Sous l'effet d'appels répétés au boycottage des produits américains, la situation économique de nombreuses multinationales américaines implantées au Maroc pourrait tourner au drame. L'une d'entre elles, McDonald's Maroc, souffre déjà d'une “relative” baisse d'activité dans les restaurants fréquentés par des consommateurs locaux. D'autres multinationales, dont les produits sont moins voyants, affirment n'avoir constaté aucune baisse d'activité. Quand McDonald's Maroc, une entreprise marocaine qui exploite une franchise américaine, fait une sortie remarquée dans la presse nationale en publiant, il y a quelques semaines, un communiqué d'une page pour démentir les rumeurs qui la soupçonnaient d'avoir versé à Israël 10% de son chiffre, cela indique que la situation économique des multinationales américaines implantées au Maroc pourrait tourner au drame. Victimes d'une campagne “ignoble” orchestrée par de nombreux organismes associatifs qui ont lancé à l'adresse des consommateurs marocains de multiples appels au boycottage des produits américains, ces multinationales, qui emploient des dizaines de milliers de personnes, font aujourd'hui preuve d'une grande résistance. Certaines d'entre elles affirment n'avoir constaté aucune baisse d'activité à la suite de cette campagne. D'autres, dont les produits sont très connus du grand public, ont exprimé leur consternation face à un phénomène dont l'ampleur pourrait mettre en péril toute l'économie nationale. McDonald's Maroc fait partie des entreprises sévèrement pénalisées. Ses responsables évoquent une “relative” baisse d'activité qui a touché les restaurants fréquentés en grande partie par des consommateurs locaux. “Pour les autres restaurants, la baisse est négligeable, puisque leur clientèle se compose des touristes étrangers”, expliquent-ils. Face à cette situation qu'ils qualifient d'alarmante, ils ne comptent pas baisser les bras. Mieux encore, ils affirment avoir l'intention d'ouvrir un nouveau restaurant “McDonald's” à Marrakech. Son inauguration est prévue dans trois mois. Mais le sentiment de crainte qui pèse sur l'équipe dirigeante de la société ne s'est pas encore dissipé. C'est pourquoi les responsables de McDonald's Maroc n'excluent pas d'éventuelles mesures de réduction d'effectif si le boycott se durcissait vis-à-vis de leurs produits. Si les résultats d'exploitation sont tenus confidentiels, les analystes financiers estiment que la chaîne de restauration rapide, présente dans les principales villes marocaines, devrait afficher une situation “plus ou moins” déficitaire pour la première fois de son histoire au Maroc. Chez Coca-Cola Maroc, la discrétion est totale. Mais certaines sources proches de la société évoquent une baisse de 50% des ventes dans le Nord, où les mouvements islamistes sont fortement implantés. La crise économique à laquelle sont exposées les multinationales américaines intervient alors que Washington a annoncé officiellement, fin avril, à l'occasion d'une visite du Roi Mohammed VI aux Etats-Unis, l'amorce de négociations entre les deux pays pour la conclusion d'un accord de libre-échange. Cette convention, si elle est conclue, fera du Maroc le cinquième pays au monde à bénéficier d'un tel traitement commercial, après le Mexique, le Canada, Israël et la Jordanie. Rien que pour profiter des avantages “indéniables” de cet accord, il serait “suicidaire”, selon plusieurs économistes, de boycotter les produits américains. Si les initiateurs du boycottage avancent des raisons politiques pour justifier leur campagne, il n'en demeure pas moins qu'ils maîtrisent très peu les conséquences probablement lourdes qu'aura cette campagne sur les plans économique et social. Premièrement, de McDonald's à Pizza Hut, en passant par Marlboro, tous ces produits fabriqués au Maroc depuis plusieurs années et amenés des Etats-Unis par des franchiseurs marocains ont créé, à côté de l'économie locale, de véritables gisements d'investissement qui emploient des milliers de personnes. Les boycotter signifierait la destruction pure et simple de ce réseau de sociétés qui contribuent également à renforcer les recettes de l'Etat et à rehausser le niveau du PIB national. Deuxièmement, nul doute que la baisse d'activité que les multinationales américaines pourraient connaître dans la foulée de ce boycottage pourrait les pousser à appliquer des plans “exceptionnels” de réduction de leur effectif. Ce qui provoquerait inévitablement des tensions sociales dont le Maroc n'a nul besoin en ce moment. Le niveau de chômage dans notre pays est déjà à son plus haut niveau. Les autorités centrales et locales, bien que des plans d'urgence aient été présentés tour à tour par les différents gouvernements qui se sont succédé, n'ont pas réussi à juguler ce fléau. Si la plus haute autorité du pays s'est envolée, il y a quelques semaines, au pays de l'Oncle Sam pour négocier des partenariats commerciaux entre le Maroc et les Etats-Unis, il est évident que la dynamique économique entre les deux pays s'en trouvera renforcée. Cette volonté affichée du plus haut sommet de l'Etat pour un développement des relations bilatérales entre les deux parties devrait être accompagnée par une volonté similaire du peuple marocain. Sans celle-ci, il serait périlleux de prétendre créer des synergies productives entre les deux pays, alors que le monde entier est aujourd'hui en pleine ébullition sur les deux plans politique et économique