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Avortement clandestin : Silence… on avorte
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 03 - 2008

L'avortement clandestin se pratique quotidiennement au Maroc, par des gynécologues privés, des médecins généralistes, des sages-femmes et des infirmières à domicile, sans oublier les faiseuses d'anges !
L'arrestation, le 1er mars 2008 à Agadir, de deux médecins, une gynécologue, un anesthésiste-réanimateur, et une infirmière, pour avoir accepté de pratiquer une interruption volontaire de grossesse sur une victime de viol, relance le débat sur l'avortement.
Leur interpellation par la police judiciaire d'Agadir, vient suite à une plainte qui a provoqué une enquête sur une banale histoire entre deux jeunes gens. A Tanger, c'est une jeune fille de 17 ans, connue pour être «exemplaire», qui est morte d'hémorragie à la suite d'un curetage au pied de céleri pratiqué par une bonne femme…
Dans la réalité, les témoignages abondent. Manquent pourtant les témoignages des plus pauvres, celles qui n'ont pas les moyens financiers de mettre fin à une grossesse non désirée. Celles-là , les filles-mères comme l'ont dit encore, finissent, pour une part, sur le trottoir ou dans les bordels, puisque ce sont des filles de mœurs légères, n'est-ce pas ? Leur place est là ! Une autre, très petite, part de ces malheureuses qui atterrissent dans l'une de ces multiples associations de terrain qui se battent contre ciel et terre, pour rendre un peu de dignité et de bonheur à ces mères et leurs enfants. Enfin, une autre part, surtout dans les campagnes, plus importante que l'on croit, bénéficie de l'amour d'un entourage familial pour lequel nonobstant la société, la religion le qu'en-dira-t-on, accepte l'enfant à venir comme un don du ciel. (voir encadré).
On compte ainsi pas moins de 400 avortements clandestins par jour, avec des conséquences sanitaires et sociales dramatiques. Selon l'OMS, 13% de la mortalité maternelle au Maroc est imputée à l'avortement. Il semble que ces statistiques sont très largement sous-estimées, étant donné l'illégalité de l'opération et le caractère tabou du sujet. C'est une réalité sociale et de santé publique, sur laquelle la majorité des professionnels de santé, les autorités sanitaires et surtout les politiques, font entendre un silence assourdissant. Pourtant, comme le montrent les chiffres très sous-évalués, une loi, aussi répressive soit-elle, surtout en matière d'avortement, n'a pas de réel impact dissuasif. 10% des femmes mariées reconnaissent avoir déjà avorté et 75% des mères célibataires ont pensé à se faire avorter!
Ce chiffre vient de l'unique étude menée sur l'avortement au Maroc à ce jour. Il est le résultat d'estimations scientifiques de chercheurs de l'Institut national de statistiques et d'économie appliquée de Rabat (INSEA). L'échantillon étudié comprenait 4 553 femmes, entre 15 et 49 ans, mais la question de l'avortement n'a été posée qu'aux femmes mariées, soit environ la moitié (2700). Selon une étude menée au sein de Solidarité féminine, à Casablanca, l'avortement a été le premier recours envisagé par 75 % des filles enceintes en situation de détresse morale et matérielle.
Toujours dans la clandestinité
Autre curiosité si l'on ose écrire : le droit à l'avortement ne fait l'objet d'aucun combat du mouvement féministe ou de droit humain au Maroc.
«Nous n'avons pas ciblé cette question de manière spécifique. L'avortement est le résultat des lacunes marocaines en matière de santé reproductive : absence d'accès aux moyens contraceptifs, manque d'informations sur la contraception», déclare Nouzha Sqalli, députée USFP et membre de l'Association démocratique des femmes marocaines (ADFM). Quant à Bouchra Abdou de la Ligue démocratique des femmes marocaines : «Ce n'est pas [leur] priorité».
Les féministes craignent de cautionner une perversion du système, en faisant de l'avortement un simple moyen de contraception. Le débat reste donc largement faussé, comme le démontrent toutes les expériences étrangères (voir encadré).
Faute de combattantes, le sujet demeure tabou à titre personnel, mais aussi sur le plan politique. Ce n'est pas Nouzha Sqalli qui reprendra de sitôt le flambeau. Elle a encore en mémoire la volée de bois vert du PJD invoquant «la Loi de Dieu», alors qu'elle avait osé abordé la question de la légalisation de l'avortement dans les cas extrêmes, comme le viol et l'inceste.
