Le Burundi s'attaque à la corruption    L'ambassadeur Yahya Mohammed Iliassa : « Dans une Afrique unie comme la veut SM le Roi Mohammed VI, le Polisario n'a pas sa place »    CAN 2025 : La FNTT déploie un dispositif intégré pour la mobilité des supporters    CAN 2025 : Tensions autour des billets et vigilance sécuritaire accrue    Fortes pluies, chutes de neige et temps froid, de mercredi à samedi, dans plusieurs provinces du Royaume (Bulletin d'alerte)    Essaouira. « Jazz sous l'arganier » revient pour une 9ème édition    Le secteur des assurances continue d'afficher des fondamentaux solides (CCSRS)    Zakia Driouich : les marchés de gros de poissons ont renforcé la concurrence et freiné la spéculation    Tanger-Tétouan-Al Hoceima: les retenues des barrages dépassent 1 milliard de m3    Cœurs en dialogue, Espoirs en partage : Des journalistes africains décryptent les relations sino-africaines et l'Année des échanges humains et culturels Chine-Afrique 2026    La vigilance « grand froid » déclenchée en France    Russie : 7 Marocains condamnés pour tentative de migration vers la Finlande    Etats-Unis : la Cour suprême bloque le déploiement de la Garde nationale à Chicago    Moroccan judiciary institutions join national portal for access to information    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : Agenda du mercredi 24 décembre 2025    Système électoral : vers un renforcement de la représentation des jeunes, des personnes en situation de handicap et des MRE    Températures prévues pour jeudi 25 décembre 2025    Double consécration en France pour le neurobiologiste marocain Aziz Moqrich    Descubren nueva especie de araña mariquita en Marruecos llamada Eresus rubrocephalus    Protection de l'enfance : Le Maroc accélère la réforme avec le projet de loi n° 29.24    La Chambre des conseillers adopte à l'unanimité la loi réorganisant le Conseil national de la presse    RedOne: Je porte le Maroc dans mon cœur, partout où je vais    La Ville de Salé inaugure son musée des instruments de musique    Réduction de la pauvreté à la chinoise par les industries vertes : expériences et inspirations globales    CAN 2025 : le Burkina Faso arrache une victoire renversante face à la Guinée équatoriale    CAN 2025 : Un grand Mahrez permet à l'Algérie de s'imposer face au Soudan    Botola D1 : Bras de fer entre la Ligue et l'IRT    CAN Maroc 25 : Où disparaît la pluie sur les pelouses marocaines de la CAN ?    CAN 2025 / Arbitrage : ce mercredi, pas d'arbitre marocain, Hadqa désigné assesseur    CAN 2025 Maroc : le programme des matchs de ce mercredi avec l'Algérie, la Côte d'Ivoire et le Cameroun    Tata Advanced Systems livre le premier lot de véhicules blindés WhAP 8x8 au Maroc    Vie privée et liberté d'expression : Ouahbi reconnaît une faille législative du gouvernement    Réforme de la profession d'avocat : Ouahbi se heurte à nouveau au refus des barreaux    Maroc-Japon: signature d'un Échange de Notes et d'un Accord de don supplémentaire pour le port de Souiria K'dima    L'or franchit pour la première fois le seuil des 4.500 dollars l'once    Province de Midelt: Un hôpital militaire de campagne à Tounfite au profit des populations affectées par le froid    Sélection, formation, moyens : Le point avec Mouloud Laghrissi, directeur des CPGE Tétouan    RETRO - VERSO : Sefrou 1890 ou la chronique d'une ville submergée    Palestiniens et amérindiens : Comparer, oui, mais pas n'importe comment    Zelensky : Kiev s'attend à une réponse mercredi de la Russie sur le plan américain    Lesieur Cristal : Inauguration d'une centrale photovoltaïque en autoconsommation à Aïn Harrouda    Revitaliser la culture populaire à travers les trains : la Chine lance une expérience hivernale innovante    Interview avec Dr Guila Clara Kessous : « L'inscription du caftan marocain à l'UNESCO est un moment de justice culturelle »    Cinéma : les projets retenus à l'avance sur recettes (3e session 2025)    Au MACAAL, Abdelkébir Rabi' explore l'infini du geste intérieur    L'Alliance des Etats du Sahel lance sa Force Unifiée    Espagne : Démantèlement d'un réseau de pilleurs de sites archéologiques    Jazz under the Argan Tree returns from December 27 to 29 in Essaouira    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Micro-crédit, macro-arnaque. Du travail et de l'emploi pour les femmes, pas des dettes
Publié dans Lakome le 07 - 09 - 2013

Depuis le début de l'année 2011, des femmes principalement, organisées dans l'Association de Protection Populaire pour le Développement Social , et dont le nombre atteint aujourd'hui près de 4500, mènent une lutte à Ouarzazate et toute la vallée du Dadès, dans le Sud du Maroc, contre des institutions de micro-crédit pour abus de confiance et conditions de crédit insoutenables.
