et affronter ceux qu'ils appelaient ‘les agents de Satan'. On était pris au piège, des enragés devant nous, des enragés derrière nous, et l'hôpital était à l'horizon. La seule possibilité qui s'offrait à nous était de foncer tête baissée, droit devant, et advienne que pourra.
Miraculeusement, cela marcha avec la première ligne postée autour de la fac. Ils ont dû penser – en supposant qu'ils puissent penser – qu'on était des étudiants sans aucune relation avec les manifestants. Mais quelque soit la raison pour laquelle ils nous laissèrent passer, cela ne marcha pas avec la deuxième ligne, posté un peu plus loin. Ils ont dû penser – en supposant toujours qu'ils ont la capacité de penser – qu'on était des manifestants qui avaient pu s'enfuir. Bref, on était pris. On nous emmena au poste de police. Là, les esprits étaient un peu plus calme. On leur expliqua notre situation, et, heureusement, ils nous crurent, et appelèrent nos parents. Je ne pouvais y croire, c'était trop beau pour être vrai. J'allai sortir du poste de police, en gardant ma dignité. Pendant que je savourais mes illusions, on avait emmené l'un après l'autre mes camarades à une chambre voisine. C'était mon tour, un policier vint pour m'emmener. Je demandai à ce dernier de quoi il était question, il me répondit avec un mauvais sourire “la routine”. Drôle de routine qu'ont ces gens-là. On me fit entrer dans une chambre nue de tout ameublement, cette chambre qui vit se briser mes rêves de dignité. Tout ce dont je me rappelle de cette demi-heure de cauchemar, c'est des coups de poings, des coups de pieds qui n'en finissait jamais, et une bouteille avec un cou démesurément long, cette fameuse bouteille, que tout commissariat qui se respecte possédait.
On me fait enfin sortir de cette chambre de torture. Je rejoins le reste de la bande à la porte du commissariat. Tous étaient plus ou moins défigurés, mais j'étais le plus amoché de tous ; C'est que, voyant cette fameuse bouteille, et son nom moins fameux cou, et craignant le pire, je me mis à me débattre sous les mains de mes persécuteurs, et sur dix coups reçus, j'en donnais un, et à chaque coup que je donnais, on me répondait par une averse de coups. Mais heureusement, j'avais évité le pire, et je sors du commissariat avec la carcasse fortement endommagée, mais avec la conscience d'un homme qui se prend toujours pour tel.
Je quitte donc ce sinistre bâtiment, en jurant de ne plus y remettre les pieds. Chacun de mes compagnons s'achemine vers son chez soi, les uns tirant derrière eux leur honte, les autres tirant seulement leurs membres délabrés. On n'avait pas attendu nos parents, car aucun de nous ne voulait se faire voir dans ce piteux état, et aussi parce qu'on s'attendait tous à une longue harangue, et qu'il fallait s'y préparer mentalement. Chacun donc prend sa route et marche lourdement, assaillis par le froid de cette nuit de décembre, les douleurs de nos blessures, et maudissant tous ces policiers qui nous avaient fait payer le prix de leur détestable hospitalité en nous vidant les poches.
Ainsi se termine une de mes journées de chômage. Heureusement, toutes ne sont pas aussi catastrophiques.


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