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Une fragilisation des régimes en place
Publié dans La Gazette du Maroc le 14 - 04 - 2003

Interview de Max Gallo, écrivain et historien françai
La guerre contre l'Irak, la chute rapide du régime de Saddam Hussein, la politique américaine de Bush, les jeux et les enjeux et la position de la France sont passés au crible par Max Gallo, écrivain et historien français dans l'entretien exclusif accordé à La Gazettte du Maroc.
• La Gazette du Maroc : la fin rapide de la gueerre contre l'Irak et la chute de saddam ne vous ont pas surpris ?
Max Gallo : écoutez, je ne suis pas très surpris par l'évolution de la situation militaire parce qu'on parle de guerre entre, d'une part, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, et l'Irak d'autre part, mais pour imaginer qu'il y ait guerre encore faudrait-il qu'il y ait un équilibre des forces. Or, dès le début et malgré ce qu'en disent les médias, il est apparu que le déséquilibre des forces entre la coalition anglo-américaine et les Irakiens était telle que la guerre devait connaître une issue plus ou moins longue mais en tout cas, une durée inéluctable dans la mesure où les Irakiens n'avaient ni DCA efficace, ni forces blindées, ni aviation et que c'était prévisible, ils ne disposaient pas d'armes de destruction massive comme l'avait dit d'ailleurs jeudi 10 avril dans une interview au journal espagnol El Pais, Hans Blix. Par conséquent, on pouvait s'attendre peut-être à une guérilla, mais les bombardements ont été tels à raison de mille sorties par jour que l'issue militaire était tout à fait inéluctable et puis dernier point, et il est vrai en ce sens que la chute de Saddam Hussein est un élément que je considère comme positif du point de vue de la démocratie. Il est vrai que ce régime était une dictature et que la meilleure défense pour un régime est quand finalement un peuple est solidaire de ses dirigeants. Tous ces éléments font que l'issue de la bataille était écrite dans les prémices.
• Au sujet de Saddam, les informations sont contradictoires et les spéculations vont bon train quant à son sort : il est mort, il s'est réfugié en Syrie, en Russie. Avez-vous des éléments qui expliqueraient sa disparition subite ainsi que son entourage ?
Je n'ai pas d'éléments donc je ne peux pas vous répondre. Toutefois, je crois que cette guerre, comme la plupart des guerres, se caractérise par un flot de nouvelles contradictoires et qu'il faut attendre. En plus, il y a manipulation de l'information. De ce fait, c'est très difficile de se faire une idée précise sur le sort de Saddam Hussein, je dirais à la limite il a une importance symbolique mais sur le fond, cela n'a pas grande importance. Sur le fond de la question, on assiste à la destruction d'un Etat, l'Etat irakien qui était dictatorial et bien plus que les manifestations d'enthousiasme de quelques milliers de personnes, ce qui me paraît tout à fait caractéristique, ce sont les scènes de pillage, c'est-à-dire un Etat chaotique qui s'installe avec toutes les conséquences humanitaires, de désorganisation et en fait, c'est bien la destruction d'un pays qui est à l'œuvre et je ne sais pas combien de temps il faudra pour qu'il renaisse.
• Bush a envahi l'Irak sous le prétexte et le slogan de la liberté et de la démocratie. Pourtant, il continue à soutenir d'autres régimes dictatoriaux. Qu'en pensez-vous ?
Je crois que personne ne peut être dupe sur ce point. Le but des Etats-Unis n'était absolument pas de porter la liberté aux Irakiens. C'était un aspect tout à fait collatéral et un aspect de propagande. Leur but était clairement de s'installer au cœur du Moyen-Orient dans une région stratégiquement centrale qu'est l'Irak à partir duquel ils ont développé une politique montrant qu'ils ont la force et les moyens d'imposer leur loi, un pays à partir duquel ils menacent tous les Etats de la région qui ne se plieraient pas à leur politique et à leur choix.
Quels sont ces pays ?
C'est-à-dire l'Iran, la Syrie, de manière un peu plus lointaine, l'Arabie saoudite qui les a déçus. Donc, au-delà de la question évidente du pétrole, il y a la question du contrôle stratégique d'une région tout à fait importante sur le plan géopolitique et sur le plan économique et énergétique.
Quelles seraient donc les conséquences de cette invasion sur la carte politique de la région et des régimes en place ?
