N'y voyez aucune arrière-pensée sournoise, mais, en toute sincérité malveillante, je n'aimerais pas être à la place des patrons de nos partis aujourd'hui. D'abord, ils étaient déjà passablement sonnés par ce qui leur est arrivé ces dernières semaines. Si la plupart d'entre nous sont plutôt contents et ravis des vents d'Est, printaniers et libérateurs qui ont soufflé sur nous, d'autres ont été – et comme je les comprends ! – terriblement contrariés. En vérité, ces vents n'ont pas fait que souffler, ils ont aussi et surtout soufflé des idées plutôt sympathiques à qui de droit et qui en a fait aussitôt le meilleur usage. D'un coup, tout est chamboulé : des réformes sont proposées, une nouvelle Constitution est soumise – une Constitution qui a été votée un peu à la va-vite et qui est un peu unanimiste, mais ce n'est pas trop grave – et, quelque temps après, un calendrier électoral a été fixé. C'est là que ça devient sérieux pour nos amis pas très pressés jusque-là de se remettre en cause ni, encore moins, de céder leur place. Vous avez tout vu de vos yeux et tout entendu avec vos oreilles : dès que le premier coup de vent est arrivé chez nous par ricochet – merci les médias, merci Internet - ils ont commencé, et quasiment tous, par brandir le carton de «l'exceptionnalité» génétique du Maroc («Chez nous, c'est pas pareil»). Mais dès qu'ils ont été rappelés à l'ordre, dans un premier temps par la rue, et juste après, de beaucoup plus haut, ils ont aussitôt changé d'avis. Certains petits malins sont même allés jusqu'à crier à qui voulait les entendre que tout ce qui a été revendiqué par la rue, et mis en branle par qui de droit, leur appartenait. «Nous l'avons toujours prôné et c'est même écrit noir sur blanc sur nos documents». Il faut le voir pour le croire ! Bon, d'accord, c'est vous, mais maintenant, qu'est-ce qu'on va faire ? Eh bien, justement, ils ne savent plus quoi faire. Ils étaient là, tous tranquilles, à mener une vie pépère (et aussi mémère, parce qu'il n'y a pas que des mecs dans cette galère), racontant tout et n'importe quoi, roupillant allègrement et ne bougeant que pour changer de côté – et parfois de camp – et attendant gentiment 2012 pour se réveiller, comme d'habitude, en sursaut et en sueur. Oui, parce que les échéances électorales, c'est comme les échéances de payement : c'est toujours un vrai cauchemar. D'abord, parce qu'il faut rendre des comptes, ensuite parce qu'il faut donner des explications, enfin, parce qu'il faut faire des promesses, mais, comme avec les créanciers, il faut que ces promesses soient solides et assorties de garanties. Tout un programme ! Justement, à propos de programme, c'est ça, que personne n'a. Qu'est-ce qu'ils vont bien pouvoir nous dire encore qu'ils ne nous ont pas déjà dit et redit ? Pas grand-chose. Et leur problème aujourd'hui, c'est qu'ils n'ont même plus le temps de nous préparer autre chose. D'ailleurs, le drame est ailleurs : auraient-ils eu le temps de se préparer que ça ne changerait rien à leur destin, déjà achevé. En effet, les derniers vents souffleurs, grâce à leurs bienfaits libérateurs, ont non seulement balancé la chape de plomb qui nous maintenait, plus ou moins tous, en mode «mute», mais ils ont aussi donné aux «masses» ce qu'on pourrait appeler, un peu pompeusement, j'en conviens, «une prise de conscience». Je crois que c'est ça qui fait un peu peur, et même beaucoup peur, à nos 30 partis et des poussières, la plupart séniles, voire grabataires, et qui les plonge dans une profonde torpeur. Je pense qu'eux aussi ont pris conscience, hélas un peu tard, que RIEN N'EST PLUS COMME AVANT et que, désormais, il va falloir savoir compter au moins jusqu'à 20. À propos de chiffres, qu'est-ce que je me suis marré sur les dates avancées par les uns et par les autres ! Quand, il y a quelques jours, la date du 11/11/2011 a été susurrée de l'Intérieur (une date un peu apocalyptique, il faut le reconnaître) il y a eu un tollé immense de la part des adeptes du sempiternel report. Mais, aussitôt qu'ils se sont réunis avec les donneurs d'ordre, ils ont apparemment tous accepté un décalage de... 15 jours. Et je viens d'apprendre le pourquoi de ce «retardage» inopiné, et de la bouche même de celui qui menaçait de boycotter les élections si on les maintenait pour maintenant : «si on est passé du 11 au 25, c'est pour que le scrutin ne tombe pas en plein fête du mouton». Authentique ! Comme si on ne pouvait pas voter et... roter. D'ici là, je vous souhaite un bon appétit, un bon week-end, et vous dis, comme chaque vendredi, vivement le changement et vivement vendredi prochain.