L'opinion publique s'était habituée à ne pas les apercevoir lors des grandes inaugurations. A se demander s'ils existaient. Ils, ce sont les membres du gouvernement précédent. Depuis la formation du nouveau, voilà qu'ils sont de retour. Ils existaient donc, et seule leur timidité les retenait, probablement. On se rend compte qu'ils travaillent aussi.Tant mieux. Cependant, cette probable timidité rend certains d'une susceptibilité extrême. Une critique motivée ou un trait destiné à faire sourire les font se raidir, pourtant, ils ont donné la preuve de leur souplesse d'échiné. On ne pense pas que la raison en serait qu'ils ont la vague impression d'occuper des sièges éjectables, ce qui serait inexact. Peut-être que de disposer d'une parcelle de pouvoir tourneboule les esprits. Alors les sonneries de téléphone sont suivies de protestations véhémentes. Et quand il s'agit de chefs d'entreprises, qui ont eux aussi l'épiderme délicat, ce sont des menaces. Non de violences physiques. Non, dans ce monde les comptes se règlent par l'intermédiaire de la caisse. Puisque c'est ainsi, vous n'aurez plus ma publicité, et moi mes annonces. Accessoirement, on réclame l'assèchement de la plume coupable. Comme s'il existait des plumes à gages. C'est une vraie question qui se pose à la Fédération des médias. Une publication est-elle au service des annonceurs. Privés ou publics. On prétend faire évoluer la mentalité du plus grand nombre. C'est une minorité qui le dit. Qui doit faire évoluer l'autre, quand on sait que la minorité considère la critique comme une agression. Il y a un haut responsable sérieux, qui a des idées, qui travaille et qui est un excellent communicateur parce qu'il est convaincu. Qui s'enhardira pour dire que lors de ses interventions à la télévision, il est tellement volubile et expressif qu'il fait songer à Jerry lewis. Ce qui est un compliment. Le prendrait-il pour tel ? Les hauts responsables sont des hommes publics. Ils s'exposent. Il en est même qui s'exhibent. Les femmes n'y échappent pas. La galanterie s'arrête là où commence la politique. Les artistes sont dans la même situation, sauf qu'ils ne prennent d'engagements envers quiconque. Un artiste peut être susceptible. Il est surtout sensible. Cette sensibilité le fait s'exprimer en étant parfois le reflet des autres. Il est plaisant de trouver cette sensibilité chez un rappeur. En l'occurrence le jeune Casablancais Saïd qui a conçu et chanté « choufa », le regard. Au cours d'un entretien radiophonique Saïd s'est expliqué sur son titre «choufa». C'est le regard de l'inconnu qui vous jauge et vous juge selon votre allure, votre mise. Le regard est avenant pour quelqu'un de bien mis, et renfrogné si ce n'est qu'un accoutrement. Cela a quelque chose de sartrien. On imagine mal un haut responsable, après avoir pris connaissance de quelques critiques, arpenter de long en large son bureau en marmottant : l'enfer c'est les autres. Tant que les hauts responsables ne peuvent souffrir d'entendre «oui, mais», nous aurons plusieurs trains de retard sur le développement véritable. Du reste, la critique d'aujourd'hui n'a rien inventé. C'est notre culture depuis des siècles que de critiquer à voix haute et en public. En moquant. Un esprit libéré est créateur. Un ingénieur doit être inventif. Le jour ou nous exporterons des brevets en plus de nos agrumes, nous aurons atteint le développement authentique qui met en harmonie les progrès techniques et la liberté d'esprit. On peut se demander si la critique n'existe que parce que l'autocritique fait défaut. En tout état de cause il faut bien constater qu'il n'y a pas péril en la demeure. La critique est éphémère puisque les laudateurs sont nombreux et infatigables.