Pourtant, de petites voix s'élèvent: «Il est temps de briser le tabou de l'avortement. Je pense qu'il est vraiment temps pour le mouvement féminin de mettre en avant ce dossier de la même manière qu'on s'est attaqué au problème de la violence qui était presque tout aussi tabou» explique Khadija Errebah de l'ADFM.
un débat national serein et réaliste
Il semble bien -enfin- que les choses bougent. Une (seule) association ose transgresser le tabou et appelle ouvertement à la légalisation de l'avortement : l'Association Marocaine de Planification Familiale, qui, au terme d'une étude exploratoire sur l'avortement à risque (AAR), menée en 2007, appelle à «engager un débat national serein et réaliste» sur la question. «Celui-ci ne devra pas être polarisé autour du pour ou contre l'avortement. La seule bonne question est : on est pour ou contre la santé des femmes. Pour ou contre à ce qu'elles ne soient pas condamnées à souffrir et à mettre leur santé et leur vie en danger». Selon les recommandations de la même étude, «ce débat devrait déboucher vers l'adoption d'une stratégie de prise en charge des IVG. Il a pour but aussi de démystifier et mieux comprendre le phénomène et de dégager une prise de position et une politique consensuelle».
Après le combat pour la Moudawana et la réforme du Code de la nationalité, le nouveau combat féministe dans notre pays devrait, en toute logique, être celui de l'avortement clandestin… Dans une lettre ouverte, le Professeur Chafik Chraïbi, Chef de service Gynécologie- Obstétrique à la Maternité des Orangers à Rabat écrit : «il est urgent d'assouplir la loi sur l'avortement, comme l'ont fait plusieurs pays, dont la Tunisie. Au Maroc, la loi actuelle n'autorise l'avortement qu'en cas de pathologies maternelles graves, pouvant mettre en danger la vie de la mère […] Il serait judicieux d'étendre cette précaution aux pathologies fœtales (malformations…) et certaines situations sociales. Il faudrait aussi que le législateur permette d'interrompre une grossesse consécutive au viol ou à l'inceste par exemple». Dans la même lettre il souhaite que : «les indications d'interruption de grossesse soient minutieusement définies par la loi et que le délai d'avortement ne dépasse pas les deux mois».
Ce que dit la loi
L'article 449 du Code pénal punit de 1 à 5 ans de prison et d'une amende de 200 à 500 DH toute personne ayant provoqué, ou tenté de provoquer, un avortement avec ou sans l'accord de l'intéressée. La peine est portée à 20 ans de réclusion en cas de décès et est doublée si l'avorteur est récidiviste. L'article 454 punit de 6 mois à 2 ans toute femme s'étant livrée à l'avortement sur elle-même. Enfin, l'article 455 punit de 2 mois à 2 ans les complices d'un avortement, notamment les intermédiaires ou les vendeurs de produits abortifs. En outre, s'il est prouvé que le coupable se livrait habituellement à cet acte, les peines sont portées au double. Si le coupable fait partie du corps médical ou para-médical, il peut, en outre, être frappé de l'interdiction d'exercer temporairement ou définitivement. Concernant la femme qui s'est volontairement prêtée à un avortement ou qui a utilisé elle-même des moyens qui lui ont été indiqués pour avorter, elle risque une peine d'emprisonnement de 6 mois à 2 ans.
Témoignages de Fatima (la mère) et Khadija (la fille)
Fatima :
«Je veux d'abord vous dire que l'avortement est une pratique courante au Maroc. A la campagne d'où je viens, je peux vous présenter toutes celles qui l'ont fait. Vous savez, chez nous, on ne parle pas de ces choses-là. On le fait et on retourne aux champs et à la maison. En plus, c'est une affaire exclusivement de femmes. Aucun homme du douar n'est au courant de quoi que ce soit.