On peut définir les conséquences à grand trait, mais personnellement je crois que l'histoire réserve toujours des surprises. Je n'ai par conséquent qu'une hypothèse. Je crois que c'est la démonstration de la puissance militaire américaine et de sa volonté de ne pas s'embarrasser des règles traditionnelles du droit international. Ce dernier n'existe que s'il y a équilibre entre des puissances. Or, ce qui caractérise la situation actuelle c'est le déséquilibre entre les Etats-Unis et les autres. Les conséquences qui vont découler de cette intervention, c'est une fragilisation des régimes existant dans la région : de l'Egypte à l'Arabie saoudite, de l'Iran à la Syrie. On peut penser qu'il va y avoir un fossé accru entre d'une part les opinions publiques et d'autre part les régimes mais je crois que les Américains ne craignent pas cette situation parce qu'ils estiment avoir les moyens militaires de contrôler la situation. Je citerai simplement une phrase de Napoléon qui est bien connue mais qui est toujours d'actualité : “on peut tout faire avec des baïonnettes sauf s'asseoir dessus”. Cela veut dire que la force militaire peut imposer une situation, en même temps elle oblige à rester toujours les armes à la main. Et la question est de savoir combien de temps les Américains seront prêts à rester dans la région et je crois qu'ils sont partis pour rester longtemps.
Pour revenir au droit international et à la pax americana, Bush est le pastiche d'un western : seul contre tous. Cela ne signifie-t-il pas la mort de l'ONU ?
L'ONU est forte dans la mesure où il y a là encore un équilibre des puissances. Si vous avez une puissance qui décide de ne pas respecter les règles de l'ONU et qui en même temps est la plus puissante des puissances, l'ONU se trouve effectivement reléguée à une assemblée qui parle et qui a peu de moyens d'action et pourtant il serait tout à fait important que dans l'après-guerre, l'ONU soit présente. Mais je ne crois pas du tout que les Américains soient décidés à l'admettre réellement comme acteur de l'après-guerre. D'ailleurs, le vice-président américain, Dick Cheney avait dit que l'ONU n'avait pas les moyens de jouer un rôle central dans la région et on l'a bien vu en d'autres occasions. En conséquence, l'administration de l'Irak quelles que soient les apparences, va se donner une administration américaine avec des Irakiens bien sûr.
Certaines voix irakiennes s'élèvent déjà pour dire non à des dirigeants importés de Londres ou de Washington, n'y a-t-il pas un risque de guerre civile ?
Je pense que la situation du futur gouvernement irakien qui sera en fait dirigé par les Américains sera difficile mais l'on peut se trouver dans une situation où le contrôle militaire de l'Irak sera assuré par une présence militaire américaine qui tiendra les points principaux à savoir les puits de pétrole, les principales villes et que peut-être des résistances endémiques existeront encore.
D'ailleurs, la situation de l'Afghanistan de ce point de vue-là est tout à fait exemplaire puisqu'on ne parle plus de ce qui se passe dans ce pays. Mais en Afghanistan, on a en effet expulsé les Talibans et la situation pour autant ne s'est pas réellement améliorée et la paix civile n'est pas non plus établie. On peut donc se trouver dans une situation du même type en Irak avec le fait aggravant qu'il s'agit là d'une population de 23 millions d'habitants.
A propos d'Afghanistan, les Américains ne parlent plus de Ben Laden. Et le monde se pose la question : where is Ben Laden ?
Oui, là encore le lien entre l'Irak et Ben Laden n'a jamais été établi. On peut même penser qu'il n'existait pas. Les Américains, bien avant le 11 septembre 2001, avaient décidé d'en finir pour des raisons géopolitiques avec le système irakien. Et les événements du 11 septembre qui ont été un choc psychologique pour les Etats-Unis leur ont dicté la nécessité de remporter une victoire symbolique forte et ils l'ont obtenue en faisant la guerre à l'Irak.
Si on parlait de la position du président Jacques Chirac, ne pensez-vous pas qu'elle soit équivoque pour ne pas dire contradictoire ?
Pour l'instant, je ne crois pas. Je crois que la position de la France a été dans la période qui vient de s'écouler, une position qui m'a parue conforme à la fois au droit international, aux intérêts de la région et surtout à la nécessité de ne pas créer de fossé entre les deux rives de la Méditerranée. C'est donc une position juste à mon avis. Maintenant, la position de la France va être plus difficile parce que je crois et je crains pour ce qui est des élites françaises un peu apeurées, à l'idée de voir la France se retrouver seule face à une Amérique victorieuse, à une Angleterre qui a joué le jeu des Etats-Unis, que même une partie de ses élites et du soutien de Chirac fassent pression sur le président de la République pour qu'il incurve sa politique dans le sens de l'acceptation de l'Etat de fait. Je crois que ce serait une erreur mais je ne peux pas prédire ce qui va se passer.
