La baisse du niveau de l'inflation et le ralentissement de la croissance du PIB non agricole suite à la crise internationale ont permis une détente des taux depuis le début de l'année. Ils devraient se stabiliser ou même baisser davantage si Bank Al-Maghrib opère une deuxième révision de son taux directeur. Malgré l'effet restrictif de liquidités qu'a eu la crise économique internationale sur le Maroc (baisse des recettes en devises), celle-ci a eu un impact positif de taille : la détente des taux d'intérêt sur notre système monétaire. Après la flambée des cours des matières premières en 2007 et début 2008, la crise internationale a en effet permis aux prix sur les marchés internationaux de baisser considérablement, ce qui a entrainé une détente du niveau de l'inflation au Maroc (de près de 5,5% en mai 2008, elle est passée à 3,6% en mars 2009). «Le déclenchement de cette tendance baissière de l'inflation, conjugué au ralentissment de la croissance ressenti au niveau de certains secteur de l'économie, non agricole notamment, a amené Bank Al-Maghrib, lors de son dernier conseil de politique monétaire tenu le 24 mars 2009, à baisser son taux directeur de 25 points de base, le ramenant à 3,25%», explique Mounir Mellouk, directeur négociation taux chez Casablanca Finance Market, banque de marché filiale de CFG Group. Ainsi, le souhait de la banque centrale de relancer la demande et de prévenir un ralentissement brutal de l'économie, qui s'est matérialisé par sa décision de baisser le taux directeur et d'adopter une politique expansionniste de liquidités via les injections hebdomadaires, a permis aux taux d'intérêt de baisser depuis le début de l'année. Les taux monétaires, qui tournaient autour de l'ancien taux directeur (3,50%), sont descendus au niveau de 3,25%, avec une faible volatilité (0,20%). Les taux obligataires ont pour leur part entamé leur baisse bien avant la décision de Bank Al-Maghrib, une tendance qui s'est poursuivie après la révision du taux directeur. «L'appétit des investisseurs, qui anticipaient la détente des taux, a entrainé une demande plus forte que l'offre du Trésor sur le marché des adjudications, ce qui a engendré une baisse des rendements primaires et secondaires», précise Mounir Mellouk. En effet, Kamal Bennani, d'Orange Asset Management, affirme que «la baisse des taux de rendement des bons du Trésor a été importante, variant entre 15 et 50 points de base. Le Trésor a principalement satisfait ses besoins sur les maturités courtes et moyennes, avec 48% des montants levés sur le court terme et 40% sur le moyen terme». Sur le marché secondaire (échanges entre investisseurs), Ahmed Alami de BMCE Capital Market, informe que «le mouvement baissier a concerné l'ensemble de la courbe des taux (baisses de plus de 40 points de base sur toutes les maturités) suite au renforcement des anticipations à l'égard d'une baisse du taux directeur et de l'entame du cycle d'investissement des opérateurs en valeurs du Trésor». La poursuite de la baisse des taux dépend de l'évolution de l'inflation et de la croissance Les opérateurs du marché affirment tous que cette détente des taux a été salutaire pour le système financier et l'économie nationale, dans la mesure où les conditions de financement sont devenues moins serrées dans ce contexte de manque de liquidités. Cette tendance va-t-elle se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2009 ? Les plus optimistes pensent qu'il y a de fortes chances que les taux continuent à baisser. Ceux qui le sont moins estiment, quant à eux, qu'on se dirige vers une consolidation et une stabilité des taux sur le reste de l'année. D'abord, il faut savoir que l'évolution future des taux monétaires et obligataires dépend fortement de l'évolution de l'inflation et de la croissance de l'économie nationale. Bank Al-Maghrib, lors de son dernier conseil, a déclaré que ses prévisions d'inflation sont baissières. La banque centrale table en effet sur une inflation moyenne de l'ordre de 2,6% jusqu'au deuxième trimestre 2010. Ce qui semble réaliste aux yeux des observateurs qui précisent que l'indice alimentaire, dont le poids est important dans l'inflation globale, devrait baisser grâce à la bonne campagne agricole de cette année. «Avec cette prévision baissière de l'inflation et une croissance non agricole qui a déjà montré des signes d'essoufflement, on pourrait assister à une révision supplémentaire à la baisse du taux directeur par la banque centrale en juin», estime Mounir Mellouk. Il recadre, toutefois, en précisant que «Bank Al-Maghrib pourrait différer cette décision au conseil de septembre afin qu'elle puisse s'assurer de la confirmation de la tendance baissière de l'inflation». Kamal Bennani pense, quant à lui, que «la banque centrale devrait maintenir son taux directeur à 3,25% tout en poursuivant sa politique accomodante à travers les avances de liquidités à 7 jours». Il ajoute que «la décision qui a de fortes chances d'être prise lors du prochain conseil est l'abaissement du taux de la réserve monétaire obligatoire de 12% actuellement à 10%, ce qui se traduirait par l'injection de 10 milliards de DH dans le circuit qui viendraient apaiser la tension sur les liquidités». Pour sa part, Ahmed Alami signale que «le risque de non réalisation du scénario de baisse existe vu que les facteurs de risque sur les taux pourraient s'aggraver avec la reprise des prix du pétrole et des autres matières premières». En tout cas, si la banque centrale baisse son taux directeur de 25 points de base supplémentaires, les professionnels du marché prédisent la poursuite de la détente des taux obligataires. «Une baisse qui devrait être de moindre ampleur que celle intervenue depuis le début de l'année car les investisseurs ont déjà intégré la détente des taux dans les niveau actuels», tient à préciser M. Mellouk. Ahmed Alami, de BMCE Capital Market, n'exclut pas non plus une légère baisse des rendements obligataires d'ici à la fin de l'année. Si, par contre, le taux directeur est maintenu à son niveau actuel, le marché des taux entrerait selon les opérateurs dans une phase de consolidation. «Les investisseurs adopteraient une attitude d'attentisme et d'observation, ce qui se traduirait par une stabilité des taux, voire une légère correction à la hausse sur les maturités longues, vu que certains d'entre eux seraient tentés de liquider leurs positions par manque de visibilité», explique l'un d'entre eux.