L'actualité bancaire de ces dernières semaines a été marquée par deux opérations sur le capital pour lesquelles deux des principales banques de la place ont obtenu le visa du CDVM. Il s'agit d'abord de l'émission d'obligations subordonnées par Attijariwafa Bank pour un montant de 1,2 milliard de DH et qui vient s'ajouter aux deux opérations effectuées en 2009, grâce auxquelles la «banque de l'ONA» avait pu lever 2,2 milliards de DH. Ensuite, il y a l'augmentation de capital du Crédit du Maroc par conversion optionnelle des dividendes de l'exercice 2009 en actions nouvelles. Et la filiale du Crédit agricole France ne compte pas s'arrêter là, puisque «l'établissement compte procéder prochainement à une émission obligataire subordonnée pour un montant de 1 milliard de DH», rapportent les analystes de BMCE Capital Bourse (BKB) dans une récente étude. D'autres banques de la place envisagent également de recourir au marché de la dette privée. D'après les bruits de couloirs, c'est BMCI qui devrait être le prochain émetteur. Des sources informées croient savoir que la filiale de BNP Paribas s'apprête à émettre 1,5 milliard de DH d'obligations subordonnées dans les prochaines semaines. Mais qu'est ce qui explique donc cet engouement pour les émissions obligataires ? Selon ce banquier de la place, la raison est toute simple. «C'est le relèvement prévu du ratio de solvabilité auquel doivent se conformer les banques à 12% qui crée cet engouement pour le marché obligataire, afin de renforcer leur fonds propres». Et pour cause, selon le plan comptable marocain, les dettes obligataires subordonnées sont considérées comme des «quasi-fonds propres», permettant en conséquence de renforcer le bas du bilan* et de se conformer ainsi aux exigences réglementaires, d'autant plus qu'historiquement, «les actionnaires des établissements bancaires n'ont jamais été friands des souscriptions aux augmentations de capital», comme l'ajoute notre source. Et dans les conditions actuelles, où l'ensemble des établissements est engagé dans des plans de développement, soit à l'international à travers des acquisitions en Afrique subsaharienne, soit au Maroc, à travers l'ouverture de nouvelles agences, le risque d'altérer leurs fonds propres est plus que jamais de mise. Certes, à ce jour, aucune décision de la Banque centrale n'a encore officialisé le passage du ratio de solvabilité à 12%. Cependant, en marge de la dernière mission du FMI, tenue au Maroc il y a quelques mois, «les autorités marocaines ont exprimé l'intention de porter ce ratio à 12% pour certaines institutions bancaires, en fonction de leur profil de risque, tout en tenant compte de la conjoncture», pouvait-on lire dans le rapport de l'institution internationale. Pour remédier à cette problématique, le marché de la dette privée constitue donc une belle parade pour les banques marocaines. D'ailleurs, en 2009 déjà, ce compartiment a enregistré pas moins de 6 Mds de DH levés par le secteur bancaire afin de faire face au premier relèvement du ratio de solvabilité à 10%. Cependant, en 2010, les conditions du marché qui étaient jusque là favorables à ce genre d'opération ne le sont plus désormais. D'abord, parce que les taux tendent vers la hausse, depuis que le Trésor est devenu libre de toute contrainte, l'empêchant d'émettre des bons à long terme et ce, suite notamment à l'entrée en vigueur de la nouvelle indexation des taux d'intérêts variables. Aussi, les opérateurs du marché redoutent-ils que les investisseurs, qui ont évité en 2009 les placements en actions au profit du marché obligataire en 2009, ne rebroussent chemin suite à la reprise qui est en train de se confirmer sur la place casablancaise et qui leur garantit un meilleur rendement pour leurs placements. Dans ces conditions, le marché obligataire risque de souffrir d'une rude concurrence des autres compartiments du marché financier. Alors, la question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir jusqu'à quand les investisseurs suivront-ils les banques dans leur quête pour renforcer leurs fonds propres à travers des émissions obligataires ? * au niveau des établissements bancaires et des compagnies d'assurances, la présentation des bilans se fait à l'envers de ce qui se fait pour les autres entreprises. Du coup, les fonds propres se retrouvent en bas du bilan. Les sociétés de financement ne sont pas en reste Les établissements bancaires ne seront pas les seuls à faire face à la contrainte des fonds propres, puisque les sociétés de financement sont également concernées. Mais à ce niveau, l'émission d'emprunts obligataires est moins probable. Plusieurs analystes de la place penchent pour une recapitalisation de ces établissements, à l'image de ceux de BMCE Capital Bourse, qui prévoient que «le rehaussement prévu du ratio de solvabilité pourrait amener certains opérateurs à procéder à des recapitalisations en vue de poursuivre le développement de leur encours de crédit». Cela dit, toutes les sociétés de financement ne peuvent pas se permettre le luxe de faire appel à leurs actionnaires pour renforcer leurs fonds propres, ce qui pousse certains opérateurs à envisager la disparition des petites structures, absorbées par d'autres, plus robustes financièrement.