En parlant des deux rives de la Méditerranée, quelle est votre lecture de la prise de position du chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar ?
Ecoutez, la position d'Aznar comme celle de Berlusconi de l'Italie sont des positions liées. D'ailleurs, il y a eu une interview aujourd'hui dans Le Monde qui explique qu'on ne peut rien faire au fond si l'on n'est pas dans le sillage des Etats-Unis. C'est une grande question que pose le comportement d'Aznar ou de Berlusconi ou de Tony Blair. C'est la question de savoir s'il y a un Occident, un Occident qui englobe à la fois les Etats-Unis et l'Europe et que cet Occident doit accepter les choix politiques et les analyses des Etats-Unis. Et je crois que les gens comme Aznar, Berlusconi ou Tony Blair pensent qu'au contraire, il faut faire bloc en toutes occasions derrière les Etats-Unis. Personnellement, je crois que c'est une erreur et un péril pour la paix du monde et que l'Europe et la France en particulier devraient avoir leurs propres analyses, leurs propres choix particuliers mais évidemment cela suppose que l'Europe soit aussi une puissance en termes militaires, en termes de défense et en termes économiques. Pour l'instant, ce n'est pas encore le cas.
L'invasion de l'Irak a révélé une coupure ou une cassure au sein de l'Europe ?
Oui, la coupure au niveau des gouvernements. Cela dit, les opinions publiques européennes en Espagne, en Italie, en Allemagne bien sûr et même dans des pays comme la Pologne par exemple et même en Angleterre, ont été, même si elles peuvent changer ou si elles changent, unanimes pour condamner la guerre. Je trouve que c'est un fait positif de même si vous voulez, on n'a pas beaucoup accordé d'importance et on a eu tort, à la prise de position du Pape. Il s'est exprimé avec beaucoup de force contre la guerre. C'est un fait important parce qu'il n'y aurait rien de plus terrible et de plus grave pour l'avenir qu'une opposition frontale entre les deux religions : la Catholique et la Musulmane. Nous devons éviter cette confrontation parce qu'elle est tragique.
L'opinion publique arabe et musulmane voit dans les discours de Bush et dans l'arrogance de son administration et sa politique dominatrice, la traduction du fameux conflit des civilisations et des religions. Quel est votre commentaire ?
Je peux comprendre cela, mais je crois que c'est un piège dans lequel il ne faut absolument pas tomber même si le risque existe, même si par certains côtés, il est tout à fait présent, mais il est en même temps un piège qui conduirait à d'autres catastrophes. C'est pour cette raison que j'ai évoqué la prise de position du Pape et même des églises américaines qui, à l'exception d'une ou deux, ont toutes pris position contre la guerre. Je crois réellement qu'il ne faut pas mêler les problèmes religieux aux problèmes de géopolitique et de puissance, et il me paraît tout à fait essentiel sur ce plan que la France a un rôle très important à jouer ne serait-ce qu'aussi parce qu'elle a une importante communauté musulmane et que tout est lié entre la paix à l'intérieur de la France entre les différents Français de confessions différentes et les deux rives de la Méditerranée.
Ce que vous venez de plaider est un vœu pieux dans la mesure où Bush a emprunté le même discours religieux que Ben Laden. Quel est votre commentaire ?
Oui. C'est inquiétant cette tendance à vouloir donner une connotation ou une couverture religieuse à ce qui est en fait une politique de puissance impériale, je dirais classique et militaire qui s'apparente par certains côtés à une politique coloniale. A mon avis, il ne faut pas tomber dans l'aspect conflit de religions même si, comme je vous l'ai dit auparavant, le risque existe. Il est même présent précisément à cause de ces déclarations complémentaires entre Ben Laden et George W. Bush.
Finalement, cette situation renvoie à André Malraux qui avait prédit que le XXIème siècle sera religieux. Qu'en pensez-vous ?
En ce qui me concerne je suis catholique. Je crois que la religion est tout à fait un élément de la vie sociale, que chaque peuple ou chaque région du monde a son identité religieuse mais en même temps je suis un partisan, même si cela est très spécifique à la tradition française, tout à fait déterminé de la laïcité, c'est-à-dire de la séparation des problèmes religieux et des questions de foi qui relèvent de l'ordre privé et des questions politiques parce que la confusion entre les deux, nous le savons en France et en Europe dans la mesure où nous avons vécu au XVIème siècle des guerres de religion tout à fait tragiques. Je crois que la confrontation entre religions conduit au fanatisme, à des tragédies et à des guerres pleines de haine et de fureur et c'est cela qu'il faut éviter.
Nous sommes en train d'assister probablement à la “naissance” d'un axe Paris-Berlin-Moscou avec la rencontre prochaine entre Chirac, Schröeder et Poutine. Comment jugez-vous ce rapprochement et par quoi est-il dicté ?
Ce rapprochement, je le crois utile dans la mesure où je le répète, les relations internationales ne peuvent trouver un rythme pacifié que s'il y a équilibre. S'il y a déséquilibre quand une puissance écrase toutes les autres par sa force militaire, économique, il y a inéluctablement tentation d'empire. Par conséquent, je suis pour tout ce qui renforce un autre pôle qui peut faire contrepoids à celui des Etats-Unis. Cela dit, ce triangle Paris-Berlin-Moscou est encore très fragile parce que chacune de ces trois puissances a ses propres intérêts. C'est un début, mais je ne sais pas si cela va durer.
Au lendemain de la guerre du Golfe de 1991, Bush père avait promis un nouvel ordre mondial en affirmant : “nous serons tranquilles pour un siècle”. Aujourd'hui, Bush Jr incarne plutôt le désordre mondial. Quelle est votre position ?
Ecoutez, je crois que c'est une utopie dangereuse de penser qu'une seule puissance peut imposer à l'ensemble des nations du monde un ordre qui est uniquement le sien. Je pense d'ailleurs que c'est l'ouverture de la boîte de Pandore, comme on dit, c'est le risque de guerre permanente. Ce que nous risquons de voir, c'est en effet une situation de conflits permanents avec surtout cette notion de guerre préventive telle qu'elle a été exprimée par l'Administration Bush. Et cette notion de guerre préventive permet toutes les agressions et conduit en effet à une situation de désordre qui a commencé avec la guerre en Irak.
Certains observateurs et analystes vont même jusqu'à dire que la troisième guerre mondiale a commencé sous Bush Jr ?
Je ne sais pas mais personnellement en ma qualité d'historien et écrivain, je trouve que ce qui se passe en ce moment est aussi grave que ce qui s'est passé pendant les années 1914-1918. C'est-à-dire une guerre qui, en fait, a donné ses orientations à tout le vingtième siècle jusqu'aux années 89-90. Car la révolution russe, la deuxième guerre mondiale, le fascisme et le nazisme sont sortis réellement de la première guerre mondiale. Donc, ce qui se passe en ce moment n'est pas un phénomène régional limité au Moyen-Orient. C'est en effet et on peut s'en attrister et être inquiet dans la mesure où c'est quelque chose qui va orienter durablement les relations internationales du XXIème siècle. C'est extrêmement périlleux.
Le secrétaire d'Etat américain à la défense, Donald Rumsfeld a osé comparer la chute de Saddam Hussein et de son régime à celle du mur de Berlin. Entre-temps, nous voyons le Premier ministre israélien Sharon édifier un mur séparant Israéliens et Palestiniens avec tout ce que cela comporte de ce que vous connaissez déjà.
Je crois que la comparaison avec la chute du mur de Berlin n'a pas de sens, parce qu'elle est déplacée dans la mesure où ce qui se passe en ce moment c'est la conséquence en effet de la disparition de l'Union soviétique non pas que je sois partisan de ce régime mais il introduisait dans les relations internationales un élément d'équilibre des forces. La guerre froide était restée froide parce qu'il y avait un équilibre des forces.
Aujourd'hui, l'intervention américaine ou la guerre préventive s'explique et là je me répète par cette hyperpuissance des Etats-Unis et évidemment le conflit israélo-palestinien est un élément de cette nouvelle géopolitique. On n'a pas assez noté que pendant la guerre d'Irak, il y a eu 115 Palestiniens de tués (voir le dessin du journal Le Monde de jeudi dernier) et qu'il y a eu le soir même un raid aérien israélien sur la bande de Gazza avec des victimes. C'est tout un ensemble qui est en cause et on ne peut pas concevoir de stabilisation dans la région du Moyen-Orient et dans les relations internationales s'il n'y a pas une pacification dans les rapports entre Israéliens et Palestiniens. C'est un foyer de tension permanent, de radicalisation permanente qu'il faudrait en effet régler. Je suis assez sceptique sur la possibilité de le régler, ne fut-ce que parce qu'il y a dans un an des élections américaines où Bush sera candidat et que les liens entre le président Bush et le gouvernement de Sharon sont forts.


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