Au moment où l'université marocaine s'apprête à connaître sa plus profonde transformation, le ministre de l'Enseignement supérieur, Azzeddine El Midaoui, dévoile les contours d'une réforme qui veut rompre avec les dysfonctionnements du passé. Nouveau projet de loi, refonte pédagogique, souveraineté numérique, territorialisation de l'offre, le Maroc engage un chantier structurant qui redéfinit les missions, les exigences et les ambitions de son système universitaire. C'est avec sérénité que le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Azzeddine El Midaoui, s'est exprimé pour la première fois devant les médias, le 19 novembre. D'un ton posé, il a souligné que le nouveau projet de loi réorganisant l'université marocaine constitue l'ossature indispensable d'une réforme profonde et durable. Il fonde de grands espoirs sur ce texte, convaincu qu'il permettra de redonner aux établissements leur place dans l'espace scientifique régional. Mais la réussite de cette ambition dépendra de la capacité du système à se doter de mécanismes de contrôle efficaces, susceptibles d'éviter les erreurs du passé. Un nouveau cadre juridique s'impose Ce projet de loi, en voie d'adoption après plus de vingt ans sans révision majeure, porte la volonté de restructurer l'enseignement supérieur dans sa globalité. Il met fin à un modèle devenu inadapté à la massification des effectifs et aux exigences de la recherche moderne. Il introduit une gouvernance clarifiée, fondée sur des responsabilités mieux définies et sur la création de commissions spécialisées chargées d'évaluer la qualité de la formation, de superviser l'organisation académique et de veiller à la conformité pédagogique. Le futur dispositif introduit pour la première fois une architecture de gouvernance moderne qui répartit les responsabilités et rompt avec les ambiguïtés institutionnelles ayant longtemps affaibli les universités. «La réforme intervient dans un contexte où plusieurs transformations ont déjà été engagées. Les cahiers de normes pédagogiques des cycles Licence et Master ont été partiellement révisés, les formations médicales ont été entièrement repensées et de nouvelles filières ont vu le jour» assure El Midaoui. Ces évolutions ont été menées en concertation avec les enseignants, afin d'assurer un alignement sur les standards internationaux. L'innovation occupe une place centrale dans cette dynamique. La plateforme nationale Elogha-Sup, conçue entièrement par des compétences marocaines, accompagne la nouvelle politique linguistique qui impose des unités en arabe et en langues étrangères dans plusieurs filières. «Ce dispositif vise à renforcer les compétences linguistiques des étudiants, désormais perçues comme essentielles pour l'employabilité. Les modes d'apprentissage sont également modernisés. Présentiel, distanciel et alternance se complètent désormais afin d'offrir une plus grande flexibilité, notamment pour les salariés, sportifs, artistes ou étudiants en situation particulière», confirme le ministre. Ce choix s'inscrit dans une logique de démocratisation de l'accès au savoir et d'inclusion des divers profils étudiants. La carte universitaire est en pleine reconfiguration, avec la création de pôles régionaux, la spécialisation de certaines facultés et l'adaptation de l'offre aux besoins territoriaux. L'objectif est de faire de l'université un acteur du développement régional. L'innovation au cœur du dispositif La recherche scientifique connaît, elle aussi, un tournant majeur grâce au lancement du Programme national d'appui à la recherche, au développement et à l'innovation, le PNARDI, doté d'un budget d'un milliard de dirhams. Ce programme soutient la recherche appliquée, le transfert de technologie, la mobilisation des compétences marocaines à l'étranger et l'encouragement des jeunes chercheurs. La première édition a reçu plus de 1.200 projets. Cependant, les deux prochaines années seront marquées par plusieurs objectifs majeurs. L'offre de formation sera renforcée à travers la création de dizaines de milliers de nouveaux sièges pédagogiques et une augmentation significative du nombre d'étudiants en Master. Les centres de langues, d'orientation, d'innovation pédagogique et de développement des carrières seront généralisés dans les universités. Le ministère prévoit également une amélioration de l'accompagnement des étudiants en situation particulière et une dynamisation de la vie universitaire. La recherche devra franchir un nouveau palier, avec le financement de centaines de projets supplémentaires, une hausse du nombre de doctorants et l'encadrement de thèses en partenariat avec des universités étrangères. L'objectif est aussi de développer des villes de l'innovation et d'augmenter sensiblement le nombre de brevets et de startups issues du monde académique. La modernisation de la gouvernance constitue enfin une priorité, avec l'adoption généralisée de guides de procédures, la mise en place d'instances d'éthique scientifique et la hausse attendue des ressources propres des universités. En conclusion, le ministre insiste sur l'urgence d'adopter ce projet de loi, estimant qu'il s'agit de la condition sine qua none pour moderniser le système universitaire. Entre nouvelle gouvernance, transition numérique, montée en puissance de la recherche et réorganisation territoriale, l'université marocaine aborde une phase déterminante. La réussite de cette transformation dépendra de la capacité collective à mettre en œuvre, avec rigueur, les principes et les ambitions portés par ce texte. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO