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L'homme qui n'aime pas les saints
Publié dans La Gazette du Maroc le 19 - 12 - 2005


Paysages humains
Qu'est-ce qui fait qu'un amateur de lubrifiants sociaux soit un cas à la limite clinique pour se positionner en archétype d'une frange de la société où il évolue? Si j'en crois les multiples réponses avancées ce soir-là par Ahmed, alors que nous étions tous les deux, haut perchés sur deux tabourets poisseux d'un bar pas très loin du cinéma Verdun, la grande caractéristique d'un homme qui est en phase avec ce qu'il boit, c'est l'introspection. Oui, la faculté à se voir de l'intérieur sans trop de fards et sans ce filtre que l'on appelle la conscience.
Ahmed fait partie de cette catégorie des hommes qui n'aiment pas qu'on leur dise qu'ils sont hargneux, gorgé de sève amère et revanchards face aux autres, face à la vie et face à eux-mêmes. Non, Ahmed peut même, en tirant sur son verre de pastis te dire droit dans les yeux : qui tu es pour venir faire mon procès alors que quand toi tu étais un projet dans la tête de tes parents qui ne se connaissaient pas encore, j'avais déjà quelques bons litres d'alcool dans le sang histoire de voir le monde du bon côté. Et quand son ami Ali débarque, parce qu'ils avaient rendez-vous, comme chaque soir à la tombée de la nuit pour noyer le poisson, Ahmed dit ce qu'il pense de son compagnon de long chemin : Mon ami aime jouer aux durs. Il a toujours été dans un film, un film qui se joue de la première séquence à la dernière dans sa caboche. Et il vit selon les épisodes de son feuilleton de la tête. Oui, Ali est un homme qui joue la comédie et la tragédie et souvent, il se mélange les pinceaux et le résultat, c'est ce que tu vas voir ce soir. Ali n'attendait que cet instant précis pour bondir comme un vieux cabotin qui sait quand il faut se saisir de la perche qu'on lui tend. Oui je suis un acteur. J'ai même été une star de la radio, quand tu étais encore un bébé. Il faut ici remarquer que mes deux acolytes du bar près de Verdun insistent beaucoup sur mon âge. C'est que tu es encore un môme qui entre à peine dans la vie, nous avons tellement été en contact avec l'existence que tu n'as pas idée de ce qui se joue dans nos têtes, mon enfant. Bref, le reste de la soirée, ils me servent du mon enfant en veux-tu, en voilà jusqu'à satiété avec toujours ce sourire en coin qui relève plus d'une réaction biologique au mauvais pastis que d'une volonté de me chambrer. Ali entame son cours sur l'art dramatique, une leçon qu'il sert à tout le monde depuis des années et qu'il a tellement répétée que c'est devenue ne litanie de saint noyé dans des effluves éthérées en attendant un compromis avec l'aube qui bientôt lui dira que sa tête n'est plus à sa place et comme il le dit lui-même, c'est là l'instant le plus beau d'une soirée de pastis. Bref, Ali coupe court à tout ce qui se déroule devant lui et prend son rôle à bras le corps. Je restitue ici avec mes mots la quintessence de ce que l'acteur voulait dire avec, bien entendu, son aval. Il était question d'attitude physique pour se mettre en condition devant la vie. D'abord savoir marcher, apprendre à égrener les mots comme si on parlait au ralenti. Le regard, oui, le détail dans le regard, quand tu donnes l'impression de voir ailleurs alors que rien ne t'échappe; puis la gestuelle toute en symbiose avec le port de tête et la façon de se retourner. Jamais très vite comme si tu avais peur ou tu étais pris de court. Non, d'abord laisser la tête se mouvoir comme sur un ressort mobile et souple, tout doucement, puis engager l'épaule dans une suite de mouvements synchronisés avec la tête sans à coups, sans se presser. Le tout avec toujours le même regard qui se projette au loin tout en cadrant tout ce qui se trame devant soi. Il y a aussi un autre détail très influent au sein de la communauté des hommes, ne jamais être d'accord avec les autres. C'est là qu'Ahmed part dans son rire sardonique qui fait froid dans le dos. Il adorait cette partie du récit de son ami de toujours. Ali lui jette un oeil du genre, je t'épates encore, Ba Ahmed de lui rendre son œil en y ajoutant quelle soirée mon ami, on va vraiment toucher l'aube avant l'heure. Ali continue sous les encouragements muets de tous les habitués du bar : pour avoir de l'ascendant, il faut dire non à tout. Le non de principe. Quoi qu'on puisse dire, il faut risquer un geste de la tête, un hochement d'épaule et un zest d'ironie dans l'attitude. L'ironie en question ne devait pas être voyante ni désobligeante. Il y a une nuance à respecter entre l'ironie et le mépris. Ne jamais montrer du mépris, ne jamais acculer l'autre à vouloir te sauter dessus avec tous les moyens pour t'achever. Les risques inutiles ne font pas partie de l'attirail d'un homme qui en dégage. Un homme qui impose le respect dans la rue était celui qui venait droit au but sans détours, mais avec beaucoup d'assurance. Même pour aller acheter un litre d'huile Lesieur, je mettais autant de manières et de zèle pour impressionner l'épicier. C'était de l'exercice continu pour arriver à la perfection. Ahmed touche au ciel, les autres qui sont venus voir de près Ali, le grand acteur, dans ses œuvres donnent de la voix et invitent Ali à sortir le gros attirail. Ali devient philosophe. D'un coup l'acteur est doublé du penseur. Il remonte loin dans ses souvenirs. À douze ans, il lisait déjà Marx et Engels en arabe. Deux juifs allemands qui, un jour vont tenter un coup d'état contre Dieu et son trône! Voilà ce qu'il nous dit. La classe, qu'il répétait tout fier de ses deux amis barbus! Il y a donc des hommes aussi courageux pour déranger l'homme sur son fauteuil couleur de ciel! Et alors qu'est-ce que je croyais? L'Europe prépare sa révolution contre Dieu et tous les saints, qu'il me disait, et on devrait faire pareil pour ne pas rester minables pour les restants de nos jours. Ses amis le coincent sur cette révolution qui dure dans sa tête depuis cinquante ans. Mais qu'est-ce que vous croyez, moi je cogite, donc je suis et quand je suis , je fais ce que vous ne pouvez même pas imaginer. C'est dans la tête, mon enfant que les hommes ne se valent pas, parce que dans l'apparence, nous sommes tous pareils. C'est moi qui te le dis et n'écoutes pas ces cons, ils ne savent pas que pour être un homme, il faut d'abord tuer tous les dieux et tous les saints et aussi tous les mâles sur cette terre. Oui, zigouiller, passer à l'abattoir tout ce qui porte une verge, ce n'est qu'après une telle tâche aussi ardue qu'on atteint au stade de l'homme. Moi, j'essaie, mais je sais qu'avant de mourir, je vais tuer, dans ma tête, tous les hommes, quelques milliards de mâles, pour être en paix. Sinon, j'aurai raté ma vie. Et ça, je ne peux pas le supporter. Ali descend d'autres verres de pastis et finit la soirée par déclarer que ce soir, il y a au moins une bonne douzaine de saints qui sont enterrées, toujours dans sa tête, en attendant la razzia du lendemain. Pour nous tous, bon vin et bon vent.


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