La gauche radicale ne décolère pas, le Parti de Ismaïl Alaoui, lui, ne digère pas. Le mode de scrutin adopté par le gouvernement ne fait aucun heureux chez les hizbicules. Et pour cause : le seuil requis pour la redistribution des sièges, de 7 % est jugé discriminatoire, sinon électoralement liberticide. Analyse. Cinq partis de gauche se sont donnés rendez-vous ce mardi 27 juin pour faire savoir leur colère. Invités par le Parti socialiste unifié, lui-même fruit d'une fusion entre plusieurs fractions gauchistes radicales, les chefs des partis n'ont pas trouvé de mots assez durs pour qualifier le scrutin de liste que le dernier conseil de gouvernement a adopté avant de le soumettre, dans un deuxième temps, au Conseil des Ministres, présidé par le Souverain. Péché original, pour les gauchistes; le seuil requis, arrêté à 7 % est intolérable. Plus, même. C'est une loi qui finira par terrasser les petits partis et, donc, menace le pluralisme. En fait, la rhétorique cache mal le malaise des partis qui se donnent déjà minoritaires et avouent, tambours battants, qu'ils ne seront pas à même d'atteindre le seuil requis. Un paradoxe, cependant : deux des partis présents pour dénigrer le choix de la majorité ont toujours été pour le boycot des opérations rotatives. Annahj Addimocrati, l'héritier autoproclamé de l'ancien mouvement marxiste-léniniste, ILA AL AMAM, et le Parti de l'avant-garde socialiste-PADS-, formé des descendants de l'USFP n'ont jamais participé à aucune des élections passées, et rien n'indiquent qu'ils vont changer d'avis. A tout le moins, pour les descendants d'Abraham Serfaty. Il n'en demeure pas moins qu'ils ont joint leurs frustrations à la colère du PSU dont la fibre participationniste ne fait plus de doute, encore moins de débat. Un autre parti, le Congrès national ittihadi, dont le mentor n'est autre que Noubir Amaoui, le chef de la CDT, lui, a déjà vécu la déconfiture en 2002. Malgré une mobilisation, où le syndicat a joué le bras séculier du CNI, il n'a en somme obtenu qu'un seul siège. A l'époque, le seuil n'était que de 3 %. On imagine aisément le sentiment actuel des amaouistes. Surtout que même le CNI s'est déjà scindé en deux, en donnant naissance au Parti socialiste marocain dont le secrétaire général est Abdelmajid Bouzoubaâ, l'ancien bras droit et confident de Noubir Amaoui. Rassemblement En fait, les cinq partis forment depuis un certain temps un giron politique placé sous le signe de la gauche : le rassemblement de la gauche démocratique RGD, où l'on parle de tout et on n'est d'accord sur rien. Participer ou non aux élections n'est sûrement pas la seule pomme de discorde. Tout ce qui fait la politique marocaine, actuellement, ou par le passé, est sujet à des différends : élections certes, mais aussi Sahara, monarchie et syndicat, et on passe. Ce qui explique, d'ailleurs, pourquoi le PSU a été le seul à adresser une lettre au Premier ministre et le ministre de l'Intérieur à propos de ladite loi. Le PPS d'Ismaïl Alaoui n'est pas en reste dans cette guerre des minorités contre majorité. Amour confus Le PPS, pourtant membre de la majorité actuelle a fait siennes les attaques qu'essuient les choix de sa propre équipe aux commandes. Au cours des consultations, le parti s'est imposé une conduite qui le donnait "partant", mais, une fois le mode de scrutin révélé, son fusil change d'épaule et s'est ouvertement aligné sur les positions des partis dits de gauche non gouvernementale. Sa presse a aussi fait l'écho de la grogne qui montait en son sein. Avant de demander publiquement le changement de cap. Le secrétaire général du parti est allé jusqu'à taxer certaine disposition de "non démocratiques". Et d'ajouter : «la nouvelle loi ne résoudra nullement le problème de la balkanisation de la vie politique du pays», sans pour autant s'épancher sur les mesures requises pour mettre un terme à cette situation. Au cœur de la guerre du scrutin, il se trouve que c'est la survie de certaines formations qui est en jeu. Légiférer pour réglementer la vie politique et y insuffler un brin de rationalité, ou laisser la loi de la nature faire son travail ; voilà la question à laquelle il faut répondre. En attendant, certains acteurs politiques font parler d'un arbitrage royal en la matière. Mais rien d'officiel jusqu'à l'instant.