Milouda Chaqiq, Artiste marocaine. Les Echos quotidien : Votre spectacle au Maroc a drainé un public nombreux. Vous vous attendiez à un tel succès ? Milouda Chaqiq : Avant de monter sur scène, j'avais le trac, puisque c'est la première fois que je présente mon spectacle «Tata Milouda et vive la liberté !» au Maroc, mon pays d'origine. Franchement, je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait tout ce monde et surtout à ce que le public soit sensible aux thèmes abordés dans mon spectacle, notamment la violence, la souffrance et la peur. Vous savez, je suis en train d'étudier avec l'Institut français au Maroc la possibilité d'organiser une tournée à travers les villes du royaume pour parler de mon parcours et de ma vie à un grand nombre de spectateurs. Le sujet de la femme occupe une place de choix dans votre spectacle. Pourquoi ? Parce que je suis une femme qui a trop souffert. Je me suis mariée à l'âge de 14 ans avec un homme que je n'ai pas choisi. Durant presque toutes mes années de mariage, je ne pouvais pas sortir seule, ni jouir de la vie. Je n'ai pas vécu mon adolescence, ni ma jeunesse à cause de ce mariage. Après, lorsque je suis arrivée en France en 1989, j'étais obligée de faire le ménage pour subsister. Si je parle de la femme marocaine dans mon spectacle, c'est pour dénoncer l'injustice dont elle souffre depuis toujours. C'est en France que vous avez présenté pour la première fois votre spectacle. Pensez-vous que ce rêve pouvait se concrétiser un jour si vous étiez restée au Maroc? Pas du tout ! Comment voulez-vous que je puisse monter sur scène et slamer au Maroc, moi une femme analphabète de plus de 50 ans ? Nous n'avions pas de cours d'alphabétisation dans mon village. Je suis sûre que personne n'aurait cru en moi. C'est malheureux, mais cela se passe de cette façon chez nous.