Profitant de la crise qui a particulièrement touché le secteur hôtelier de cette région touristique, les organismes de micro-crédits se sont implantées dans la région et ont distribué largement des crédits en ciblant tout particulièrement les femmes. Prévus à l'origine pour financer des micro-projets et des micro-entreprises, ils ont souvent été attribués sans réelles vérifications, à la fois parce que les courtiers sont payés en fonction du nombre de clients qu'ils obtiennent et aussi parce que les Institutions de la Micro finance (IMF) et les Associations de microcrédits (AMC) reçoivent des dons et des subventions (de l'USAID, l' UE, des Fondations, du PNUD, etc.) en fonction de leur clientèle, dans un contexte de concurrence exacerbée entre les organismes.
Et de fait, ces sommes ont été utilisées comme crédit à la consommation, (pour s'acheter une mobylette, assurer la rentrée scolaire des gosses, payer un frigo...) ou pour pallier des services publics devenus payants en ces temps de néolibéralisme et inaccessibles pour les couches les plus pauvres de la population (notamment pour des soins de santé). De surcroît, de nombreux crédits ont été contractés pour payer les précédents.
Or, même si l'argent prêté provient de dons, de subventions ou de prêts à taux réduits, les taux d'intérêts que doivent payer les « bénéficiaires » de ces prêts sont exorbitants. Officiellement entre 14 et 18% (soit disant pour financer des frais de gestion lourds en raison des petites sommes prêtées), mais dans la pratique, les femmes de Ouarzazate citent des taux pouvant aller jusqu'à 40%.
En outre, il n'y a pas de rééchelonnement des dettes. Aucun des évènements pouvant survenir dans la vie des personnes endettées n'est pris en compte. Pire encore, un système de prêts solidaires a été mis en place, un groupe de femmes servant de caution pour chacune d'entre elles et les recouvrements peuvent être violents : pressions, chantages, agressions sont monnaie courante.
Derrière le discours caritatif larmoyant de lutte contre la pauvreté et la précarité des femmes, se cache donc une extrême violence vis-à-vis des pauvres. On profite de leur analphabétisme pour leur faire signer des contrats qu'elles ne peuvent pas lire et ensuite, pas de pitié.
Quel intérêt pour les institutions financières de monter des opérations de micro-crédits ?
Les IMF fonctionnent avec du capital bon marché revendu au prix fort aux catégories les plus pauvres : c'est un grand business ! Tellement juteux que les associations de micro-crédits présentes à l'origine se transforment en Institution de Micro-finance, tandis que les plus grosses banques de la place s'intéressent de plus en plus au secteur. Les pauvres ont bien peu d'argent mais ils sont si nombreux....
La même Fédération prévoit 3 millions de clients en 2020, annonce des taux de 15% à 24 % sur des sommes exonérées d'impôts et provenant de subventions, dons et fonds de la coopération étrangère et constate que les prêts sont globalement bien remboursés. Ainsi pour El Amana, l'une des IMF de la place, le taux de recouvrement avoisine les 99%.1 C'est donc déjà en soit une excellente opération.
Bancarisation de nouveaux secteurs
Mais de surcroît cela permet de bancariser de nouveaux secteurs de la population.
«Ce marché constitue un réservoir de croissance très important pour les banques et autres intermédiaires financiers qui souhaitent se diversifier et développer leurs parts de marché.»
«Ce segment de clientèle du secteur privé échappe encore largement aux circuits financiers traditionnels»
«Ces entreprises se trouvent souvent contraintes à se tourner vers des sources de financement informelles (amis, famille, tontines...), voire vers un autofinancement inadapté.» dit l'AFD (Agence Française de Développement)2
Ces micro-crédits constituent en outre une forme de « filets sociaux » évoqués dans les accords de partenariat euro-méditerranéen, face à la crainte que la marginalisation et la paupérisation de larges secteurs de la population, induites par la mise en place du libre-échange, n'accentuent la pression migratoire aux portes de l'Europe.
«De par leur structure et leur flexibilité, elles peuvent également être un élément déterminant d'absorption des crises économiques et financières.» (Ibid.)
Pourquoi les femmes sont-elles ciblées en priorité ?
«Fini le temps où le père ramenait la paie au logis et la remettait à la mère pour qu'elle élève ses enfants. La conséquence de l'ajustement structurel a été le chômage massif, la flexibilisation du travail, la précarisation de l'emploi. Face à ces politiques, le père est entré en crise et la femme est sortie dans la rue pour trouver de quoi survivre, donnant par là un nouveau visage à l'économie, à la ville et à la structure même et au sens de la famille. ... C'est toute cette énergie sociale que développent les femmes dans leur lutte pour la survie qui est instrumentalisée et utilisée par la Banque et le système de la micro-finance par le biais du microcrédit.»3
Ces propos de Maria Galindo, animatrice de l'association bolivienne Mujeres creando, donne des pistes de réflexion tout à fait intéressantes pour le Maroc. En effet, le néolibéralisme a massivement poussé les femmes à s'insérer dans le marché de l'emploi, notamment dans les secteurs tournés vers l'exportation (zones franches, textile, agriculture sous serre) profitant de leur absence de tradition sur le marché du travail, du manque d'acquis concernant leurs droits, de leur analphabétisme. La crise de la famille élargie et la crise de la famille tout court, exacerbée par un chômage structurel de masse, a transformé les femmes en chefs de foyer et en actrices de premier plan dans la lutte pour la survie.
Ce sont donc ces mêmes caractéristiques qu'exploitent aujourd'hui les IMF, proposant, dans le meilleur des cas des activités génératrices de revenus, ce degré zéro de l'emploi, ni travail, ni emploi, ni salaire, au nom d'un développement-bidon (ce n'est pas ainsi qu'un pays peut se développer) et provoquant des souffrances accrues pour les femmes. Les femmes de Ouarzazate parlent du stress qui est le leur, de leurs angoisses, des saisies, des procès. Aux problèmes de pauvreté vécus précédemment, que l'accès aux micro-crédits n'a pas résolus, s'ajoutent l'endettement et les pressions pour le remboursement qui détruisent les familles, amènent les femmes à la prostitution ou au suicide.
Ce que les femmes de Ouarzazate ont compris c'est que le micro-crédit n'est pas un outil de lutte contre la pauvreté mais un pillage supplémentaire des maigres revenus des familles pauvres. Elles ont aussi compris que l'endettement n'était pas un problème individuel, mais un problème social et collectif qui doit trouver des solutions sociales et collectives, en termes d'accès à des services publics gratuits et de qualité, en termes de création d'emplois, en termes de droit du travail et de droits économiques et sociaux.
Elles ont compris l'intérêt de s'auto-organiser et de lutter ensemble contre ces nouveaux vampires qui avancent masqués derrière un discours d'altruisme et de féminisme. Elles réclament l'annulation de dettes qu'elles ont déjà remboursées.
Amina Mourad y Benasser Ismaini, deux des animateurs du mouvement contre le micro-crédit, se retrouveront à nouveau devant le tribunal de Ouarzazate le 10 septembre prochain. Cinq organismes de micro-crédits avaient déposé une plainte contre eux. Quatre d'entre eux ont retiré leur plainte. Il en reste donc une. Et le procès reprend. Mais le véritable procès, c'est celui qu'intentent par leur action, les femmes victimes de la rapacité des organismes de micro-crédits, faisant de la pauvreté un grand business.
Lucile Daumas, Attac Maroc
1 Malgré le peu de risque pris par les IMF, elles se prémunissent contre le non-remboursement de diverses manières, micro-assurance qui garantit le remboursement en cas d'invalidité ou de décès ; prêts solidaires par groupes ; banques de données commune pour éviter le multi-endettement ; mutualisation des recouvrements par voie judiciaire.
2 Cf http://www.entreprendre-mediterranee.com/documents/AFD_et_la_Mesofinance_FR.pdf
3 La pobreza, un gran negocio. Análisis crítico sobre oenegés, microfinancieras y banca, La paz, Mujeres creando
Film réalisé par Souad Guennoun sur la caravane des femmes contre le micro-crédit à Ouarzazate


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.