Pour moi, c'est une vieille histoire, maintenant. J'ai été mariée de force par mon père, à 13 ans, à un homme du douar d'à côté qui avait 40 ans à l'époque. Je ne savais rien de la vie, sinon que ma mère m'avait prévenue que je n'aurais rien à dire, quoi qu'il se passe. A 13 ans, on est encore une petite fille, même si on est mariée… Je n'avais aucune idée de ce que ce serait. Je savais juste que je n'aurai plus à m'occuper de toute la maison et de mes petits frères, mais de seulement mon mari ! La sexualité, je ne savais pas grand-chose, mais à la campagne on voit bien comment les choses se passent avec les animaux, alors…
Dès mon premier rapport, j'ai très mal vécu ce monsieur que je ne connaissais pas. J'ai fait quatre enfants en quatre ans. De 14 à 18 ans. Trois filles un garçon. Cela a été un cauchemar, car j'ai le bassin très étroit et de plus, toutes mes grossesses ont été problématiques. Heureusement, quand mon fils est né, mon mari ne s'est plus beaucoup intéressé à moi. Je lui donnais un fils, c'était tout ce qu'il voulait. De temps à autre, nous avions des rapports, mais pas grand-chose. Entre temps, j'ai eu, comme ma mère et ma sœur, un cancer du sein. Il y a 5 ans, donc plus de 15 ans après mon dernier accouchement, je suis de nouveau tombée enceinte. La gynécologue à l'hôpital, m'a averti que cette grossesse risquait d'être encore plus problèmatique pour moi. On a donc fait des examens, mais apparemment, ils n'ont pas été suffisants, pour me faire avorter médicalement. D'un autre côté, Il n'était pas question que je garde ce bébé. J'ai donc décidé d'avorter. Je connaissais une dame dans mon ancien village qui est «spécialisée» dans ce genre de pratique. Elle m'a donné à boire une infusion de je ne sais quoi, qui m'a rendue malade comme une chienne. Et en plus, ça ne m'a pas fait avorter. J'ai donc subi un curetage manuel, à l'aide de côtes de blettes géantes. Cela m'a fait horriblement mal, mais j'ai expulsé en quelques minutes. Le temps de me remettre, et je me suis mise à perdre du sang en grande quantité. Urgence à l'hôpital. J'ai subi un opération de vidage complet et perdu plus de la moitié de mon sang. J'ai mis des mois à me remettre. Je croyais avoir oublié tout ça. Effacé de ma mémoire ces affreux souvenirs. Et puis tout a recommencé l'an dernier».
Khadija :
« Je suis étudiante à Casa et j'ai un fiancé depuis une année. Il est étudiant lui aussi. On se connaît depuis longtemps en fait. Nous avions des relations banales, jusqu'à ce qu'il me demande de coucher avec lui. Nous nous étions promis le mariage dès la fin de nos études. Nous étions très amoureux. Nous avons fait l'amour une fois, puis deux, puis trois… Nous faisions des projets d'avenir, où il était question d'enfants bien sûr, mais pas tout de suite. Je suis tombée enceinte, trois mois après notre première relation. Nous étions tous deux catastrophés. J'ai mis deux mois à en parler d'abord à ma sœur puis à ma mère. Elle a été formidable, je craignais le pire mais là, elle m'a raconté ce que vous venez d'entendre et elle m'a dit qu'elle ne voulait pas que je vive ça à mon tour. Elle est allé voir les parents de mon fiancé. Le père a été d'accord pour que nous nous mariions le plus vite possible, il était prêt à tout pour être grand-père. Mais c'est la mère qui a refusé catgoriquement. Elle ne voulait pas de moi dans sa famille ni de ce «petit bâtard», comme elle m'a craché à la figure. Alors avec ma mère, mon fiancé et mon beau-père ; on a décidé que je garderai l'enfant.
Aujourd'hui, je suis enceinte de 7 mois et j'ai arrêté la fac bien sûr. Mon fiancé, lui, n'a jamais arrêté. Il aura sa licence dans trois mois si tout va bien. Juste après la naissance de notre enfant.
Le plus étonnant dans cette histoire, c'est que ce soit une mère qui refuse l'enfant de son fils et une infirmière de la maternité qui a refusé de s'occuper de moi au cours d'une visite à l'hôpital, quand elle a su que je n'étais pas mariée».
Fatima
«Pour moi, il y avait deux bonnes raisons d'accepter cet enfant. D'abord je ne veux pas que ma fille subisse ce que j'ai subi. Ensuite, cet enfant est l'enfant de l'amour et Dieu m'est témoin que cet enfant à venir sera le plus heureux du monde. Il lui manque une grand-mère, mais je ne désespère pas que cette femme change d'avis quand elle le verra. D'ailleurs, même mon mari, à qui j'ai finalement dit ce qui se passait, m'a dit que c'était une histoire de femme tout ça. Si le père du jeune homme est d'accord, alors il est d'acord aussi. L'enfant de l'amour je vous dis».


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