Abdelkrim Mejjati est tombé en Arabie saoudite La nouvelle était matinale. 7 heures GMT, les dépêches pleuvent. "Deux dirigeants du réseau terroriste Al-Qaïda en Arabie saoudite ont été tués dans des affrontements ", a rapporté la chaîne de télévision Al-Arabiya qui avait été la première à couvrir les assauts de la police saoudienne depuis au moins trois jours avant ce mardi 5 avril. Ces affrontements opposaient depuis dimanche 3 avril les forces de sécurité à un groupe d'insurgés au nord de Ryad. C'est précisément dans un quartier d'Al-Rass, une localité de la province d'Al-Qassim située à près de 320 km au nord de Ryad, que "huit Islamistes auront été tués" "Citant des sources de sécurité saoudiennes, la chaîne a identifié les deux dirigeants de la cellule saoudienne d'Al-Qaïda comme étant le Saoudien Saoud Al-Otaïbi et le Marocain Abdel Karim Al-Mejjati. Ces deux hommes figurent sur une liste des 26 Islamistes les plus recherchés dans le royaume". Voici en substance ce qui a été dit sur ce coup de filet qui a tourné à la grande démonstration de force de part et d'autre. Deux morts annoncées Pour la police saoudienne, les choses sont claires. C'est bel et bien Abdelkrim Mejjati qui a été tué. Et si cette information se révèle vraie, c'est tout le système de pistage des activistes affiliés à Al Qaïda qui demande à être revu. Pourquoi ? D'abord un petit rappel des faits pour nous rafraîchir les idées. Qui est Abdelkrim Mejjati ? Pourquoi son nom a été ajouté à la longue liste des Marocains liées aux réseaux terroristes dans le monde ? Et quel jeu a-t-il pu jouer dans les attentats de Casablanca, Istanbul, Riyad et Madrid puisque les soupçons l'ont désigné dès les premières heures ? On s'en souvient en mars 2004, les parents d'Abdelkrim Mejjati ont été conduits au laboratoire de la Gendarmerie royale où on leur a prélevé de la salive en vue de reconstituer leur ADN. C'était presque un an après les attentats de Casablanca et au même moment que les attaques de Madrid. On pensait qu'il était mort parmi les suicidés de Léganès. À la même époque, les autorités saoudiennes l'avaient cité comme l'un des principaux auteurs du dernier attentat en Arabie saoudite sans donner plus de détails sur la logistique ni l'appui dont il bénéficiait sur le sol saoudien. On s'était demandé alors si ce prélèvement allait servir pour après, au cas où on lui met la main dessus, mort ou vivant, pour l'identifier ? Pakistan, Iran, Arabie saoudite… Sur un autre niveau, nous avons aussi publié des informations faisant état de son passage par d'autres cieux en partance d'Arabie Saoudite ou d'Iran. Selon plusieurs sources policières de la lutte antiterroriste, les autorités pakistanaises auraient failli mettre la main sur un ressortissant marocain qui pourrait être Saïd Bahaji. Ce dernier était arrivé à Karachi en 2001 avec son ami Mohamed Belfatmi quelques jours avant les attentats de New York. C'est ce même Bahaji qui était un proche de Mohamed Atta avec qui il avait partagé une maison en Allemagne, pendant plusieurs mois, lui assurant du même coup une série de financements qui avaient facilité les va-et-vient de l'Egyptien. Le Marocain, en fuite depuis 2001, après un bref passage par l'Iran, aurait été donné par deux autres Marocains qui ont été approchés par les services de police pakistanais. Bahaji aurait été prévenu et aurait pris la fuite 48 heures avant l'arrivée du commando qui devait l'arrêter. Fait curieux, presque au même moment, d'autres sources affirmaient que le Marocain serait entré en contact avec un autre fuyard qui n'était autre qu'Abdelkrim Mejjati. Si l'on en croit cette source policière pakistanaise, lui aussi, aurait élu domicile au Pakistan, après avoir fui l'Arabie saoudite et le Maroc où il est recherché. Les deux Marocains chercheraient à sortir du Pakistan, peut-être pour rejoindre l'Irak ? C'est là que d'autres sources nous révélaient que les deux compères voulaient repartir en Europe en passant par l'Iran où un troisième larron leur assurait son soutien. On parlait alors d'Amer El Azizi, depuis confirmé comme le numéro 1 d'Al Qaïda en Europe, désigné en lieu et place par le célébrissime, Abou Moussaâb Al Zarkaoui. Quel lien avec Al Zarkaoui Quand les services secrets américains se joignent au concert des révélations, les mises en abîmes foisonnent. les amalgames aussi. Le plus frappant demeure que pour Washington, il n'y a plus aucun doute sur les têtes pensantes des attaques du 16 mai 2003 à Casablanca. Dans le flou total, on nous sort des affirmations sans preuves. Les Américains citent volontiers les deux noms des frères Benyaïch et de Abdelkrim Mejjati ainsi que d'autres individus que l'on soupçonne être Saâd Houssaïni et son ombre, Mohamed Guerbouzi, ainsi que Saïd Bahaji, dont l'implication dans les attentats du 11 septembre 2001 est plus qu'avérée, selon les mêmes services. Tous ces individus gravitent autour de l'image forte de leur chef et mentor, Abou Mousaâb Al Zarkaoui. Comment un tel lien a-t-il été fait et grâce à quels indices ? C'est la question sans réponse. Puisque pour longtemps, on nous a présenté Mejjati comme le co-leader du groupe de Leganès à Madrid. On nous a aussi donné des informations sur sa présence en Espagne quelques semaines avant les attentats de Madrid. Jamais ceci n'a été confirmé par les services espagnols qui, d'ailleurs, ont fini par lâcher la piste Mejjati pour tenir la cible des Marocains issus de la première vague d'Abou Dahdah. Et là, le seul lien avec Mejjati pourrait être Houssaïni et Azizi. Mais les deux n'ont pas été en Espagne depuis au moins 2001 malgré les avances des services secrets espagnols qui ont aussi donné Azizi comme cerveau du 11 mars. Aujourd'hui, la mort de Mejjati relance les débats dans les milieux spécialisés sur le rôle du GICM, la place de ce dernier au sein de ce groupement et ses liens avec les autres pontes du jihad toujours en fuite. A-t-il tenté le passage en Irak comme l'avaient laissé entendre certaines sources en Europe dont l'Observatoire du terrorisme qui suit de très près les mouvements de chacun?. Pourtant, il y a un hic dans toute cette histoire. Comment Mejjati a-t-il réussi son intégration en Arabie saoudite ? Sans oublier que c'est toujours pour nous une énigme ses va-et-vient, retracés entre le Maroc, la France, les USA et l'Arabie saoudite sans qu'il ait été inquiété. Les jours prochains nous en diront davantage sur son parcours, ses liens avec Al Qaïda et ses principaux appuis en Europe et en Asie.