Comment la logistique peut-elle constituer un levier de souveraineté pérenne pour nos états africains ? Comment ce secteur peut-il contribuer de façon significative à la montée en puissance du commerce sur le continent ? Comment renforcer la compétitivité logistique de l'Afrique ? Quel rôle le Maroc peut-il jouer dans cette architecture ? Voilà quelques unes des questions qui étaient au cœur de la première édition du forum Dakhla Africa Logistics qui s'achève ce vendredi. «Le développement de l'Afrique ne pourra se réaliser que par la maîtrise de ses flux, la fluidité de ses échanges et la montée en puissance de ses capacités logistiques», résumait jeudi Yanja Khattat, président de la région Dakhla-Oued Ed-Dahab, en ouverture du forum Dakhla Africa Logistics. Durant deux jours, responsables institutionnels, opérateurs et experts africains se sont penchés sur les déterminants d'une intégration logistique continentale où le Maroc entend jouer un rôle structurant. L'enjeu central de la logistique pour la souveraineté africaine L'évaluation des défis du continent ne saurait se faire sans rappeler que les coûts logistiques représentent encore 35% du prix final des produits en Afrique, contre 10% dans les économies développées. Cette distorsion structurelle explique pourquoi les échanges intra-africains restent limités, à peine 15%, loin des standards européens ou asiatiques. Pour Yanja Khattat, cette situation résulte d'un manque d'interconnexions, de procédures lentes et de déficits d'infrastructures, qui freinent la circulation des marchandises comme celle des opportunités. Sanaa Hassini, présidente de l'AMLOG, a rappelé que la conjoncture mondiale renforce encore l'importance de ces enjeux. Dans un contexte de réorganisation des chaînes de valeur, la maîtrise des corridors logistiques devient un déterminant essentiel de la souveraineté économique. Elle souligne que la vision royale place l'Atlantique africain au cœur d'une stratégie d'intégration et de stabilité, incarnant l'ambition d'un continent capable de contrôler ses routes commerciales et ses propres chaînes de valeur. De son côté, Mohamed Michan Habate, président de la Chambre de commerce, d'industrie et de services de Dakhla-Oued Ed-Dahab, a insisté sur la nécessité d'articuler politiques publiques, financement et montée en compétence de la jeunesse africaine. À ses yeux, la logistique est autant une infrastructure qu'une circulation de savoirs, appelée à soutenir la production, la transformation et la compétitivité des entreprises africaines. Dakhla, rôle pivot dans la nouvelle géopolitique logistique africaine Au cœur de cette mutation, Dakhla s'affirme comme un pivot stratégique reliant l'Afrique du Nord, l'Afrique de l'Ouest et le Sahel. Pour Yanja Khattat, les régions du Sud, sous l'impulsion royale, sont devenues un pilier de la politique africaine du Royaume. Le Port Atlantique de Dakhla en est la pièce maîtresse : adossé à une zone industrielle et logistique de plus de 1.300 hectares, il ambitionne de constituer un hub afro-atlantique capable de connecter les marchés africains aux grands flux mondiaux. Sanaa Hassini a rappelé que ce port n'est pas une simple infrastructure maritime, mais un «corridor souverain», pensé pour jouer un rôle déterminant dans l'arrimage du continent à l'économie mondiale. Dans un contexte où les échanges transatlantiques connaissent une croissance soutenue, elle voit Dakhla comme une façade stratégique permettant à l'Afrique occidentale de se repositionner dans les chaînes d'approvisionnement globales. Mohamed Michan Habate, pour sa part, a souligné que Dakhla constitue désormais un «trait d'union» entre les grands axes Tanger–Lagos, Dakhla–Nouadhibou–Dakar ou encore les corridors menant vers le Sahel. Il rappelle que l'écosystème marocain, porté notamment par Tanger Med, offre un ancrage solide à cette projection africaine et confère au Royaume une position fédératrice dans la construction de corridors régionaux. Les grandes initiatives pour renforcer la connectivité continentale Les débats ont également porté sur les projets structurants appelés à transformer durablement les chaînes logistiques africaines. Le développement de corridors industriels et multimodaux reliant Dakhla au nord du pays, de plateformes de formation spécialisées ou encore la digitalisation intégrale des procédures douanières sont apparus comme des leviers incontournables pour faire émerger une logistique continentale intégrée. L'enjeu énergétique occupe également une place centrale. La région de Dakhla, dotée d'un potentiel éolien et solaire exceptionnel, ambitionne de devenir un pôle d'électricité verte et d'hydrogène vert, capable d'alimenter ses zones industrielles et de soutenir l'émergence de chaînes logistiques décarbonées. Les intervenants y voient l'un des fondements majeurs de la compétitivité future du continent. Parmi les initiatives structurantes évoquées, Sanaa Hassini a souligné l'importance stratégique du gazoduc Nigeria–Maroc, appelé à devenir un «gazoduc de l'Afrique atlantique». Ce projet, l'un des plus ambitieux du continent, pourrait renforcer la sécurité énergétique, créer de nouvelles interconnexions logistiques et offrir à l'Afrique une ouverture supplémentaire sur les marchés européens. À travers ce forum, une conviction s'est affirmée : la logistique n'est plus une fonction technique mais un instrument de souveraineté, de compétitivité et d'intégration. En accueillant cette première édition du Dakhla Africa Logistics, le Maroc confirme sa volonté de contribuer à bâtir une Afrique connectée, portée par des corridors structurants et des énergies propres ainsi que par des infrastructures modernes et une vision collective tournée vers l'avenir. Yanja Khattat Président du Conseil régional Dakhla-Oued Ed-Dahab «La logistique est notre diplomatie du mouvement, celle qui remplace les discours par des routes, les intentions par des flux et les frontières par des échanges.» Sanaa Hassini Présidente de l'AMLOG «Avec le port Atlantique de Dakhla, le Royaume contribue à redonner à l'Afrique son ancrage naturel sur l'océan, faisant de l'Atlantique un moteur de croissance et un levier de transformation structurelle.» Darryl Ngomo / Les Inspirations ECO